D'ici et d'ailleurs

Vous reprendrez bien de ce saumon breveté?

Photo Hartley/ Stop OGM

On a tous dans son entourage un connard patenté. Le saumon patenté, en revanche, c’est nouveau. Le salmonidé répond au doux nom d’EP1965658 et il, est, paraît-il, bourré d’oméga 3. La patente délivrée par l’Office européen des brevets (OEB) porte sur les plantes qui servent à nourrir l’animal, son élevage, le saumon lui-même et l’huile de poisson qui en est extrait. Pas de quoi avaler une arête de travers, me direz-vous.

Pourtant, le procédé est vieux comme le monde. Mieux que quiconque, les paysans de L’Etivaz (VD) savent que nourrir les vaches avec une certaine qualité de fourrage, en l’occurrence l’herbe et les fleurs des pâturages de leur région, permet d’obtenir un lait à nul autre pareil. C’est pourtant ce procédé, nourrir les animaux avec un certain type d’aliment, auquel l’OEB a attribué un brevet.

Ce brevetage du vivant et de la manière de le nourrir fait planer une menace directe sur l’agriculture: s’ils n’achètent pas tel ou tel brevet spécifique, les paysans risquent de ne plus avoir le droit de commercialiser le lait de leurs vaches, les œufs de leurs poules ou la viande de leurs cochons. Car, au-delà d’un saumon ou d’une truite, c’est bien là que réside l’enjeu: ce brevet ouvre la porte à toute une ribambelle d’autres. Toujours à l’affût, Syngenta a ainsi déposé deux demandes de brevets concernant le nourrissage des bovins: le brevet WO2019075028 concerne, par exemple, “une méthode permettant d’augmenter la quantité de lait produite par les vaches”. Comme si l’industrie laitière avait attendu Syngenta pour créer des super-laitières. On n’arrête décidément pas le progrès, surtout quand un bon paquet de blé est en jeu.

De son côté, la coalition d’organisations non gouvernementales “Pas de brevet sur le vivant” a fait recours contre cette décision. Elle invite d’ailleurs les organisations et les personnes qui se sentent concernés par ce combat à appuyer son action (en lien: documentation en allemand en ligne et en pdf à imprimer).

Quant à moi, je m’en vais de ce pas breveter la méthode d’engraissement de l’auteure de cette chronique, à base de bons fromages suisses. Sur un malentendu, ça peut marcher.

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