Les Américains

La fin de la Guerre froide fut “négociée” et non une victoire de l’Occident

25542119En pleine crise ukrainienne et la perspective du rattachement de la Crimée à la Russie à l'issue du référendum du dimanche 16 mars, nombreux sont les observateurs à ressortir le vocable de la Guerre froide pour qualifier les relations actuelles entre Moscou et Washington. Ambassadeur des Etats-Unis en Union soviétique de 1987 à 1991, Jack Matlock s'étonne aujourd'hui du langage utilisé entre les chefs de la diplomatie américaine et russe lors de leurs dernières rencontres pour prévenir une aggravation de la crise en Ukraine. "Cela peut vite devenir très critique si les mauvais choix sont faits", relevait récemment John Kerry.

Dans une tribune publiée samedi dans le Washington Post, Jack Matlock (assis ici à côté de l'ex-président soviétique Mikhaïl Gorbatchev lors d'une conférence tenue en 2005/Manuel Balce Ceneta/AP/Keystone) ne pense pas que les deux pays replongent dans une relation digne de la Guerre froide. Les tensions actuelles sont, selon lui, davantage la conséquence de perceptions erronées et de malentendus. Moscou et Washington n'ont pas de conflit idéologique et leurs intérêts nationaux ne s'affrontent pas directement.

Jack Matlock estime que l'incapacité de voir comment la Guerre froide s'est terminée a eu un profond impact sur les relations entre la Russie et les Etats-Unis et expliquent en partie la situation actuelle. Jack Matlock réfute l'argument régulièrement avancé par l'Occident selon lequel celui-ci a "forcé l'effondrement de l'Union soviétique et a ainsi mis fin à la Guerre froide". A observer les apologistes de Ronald Reagan toutefois, c'est ainsi que l'ex-président est souvent présenté aux Etats-Unis. Ceux-ci ne cessent de répéter sa fameuse phrase "Mr. Gorbatchow, Tear that Wall Down (Mr. Gorbatchev, abattez ce mur (de Berlin)). Pour l'ex-ambassadeur américain en URSS, la fin de la Guerre froide "a été négociée dans l'intérêt des deux côtés". Gorbatchev lui-même, après la chute de l'Empire soviétique, déclarait que la "fin de la Guerre froide est notre victoire commune".

A partir de 1989, rarement la collaboration entre Washington et Moscou n'avait été aussi fructueuse: fin de la course aux armements, interdiction des armes chimiques, accord pour réduire les armes nucléaires, abandon de l'idéologie communiste, etc. C'était à l'époque de la présidence de George Bush père. C'est malheureusement ce même président qui, lors de son discours sur l'état de l'Union en 1991 déclara: "Par la grâce de Dieux, l'Amérique a gagné la Guerre froide." Un tel commentaire ouvrait la voie. Les Etats-Unis allaient désormais traiter la Russie comme la perdante de la Guerre froide. Cela allait conditionner la suite.

Pour Jack Matlock, les Etats-Unis et la Russie ont pourtant plus d'intérêts à partager que de contentieux à entretenir. La Syrie, le programme nucléaire iranien, l'Afghanistan, l'Arctique, la Corée du Nord. La Russie, ajoute-t-il, a été bien plus coopérative que les Américains l'imaginent. En faire un vrai ennemi ne va pas arragner les affaires des Etats-Unis.

 

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