La Suisse peut-elle se borner à devenir un passager clandestin de l’OTAN?

L’Europe est à nouveau plongée dans la stupeur de la guerre sur son continent. Si l’on veut être honnête intellectuellement, peu de citoyennes et citoyens de notre pays étaient conscients qu’une invasion pour l’heure “conventionnelle” de l’Ukraine par la Russie pouvait avoir lieu. Certes, à part récemment, l’actualité de notre pays se faisait relativement peu l’écho des dernières péripéties géostratégiques entre ces deux pays.

Il n’en demeure pas mois que le mois de février 2022 et ceux qui suivront marquent les prémices d’une nouvelle ère européenne. Ils nous rappellent que les grands acquis de la paix n’en sont pas et que la stabilité des forces se construit par le truchement d’âpres efforts de dissuasion qui peuvent revêtir bien d’autres formes que la seule force atomique.

En Suisse, notre système est ainsi fait que les grandes lignes de notre politique de défense sont dessinées in fine par le parlement et, parfois, par le peuple lui-même. C’est ainsi que celui-ci fut appelé à plusieurs reprises durant ces dernières années à se prononcer sur des questions aussi fondamentales que l’obligation de servir ou encore l’achat de nouveaux avions de combat. Cette forte inclusion stratégique est extraordinaire en cela qu’elle garantit une adhésion précieuse de la population tant en temps de paix qu’en temps de crise. Elle implique cependant aussi que tout un chacun doit prendre le temps de s’intéresser à un domaine dont il ne détient pas toutes les clés, moi le premier.

C’est ainsi que l’espace public a vu naitre une panoplie de politiciens de milice devenus spécialistes en politique de défense et de dissuasion. Certains d’entre eux assènent les mêmes affirmations depuis près de 30 ans. Par exemple, en 2015, les Vert-s-e indiquaient que “la défense nationale classique est anachronique. De ce fait, la tâche principale de l’armée – la défense nationale du pays – devient caduque” (“Non à une armée boulimique”, papier de position du groupe des Verts, 22.05.2015). En 2018, le PS suisse affirmait dans un document officiel toujours accessible en 2 clics sur son site que “l’armée doit être réduite à un maximum de 60 000 membres, les coûts de fonctionnement doivent être abaissés massivement” ou encore que “les dépenses militaires peuvent être limitées à 4 milliards par an. En 2014, elles étaient de 4,1 milliards. Le plan financier de 5,26 milliards pour 2021 est beaucoup trop élevé” (“Dix thèses du groupe parlementaire socialiste sur la politique sécuritaire de la Suisse”, approuvées par le groupe parlementaire socialiste, 27.02.2018. Le GSsA quant à lui, il y a deux jours, assurait “(qu’)une attaque de la Suisse par des troupes russes au sol est exclue. Avant que le premier soldat russe ne pose le pied sur le sol suisse, une guerre nucléaire aurait éclaté” (“GSsA maintient l’initiative Stop F-35”, 03.03.2022).

Nous avons donc ici des partis ou des associations qui en sont proches qui affirment sans autre forme de précaution qu’une guerre conventionnelle est dans tous les cas à exclure, que l’armée de défense est carrément caduque et que le Suisse peut se borner à devenir un passager clandestin de l’OTAN (sic). L’on fait fi des principes fondamentaux de la dissuasion, nucléaire comprise, et l’on prétend qu’une Suisse sans défense militaire sera d’autant mieux protégée. En d’autres termes, profitons des dépenses militaires de nos voisins et assénons, la bouche en coeur, que la solidarité est une valeur à géométrie variable car elle n’inclut pas la nécessité d’auto-défense. Il faut une dose considérable de confiance en ses convictions profondes pour en arriver là. Ou d’inconscience. Dont acte.

Damiano Lepori

Damiano Lepori, 31 ans, est docteur en économie politique et directeur général du Groupe Bulliard qui compte une centaine de collaboratrices et de collaborateurs. Durant son temps libre, il préside le Centre fribourgeois, préside La Concordia de Fribourg, est Vice-syndic de la commune de Givisiez et siège en qualité de juge assesseur au Tribunal d'arrondissement du district de la Sarine.

6 réponses à “La Suisse peut-elle se borner à devenir un passager clandestin de l’OTAN?

  1. Des que l’être humain adhère à un groupe de pensée (idéologie, doctrines) sa capacité d’analyse diminue et se fourvoie inévitablement. Votre texte en apporte malheureusement, je le crains, des éléments de preuve concrètes.

  2. J’appelle à ce que le budget militaire passe à 2% du PIB dès cette année, afin de combler les efforts d’investissement manquants et de garder une défense crédible.

    N’oublions jamais. Le peuple suisse a refusé l’initiative de la gauche/GSSA qui voulait diviser par deux le budget de la défense, puis le parlement a divisé méthodiquement ce budget par trois !!

    1. Vive l’union des droites et du centre.
      A tous les politiciens: arrêtez de maltraiter nos enfants avec des vestiaires non genrés mixtes. Et apprenez leur le français, les maths et la réflexion.

      Et investissez dans notre sécurité. Justice, police et armée. Fini les gardiens de musée, assistants sociaux et assistants sexuels !

  3. C’est vrai que l’armée de milice suisses doit faire sacrément peur aux pays voisins. La légende dit que c’est la seule qui fait trembler Poutine.

    J’aime particulièrement ce genre d’opinion où on voit des solutions concrètes proposées et pas seulement des critiques non constructives.

    En quoi 20’000 hommes seulement entraîné pdt une dizaine de mois changeraient qqch à la sécurité de l’Europe ? Sachant en plus qu’ils ne peuvent pas être mis à disposition d’une « force européenne » la suisse étant neutre.

    A place de continuer de vivre au 19 siècles, il ferait bien que les partis de droites se réveillent et qu’on investisse enfin dans la cyber défense pour protéger nos infrastructures du vrai danger. Voir participer financièrement d’une manière ou d’une autre à La Défense des démocraties.

    1. Cher Monsieur,
      En fait, vous faites une opposition qui n’a pas lieu d’être entre la défense conventionnelle et la défense numérique. Je considère précisément que c’est une conjonction de facteurs concordants qui permet et permettra d’assurer une défense cohérente. Je me suis simplement permis de mettre en exergue une attitude d’une grande partie de la gauche qui a confondu la réalité géopolitique et son idéologie manifestement basée sur des hypothèses fallacieuses. Quant à votre affirmation selon laquelle “c’est vrai que l’armée de milice suisses doit faire sacrément peur aux pays voisins. La légende dit que c’est la seule qui fait trembler Poutine”, je ne donne que peu d’importance à ces remarques cyniques qui n’apportent rien au débat. Il faut avoir une armée apte à défendre un territoire de la taille de la Suisse avec toute la complexité qui caractérise notre pays. Quant à connaitre mes propositions concrètes quant à la défense de notre pays, le parti dont je suis un membre actif, s’est toujours battu pour la complémentarité des méthodes de défense et pour des solutions autrement plus concrètes que la gauche qui ne fait que s’opposer depuis des décennies aux propositions et projets du DDPS en affirmant les mêmes thèses que celle articulées dans votre commentaire.

  4. Et n’oublions pas.

    Les pirates russes ont mis HS en 1 clic les 6000 jolies éoliennes (trop fragiles) d’Europe centrale.

    “En piratant un satellite, des hackers ont placé hors de contrôle des parcs éoliens d’Europe centrale.”

    L’Allemagne cherche dès lors à rouvrir ses centrales nucléaires…. et la Suisse continue à vouloir les fermer !!

    Il faut le dire haut et fort: la gauche pastèque a eu tort sur tout, depuis 30 ans, et ses choix menacent aujourd’hui notre survie.

    En une semaine, tous les mythes fondateurs de la gauche européenne se sont effondrés ! Et la solution n’est pas plus de gauche ou plus d’erreurs !

    Le bons sens doit regagner ses lettres de noblesse.

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