Dans le même temps, les gouvernements d'Europe et d'Asie, qui se sont offusqués du pouvoir inquisitoire de la NSA par rapport à des données privées de citoyens européens, ont un double discours. Selon de récents rapports publiés par des sociétés de technologie, ils ne se privent pas d'exiger de ces dernières qu'elles divulguent des informations dont ils auraient besoin. De façon légale. Facebook par exemple, explique l'éditorialiste du Washington Post David Ignatius, a reçu des demandes de données de 74 pays au sujet de 38 000 utilisateurs au cours du premier semestre de 2013. Cela n'a certes rien à voir avec les 21000 comptes d'utilisateurs de Facebook ayant fait l'objet de requêtes des autorités américaines. Mais quand même.
L'Allemagne par exemple, poursuit le quotidien de Washington, a demandé des informations sur 2068 comptes Facebook depuis le début de l'année, la France à propos de 1598 comptes et la Grande-Bretagne au sujet de 2338 comptes. L'Inde n'est pas en reste. New Dehli a exigé des données sur 4144 comptes Facebook. Microsoft, Google et Twitter ont fait l'objet des mêmes requêtes de la part de pays à travers la planète. Microsoft a ainsi été sollicitée respectivement par les Américains, les Français, les Britanniques, les Turcs et les Allemands pour fournir des informations sur 24 565 comptes, 17973 comptes, 14301 comptes, 14077 comptes et 13 226 comptes.
Quant à Google, elle a fourni des données à la suite de 21389 demandes issues de 31 pays (dont l'Allemagne, la France et la Russie) lors du second semestre de 2012. Twitter dit avoir reçu 1700 requêtes en provenance de 36 pays au cours des six premiers mois de 2013. Selon un spécialiste juridique de la surveillance cité par le Washington Post, Stewart Baker, les Etats-Unis et le Japon imposent des limites beaucoup plus sévères à la transmission de données privées par ces sociétés internet sans une vraie procédure juridique. En Europe, on est moins sourcilleux. Stewart Baker cite d'ailleurs une étude de 2003 de l'Institut Max Planck en Allemagne. Selon des chercheurs de cet institut, "un Italien ou un Néerlandais a au moins 100 fois plus de chances de faire l'objet d'écoutes décrétées par son gouvernement qu'un Américain".
Stewart Baker ajoute que si les Européens en savent en réalité beaucoup plus sur les programmes de renseignement américains que sur leurs propres programmes. "Il est donc facile pour les politiques européens de persuader leurs opinions publiques que les Etats-Unis sont plus intrusifs… En réalité, l'inverse est vrai." Le ministre allemand de l'Intérieur Hans-Peter Friedrich a ainsi mis en garde ceux qui auraient peur de voir leurs communications interceptées: "Arrêtez d'utiliser des services qui passent par des serveurs américains." De telles craintes, estiment certaines études, pourraient coûter à l'industrie du Cloud ou de l'hébergement aux Etats-Unis entre 22 et 35 milliards de dollars au cours des trois prochaines années.