Certains y voient une preuve de grand leadership, d'autres un risque politique à six mois de l'élection présidentielle. Dans une interview accordée à la chaîne de TV ABC, Barack Obama a déclaré être pour le mariage homosexuel. C'est la première fois qu'un président américain se prononce en faveur d'une telle évolution sociale.
Des proches du président pensaient qu'il allait l'annoncer peu avant la Convention démocrate du mois de septembre. Mais la déclaration, dimanche à la télévision, du vice-président Joe Biden approuvant le mariage gay a forcé quelque peu la main de Barack Obama. Celui-ci n'a d'ailleurs pas toujours été acquis à la cause. Il a longtemps pensé que les unions civiles (pacs) étaient suffisantes. Mais le fait d'en avoir discuté au sein de sa famille, au sein de son administration et avec des amis homosexuels lui a fait changer d'avis.
Les bars gays de New York ont d'emblée affiché la nouvelle. Un gestionnaire de fortune homosexuel n'en revient pas: "Le vent a tourné. Cela prouve à quel point les mentalités changent vite. Les hommes politiques n'ont plus peur. Avant, ce n'était pas bien d'être pour [le mariage homosexuel], maintenant, ce n'est pas bien d'être contre." Le maire de New York, Michael Bloomberg, estime que la décision de Barack Obama aura des conséquences considérables: "Aucun président américain n'a soutenu une extension majeure des droits civiques qui n'ait pas été ultérieurement adoptée par le peuple américain. Et pour moi, il ne fait aucun doute, le cas présent ne fera pas exception."
Politiquement, le président démocrate prend un risque, car dans des Etats cruciaux tels que l'Ohio, la Pennsylvanie, l'Iowa et la Virginie, l'opposition au mariage homosexuel est encore forte. Par ailleurs, la communauté afro-américaine y est toujours majoritairement opposée. Chez les Hispaniques catholiques, c'est très partagé. Au plan national, 47% des électeurs indécis (swing voters) sont favorables au mariage gay et 39% y sont opposés. Dans le sud, 48% sont contre cette évolution sociale. Ce sera précisément le défi de Barack Obama. Mardi, les électeurs de Caroline du Nord ont approuvé un amendement interdisant le mariage gay à une large majorité. Or en 2008, le démocrate avait remporté cet Etat clé.
Par ce positionnement, Barack Obama marque un contraste encore plus net avec son très probable rival républicain, Mitt Romney, qui se dit toujours opposé au mariage homosexuel et à l'union civile. Cela peut lui coûter des voix parmi les électeurs les plus religieux. A contrario, il pourrait reconquérir le vote des jeunes, déçus par Obama, qui sont largement favorables à l'octroi des mêmes droits aux couples homosexuels. Dans un éditorial, le New York Times regrette toutefois que le président américain n'ait pas jugé que la question relevait de la compétence fédérale et que les Etats ont encore leur mot à dire. Le quotidien rappelle qu'en 1967 la Cour suprême avait jugé illégale l'interdiction du mariage interracial, car "le mariage est l'un des droits civiques fondamentaux de l'homme".