De l’ombre des tranchées à la gloire

Dans le fracas des armes, cachés sous l’uniforme, dans la foule des armées de la Première Guerre mondiale, nombreux furent les hommes qui allaient devenir célèbres. Les archives photographiques permettent, parfois au gré du hasard, de saisir un bref instant de leur vie dans le cataclysme de 14-18.

Maurice Chevalier fut l’un d’entre eux. Il servit sur la ligne de front où il fut blessé par des éclats de shrapnels avant d’être fait prisonnier. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands lui demandèrent de venir chanter à Berlin, ce qu’il refusa. Il allait toutefois se produire dans le camp de prisonniers où il avait été détenu durant la première guerre, obtenant en échange la libération de dix prisonniers.

John Ronald Reuel Tolkien, le célèbre auteur du Seigneur des anneaux servit comme second-lieutenant dans le régiment du Lancashire en 1916.

L’écrivain suisse Blaise Cendrars, s’était engagé dès 1914 dans l’armée française comme volontaire étranger. Blessé en septembre 1915, il allait être amputé du bras droit. Il devait en laisser deux témoignages de son expérience: J’ai tué (1918) et La Main coupée (1946).

Ernest Miller Hemingway allait également prendre part aux combats sur le front italien comme ambulancier. Son passage sous les drapeaux allait l’inspirer pour la rédaction de son livre L’Adieu aux armes. Blessé, il devait passer plus de trois mois à l'hôpital avant de s’engager dans l’armée italienne.

Le peintre Paul Klee allait, quant à lui, être incorporé dans un régiment de réserve de l’armée allemande en 1916.

Moins célèbre sans doute, Armin Wegner, officier médecin de l’armée allemande détaché auprès de l’armée turque, allait photographier et documenter le génocide arménien entre 1914 et 1916. Il allait condamner l’antisémitisme quelques années plus tard et être persécuté par les Nazis. L’État d’Israël allait en faire un Juste !

De l’ombre des tranchées à la gloire, parfois posthume, le hasard permit à ces hommes d’échapper aux balles et aux obus, et de léguer à l’humanité le meilleur et, dans le cas d’Hitler et de Mussolini, le pire. 

De l’ombre des tranchées à la gloire

Dans le fracas des armes, cachés sous l’uniforme, dans la foule des armées de la Première Guerre mondiale, nombreux furent les hommes qui allaient devenir célèbres. Les archives photographiques permettent, parfois au gré du hasard, de saisir un bref instant de leur vie dans le cataclysme de 14-18.

Maurice Chevalier fut l’un d’entre eux. Il servit sur la ligne de front où il fut blessé par des éclats de shrapnels avant d’être fait prisonnier. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Allemands lui demandèrent de venir chanter à Berlin, ce qu’il refusa. Il allait toutefois se produire dans le camp de prisonniers où il avait été détenu durant la première guerre, obtenant en échange la libération de dix prisonniers.

John Ronald Reuel Tolkien, le célèbre auteur du Seigneur des anneaux servit comme second-lieutenant dans le régiment du Lancashire en 1916.

L’écrivain suisse Blaise Cendrars, s’était engagé dès 1914 dans l’armée française comme volontaire étranger. Blessé en septembre 1915, il allait être amputé du bras droit. Il devait en laisser deux témoignages de son expérience: J’ai tué (1918) et La Main coupée (1946).

Ernest Miller Hemingway allait également prendre part aux combats sur le front italien comme ambulancier. Son passage sous les drapeaux allait l’inspirer pour la rédaction de son livre L’Adieu aux armes. Blessé, il devait passer plus de trois mois à l'hôpital avant de s’engager dans l’armée italienne.

Le peintre Paul Klee allait, quant à lui, être incorporé dans un régiment de réserve de l’armée allemande en 1916.

Moins célèbre sans doute, Armin Wegner, officier médecin de l’armée allemande détaché auprès de l’armée turque, allait photographier et documenter le génocide arménien entre 1914 et 1916. Il allait condamner l’antisémitisme quelques années plus tard et être persécuté par les Nazis. L’État d’Israël allait en faire un Juste !

De l’ombre des tranchées à la gloire, parfois posthume, le hasard permit à ces hommes d’échapper aux balles et aux obus, et de léguer à l’humanité le meilleur et, dans le cas d’Hitler et de Mussolini, le pire. 

Saïgon, il y a 40 ans, et après…?

« Des sampans remontaient le Fleuve Rouge, boueux et lent, tandis que les pêcheurs des villages, incrustés à la berge, soulevaient des filets triangulaires. Les fumerolles annonçaient la ville, au-delà du pont. Le soir tombait sur Hanoi…. ».

Le 30 avril 1975, il y a quarante ans, Saïgon tombait sous les coups de l’armée populaire vietnamienne, marquant la fin de la guerre du Viêt Nam et la défaite des États-Unis.

Le livre magnifique de Michaël Flaks nous plonge dans l’atmosphère d’après-guerre de ce pays, un Viêt Nam, il convient de le reconnaître, méconnu par nous autres Occidentaux.

Et pour cause ?

L’histoire appartient aux vainqueurs dit-on ! C’est en général une vérité qui souffre pourtant quelques exceptions. La guerre du Vietnam en est une. Le bulldozer médiatique américain est ainsi parvenu à estomper la victoire du Nord-Vietnam en utilisant tout particulièrement l’industrie cinématographique. Critiquant la guerre (Voyage au bout de l’enfer ; Apocalypse Now ; Good Morning, Vietnam), vantant l’héroïsme et les souffrances des GI (Platoon ; Full Metal Jacket), rares sont les films qui montrent « l’ennemi » dans sa dimension humaine, ou le devenir de ce pays perdu par l’Occident.

La Guerre du Viêt Nam reste ainsi pour la plupart une défaite américaine, et non une victoire vietnamienne !

Au point tel que la majorité des gens, s’ils connaissent la dictature des Khmers rouges au Cambodge, ignorent que c’est le Viêt Nam en 1978, trois ans après la guerre contre les États-Unis, qui chassa les tortionnaires de Pol Pot et qui maintint un corps expéditionnaire au Cambodge jusqu’en 1990.

L’auteur, pourtant, connaît ce pays qui fut pendant longtemps fermé aux étrangers. Délégué du CICR, il allait parcourir les rues de Saïgon au milieu des enfants-poussière, traverser seul le pays jusqu’à Hanoï sur l’antique voie impériale, la Route Mandarine, constater les ravages de la guerre, la nature « martyrisée par le napalm, les défoliants et l’agent orange », et devenir, par la grâce du Comité populaire de la Province frontière de Cao Bang, citoyen d’honneur de cette partie du monde jadis arpentée par le docteur Yersin.

Entre poésie et exotisme, il y a un peu de Pierre Loti et d’Henri de Monfreid dans ce livre, dans lequel le lecteur se prend à rêver comme les « enfants du Mékong, du Delta à Luang Prabang (…) juchés sur les buffles hiératiques (…) comme il y a dix mille ans, face aux larmes du soleil qui tombent dans le fleuve ». Le récit nous mène toutefois au-delà des rizières nous faisant quitter le pays des lumières de jade pour Genève où, en 1976, Michaël Flaks devait rencontrer le maréchal Lon Nol en marge du Congrès de l’Internationale socialiste : « Il avait demandé à être reçu par le président du gouvernement genevois, André Chavanne. Celui-ci ne voulut pas le rencontrer et me pria de le représenter… J’avais rendez-vous avec le Maréchal un samedi, tard dans la nuit, dans un hôtel près de la gare. Deux jeune Cambodgiens gardaient les abords du salon de cet hôtel un peu miteux où je devais le rencontrer… ».

Un livre à lire donc, laissant un goût suave dans la bouche de cet Extrême-Orient empreint de traditions et de contradictions.

(http://www.indoeditions.com/objet/45/Chroniques+de+la+Route+Mandarine?PHPSESSID=18812a652b0de6868230c403e1cb5e89)

Michaël a accepté de s’exprimer dans ce blog sur une partie de cette histoire qui a marqué sa vie. Je lui cède donc la parole :

« Plutôt que la mienne, c’est la vie des autres qui est importante. Qui l’ont vécue dans leur chair, dans leurs pleurs, dans leurs chagrins, dans leurs peurs, et parfois, dans leur mort. Ce dimanche 26 avril 2015, s’est tenue à Saint-Paul de Lausanne, une commémoration placée sous l’égide de l’Église réformée vietnamienne. Au moins quatre générations de l’exil se souvenaient.

J’ai pu me souvenir aussi : ma génération avait vingt ans le 30 avril 1975, jour de la chute de Saïgon.

Je me suis souvenu de l’image de l’hélicoptère américain auquel s’accrochai une grappe humaine, et qui tentait de décoller du toit d’un bâtiment. Cette image reste de symbole de l’ultime acte d’une tragédie.

J’ai pu me souvenir de mon Vietnam, qui n’était plus celui de la guerre des Américains, du Viêt-Cong, de la terrasse du Continental, des attentats en ville, qui frappaient indistinctement les enfants, les soldats, les journalistes. Le Viêtnam que j’ai connu fut celui de la guerre avec la Chine et au Cambodge, d’un pays en état de guerre permanent, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur.

Dévasté par un isolement international, victime d’une économie aberrante, peuplé de millions de personnes n’ayant connu que la guerre, la souffrance, l’invincible pauvreté et la haine des destructeurs, le Vietnam survivait dans la tendresse et la colère.

J’ai entendu aussi ce vieux colonel vietnamien, à Saint-Paul, qui a raconté aux jeunes de l’exil les dix années passées dans des camps de rééducation, au Sud, puis au Nord… L’existence de ceux-ci fut une déchirure fondamentale dans le tissu social du pays et affecta durablement son image à l’extérieur.

Je me suis souvenu aussi de Saïgon et de ses enfants-poussière. Ceux-ci étaient Amérasiens. Je me suis souvenu de Thuy, de Maï et de Heck. Le seul rêve à jamais inachevé de ces enfants, était de retrouver ce père, héros devenu légendaire. Ils se préparaient à ce départ mythique, apprenant un pauvre anglais de marchandage, abandonnés dans la rue par les autorités, sans école, sans toit, sans rations alimentaires. J’ai retrouvé récemment Heck. Il a été condamné à mort en 1989 par un tribunal du Tenessee, suite à un cambriolage qui avait mal tourné. Depuis vingt-cinq ans il vit dans le couloir de la mort, et une Cour fédérale américaine vient de suspendre son exécution. Heck, enfant-poussière de Saïgon, rêvait pourtant, en 1980, d’un avenir radieux en Amérique. 

Dimanche dernier, j’ai retrouvé à Lausanne Minh Son. Il s’est souvenu de son 30 avril à Saïgon, des soldats déchus du Sud-Vietnam, dénudés, les mains sur la tête, repoussés par les nouveaux maîtres. Il avait six ans. Son père était pasteur au service des orphelins et des lépreux, au centre du Vietnam. Plus tard, après la chute de Saïgon établi près de Vung Tau, au bord de la mer, il travailla dans la mangrove ou encore dans les rizières et les champs. Ils furent septante-trois à s’échapper par la mer, en 1979, sur une embarcation de fortune. Contrairement à plusieurs centaines de milliers de boat people, victimes des garde-côtes, des pirates ou de noyades, il a survécu avec sa famille. Engagé dans le droit des étrangers, Minh Son est aujourd’hui avocat et professeur de droit aux Universités de Lausanne et de Neuchâtel.

Ce dimanche, nous avons pu ensemble partager un peu de la mémoire de l’histoire, au milieu des fracas d’importantes commémorations internationales d’autres tragédies. Nos compatriotes, originaires du Vietnam, sont pudiques et pleurent entre eux ce 30 avril, la perte de leur pays, il y a quarante ans. »

Michaël Flaks

Nier le passé entre dolma et sarma !

Nouvelle démonstration spectaculaire et sans vergogne de manipulation du passé (cf. mes articles de blog du 16 avril et du 20 mars dernier), digne des années les plus sombres du Stalinisme, le gouvernement turc vient de déplacer la date de commémoration de la fameuse bataille de Gallipoli (25 avril 1915 – 9 janvier 1916) à ce jour du 24 avril 2015, date événement rappelant le centenaire du massacre des Arméniens, comme nous le rappelle l’excellent article du Temps de Bernard Bridel.

La manœuvre est grossière au vu de la médiatisation portant sur les souffrances arméniennes.

Si celles-ci débutèrent en 1909 par un premier massacre de 30'000 personnes dans la province d’Adana perpétré par les nationalistes turcs, et continuèrent en janvier 1915 par l’exécution systématique de tous les soldats arméniens de l'armée turque, la date officielle du début du génocide est le 24 avril 1915 qui vit l’arrestation et la déportation de plusieurs centaines d’intellectuels arméniens de Constantinople. Dès lors, tous les hommes allèrent être tués, les femmes, les enfants et les vieillards déportés dans les déserts de Syrie, lors de marches mortelles ou dans des fourgons à bestiaux. Les estimations à propos du nombre de victimes divergent de 800'000, le chiffre officiel avancé par les autorités turques en 1919, à 1,2 millions.

On ne peut qu’espérer que les nations ne seront pas dupes de l’astuce imaginée à Ankara pour reléguer au second plan un passé sombre qui ne fait pas son jeu, dans cette course à la médiatisation de mauvais goût. Il y a fort à parier que les Australiens n’en seront pas victimes puisque la bataille de Gallipoli est leur bataille de la Première Guerre mondiale, célébrée le 25 avril, the Anzac Day, comme il se doit dans le pays de Russell Crowe, Nicole Kidman et Errol Flynn, depuis un peu moins de cent ans.

L’histoire suisse en guerre

Il est des sujets qui fâchent ! Parmi eux, l’histoire suisse. Le débat à propos de « notre histoire si tranquille » ne fait qu’enfler dépassant les cercles de spécialistes. Les dérapages de certains personnages politiques ont, il est vrai, éveillé des passions et surtout suscité des craintes. Que doit-on retenir de notre histoire, quels sont les aspects qu’il convient de mettre en lumière, pourquoi faut-il dénoncer les manipulations du passé ? Des questions qui partagent puisque derrière celles-ci se profilent des enjeux politiques pouvant avoir potentiellement des portées à moyen et long terme (cf. La médiatisation de l’histoire, un enjeu de notre tempswww.hebdo.ch/les-blogs/vuilleumier-christophe-les-paradigmes-du-temps/la-m%C3%A9diatisation-de-l%E2%80%99histoire-un-enjeu-de). Sans tomber dans des discours dramatiques et angoissés de visions totalitaristes, ce sont bien évidemment des positionnements politiques de la Suisse à l’égard de ses voisins, de l’Europe, de l’immigration, mais encore de l’armée ou du rôle de la femme dont il est notamment question !

Plusieurs historiens, et parmi eux des scientifiques de premier plan comme Thomas Maissen, se sont exprimés sur le sujet. Les Assises de l’histoire du 28 janvier 2015, qui se sont déroulées à Lausanne, et dont le thème était « À quoi sert l’histoire aujourd’hui ? » ont déplacé le cadre de ce débat en se concentrant sur les enjeux de l’enseignement de l’histoire, un enseignement controversé en raison de sa place laissée au sein du Plan d’enseignement romand.

L’Hebdo du 10 avril consacrait un article de fonds à cette problématique, et plus récemment encore, le journaliste du Temps Emmanuel Gehrig publiait le 15 avril un article intitulé Prisonnière du populisme, l’histoire suisse attend sa libération.

D’un autre côté, des politiques appartenant aux mêmes cénacles ayant allumé le feu prétendent que l’histoire ne sert à rien (cf. Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futurwww.hebdo.ch/les-blogs/vuilleumier-christophe-les-paradigmes-du-temps/plus-vous-saurez-regarder-loin-dans-le).

Il semblerait en outre, mais cela n’est pas nouveau, qu’oser formuler des considérations, voire des remarques, des critiques mêmes, à propos de déclarations fallacieuses et tronquées portant sur notre passé soit décrié. En témoignent ces commentaires anonymisés provenant de réseaux sociaux : « L'Hebdo, le Temps… autant de temps à économiser à ne plus les lire. J'ai résilié mes abonnements il y a longtemps. Il n'est pas nécessaire de payer pour lire ce qu'on lit déjà partout et ce qu'on entend partout, savoir la pensée unique / Il y a déjà longtemps que la presse a vendu son âme au socialisme ce n'est plus un secret de polichinelle / Une presse aux idées alignées… ployant sous un vent de gauche… et une presse qui se meurt. Et des journalistes qui pour se défendre accusent les lecteurs de lire Facebook en lieu et place des journaux. Bientôt le chômage pour la plupart d'entre eux. Heureusement qu'il y a des sites et des blogs sur le net qui permettent un peu d'air frais dans nos cerveaux d'incultes prétendus. Horresco referens / Le jour où les journalistes, ceux de gauche donc 80%, décideront de faire de l'investigation objective pour redonner une information et non un point de vue personnel, cela signifiera qu'ils ont découvert l'esprit d'entreprise et non du mouton » [sic]. Nous voilà tombé dans la Nef de fous de Sébastian Brant et de son ordo mundi à l’envers !

Loin d’être journaliste, l’historien que je suis, ainsi que la majorité des historiens de ce pays, ont pour éthique d’essayer de conserver une vision la plus objective possible sur des problématiques de ce type. Peut-on faire de l’histoire et rester objectif me diront certains ? Certainement pas, mais du moins est-il possible de s’extraire de positions partisanes ! Les mises en perspective et le recours à des analyses multiples constituent ainsi un champ de référencements que l’on souhaite le plus large possible.

Et s’il est évident que l’histoire ne sert pas à rien, au grand dam des ténors de la pensée facile, comme le démontre le débat actuel, il est tout aussi manifeste que notre pays repose sur une histoire complexe, multiple et passionnante plus riche que le récitatif instrumentalisé ou pas (Morgarten, Marignan, Guisan, etc…) qui constitue la vitrine de l’histoire suisse devant laquelle le quidam, le plus souvent, soupire d’aise ou d’ennui. Faut-il encore en avoir quelques échos ! Qu’il me soit donc permis d’évoquer ici partiellement une collection que je connais bien, puisque publiée par la Société d’Histoire de la Suisse Romande, témoignant de cette richesse de notre histoire :

VONECHE CARDIA, Isabelle, Neutralité et engagement. Le relations entre le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Gouvernement suiss, 1938-1945, SHSR, 2012.

PIBIRI, Eva, En voyage pour Monseigneur. Ambassadeurs, officiers et messagers à la cour de Savoie (XIVe-XVe siècles), SHSR, 2011.

TOSATO-RIGO, Danièle, La chronique de Jodocus Jost. Miroir du monde d'un paysan bernois au XVII e siècle, SHSR, 2009.

DEMOTZ, François, La Bourgogne dernier des royaumes carolingiens (855-1056) : rois, pouvoirs et élites autour du Léman, SHSR, 2008.

ANDENMATTEN, Bernard, La Maison de Savoie et la noblesse vaudoise (XIIIe- XVe siècle). Supériorité féodale et autorité princière, SHSR, 2005.

La Suisse occidentale et l’Empire. Actes du colloque des 25-27 avril 2002, édités par J.-D. Morerod, D. Tappy, C. Thévenaz-Modestin et F. Vannotti, SHSR, 2004.

René de Weck, Journal de guerre (1939-1945). Un diplomate suisse à Bucarst. édition critique établie par Simon ROTH, SHSR, 2001.

DUBUIS, Pierre, Dans les Alpes au Moyen Age. Douze coups d’œil sur le Valais, SHSR1997.

SEEGER, Cornelia, Nullité de mariage, divorce et séparation de corps à Genève, au temps de Calvin, SHSR, 1989.

Collectif, La formation territoriale des cantons romands: Fribourg, Vaud, Valais, Neuchâtel, Genève, SHSR, 1989.

Helvetia et le goupillon, Religion et politique en Suisse romande, XIXe-XXe siècle. Actes du colloque de Lausanne du 20 novembre 2010, publié par Alain Clavien, SHSR, 2012. 

Guillaume Tell et la libération des Suisses, sous la direction de Jean-Daniel Morerod et Anton Näf, SHSR, 2011.

Art et politique dans le canton de Vaud au XIXe siècle, une relation équivoque. Actes du colloque de Lausanne du 8 novembre 2008 publiés par Olivier MEUWLY, SHSR, 2009.

Les Romands et la Gloire. Actes du colloque de Lausanne du 17 novembre 2001 publiés par Jean-Daniel Morerod et Nathan Badoud, SHSR, 2006.

BORNET, Jean-Marc Bornet, Entre les lignes ennemies. Délégué du CICR (1972-2003), Georg – SHSR, 2011.

VUILLEUMIER, Christophe, Les élites politiques genevoises – 1580-1652, Éditions Slatkine /SHSR, 2009.

VAN DONGEN, Luc, Un purgatoire très discret. La transition "helvétique" d'anciens nazis, fascistes et collaborateurs après 1945, Éditions Perrin /SHSR, 2008.

FELBER, Jean-Pierre, De l’Helvétie romaine à la Suisse romande, Éditions Slatkine / SHSR, 2006.

CLAVIEN, Alain, Les Helvétistes. Intellectuels et politique en Suisse romande au début du siècle, Éditions d’En Bas / SHSR, 1994.

 

 

Lorsque la réalité dépasse la fiction !

Durant l’entre-deux-guerres, la peur d’un nouveau conflit devait faire naître les idées les plus folles dans les esprits. Les fantasmes d’armes ultra-modernes, de technologies secrètes et de recherches occultes allaient nourrir ces craintes.

L’époque s’y prêtait, le développement de nouvelles technologies, que ce soit l’aviation, le cinéma, le téléphone créait un climat propice à ces visions d’anticipation, ce d’autant plus que la guerre ravageait tout comme de nos jours de larges parties de la planète, quand bien même la guerre mondiale avait pris fin. La guerre civile russe allait se poursuivre jusqu’en 1923 en parallèle au conflit entre la Russie et la Pologne qui devait s’éteindre, quant à lui, en 1921. La Grèce et la Turquie se confrontèrent de 1919 à 1923, alors que la guerre du Rif en Afrique du Nord faisait régulièrement couler l’encre des journaux européens jusqu’en 1925. L’éclatement de la guerre civile chinoise en 1927 suivi par la conquête de la Mandchourie par le Japon en 1931, sans oublier le krach boursier de 1929, ne firent qu’ajouter à l’angoisse du temps.

En 1928, la presse helvétique annonçait ainsi que la France, l’Angleterre et l’Allemagne procédaient à des expériences avec un nouveau moteur d’avion, avion qui aurait été complètement silencieux et invisible, et capable de lancer – rappel des gaz de combat de la Première Guerre mondiale – des gaz mortels sans être repéré. La presse d’alors précisait que les laboratoires russes et allemands, menaient des expériences utilisant des ondes électriques assez puissantes pour foudroyer à distance des êtres humains[1], une peur irrationnelle attachée aux deux pays les plus craints de cette époque. La Russie devenue bolchevique, symbole de la révolution ouvrière contre les classes dirigeantes, était devenue « l’ennemie » potentielle contre laquelle il convenait de se prémunir, alors que l’Allemagne, malgré sa défaite et son désarmement, avait démontré en 1923 des velléités de redressement militaire avec l’échec de la tentative de coup d’État de la Reichswehr noire, l’armée clandestine de Bruno Ernst Buchrucker.

Ces craintes d’armes révolutionnaires allaient s’avérer justifiées, en partie du moins, quelques années plus tard.

À quoi devons-nous nous attendre aujourd’hui ?


[1][1] Gazette de Lausanne, 08.08.1928, p. 4.

 

Lorsque la réalité dépasse la fiction !

Durant l’entre-deux-guerres, la peur d’un nouveau conflit devait faire naître les idées les plus folles dans les esprits. Les fantasmes d’armes ultra-modernes, de technologies secrètes et de recherches occultes allaient nourrir ces craintes.

L’époque s’y prêtait, le développement de nouvelles technologies, que ce soit l’aviation, le cinéma, le téléphone créait un climat propice à ces visions d’anticipation, ce d’autant plus que la guerre ravageait tout comme de nos jours de larges parties de la planète, quand bien même la guerre mondiale avait pris fin. La guerre civile russe allait se poursuivre jusqu’en 1923 en parallèle au conflit entre la Russie et la Pologne qui devait s’éteindre, quant à lui, en 1921. La Grèce et la Turquie se confrontèrent de 1919 à 1923, alors que la guerre du Rif en Afrique du Nord faisait régulièrement couler l’encre des journaux européens jusqu’en 1925. L’éclatement de la guerre civile chinoise en 1927 suivi par la conquête de la Mandchourie par le Japon en 1931, sans oublier le krach boursier de 1929, ne firent qu’ajouter à l’angoisse du temps.

En 1928, la presse helvétique annonçait ainsi que la France, l’Angleterre et l’Allemagne procédaient à des expériences avec un nouveau moteur d’avion, avion qui aurait été complètement silencieux et invisible, et capable de lancer – rappel des gaz de combat de la Première Guerre mondiale – des gaz mortels sans être repéré. La presse d’alors précisait que les laboratoires russes et allemands, menaient des expériences utilisant des ondes électriques assez puissantes pour foudroyer à distance des êtres humains[1], une peur irrationnelle attachée aux deux pays les plus craints de cette époque. La Russie devenue bolchevique, symbole de la révolution ouvrière contre les classes dirigeantes, était devenue « l’ennemie » potentielle contre laquelle il convenait de se prémunir, alors que l’Allemagne, malgré sa défaite et son désarmement, avait démontré en 1923 des velléités de redressement militaire avec l’échec de la tentative de coup d’État de la Reichswehr noire, l’armée clandestine de Bruno Ernst Buchrucker.

Ces craintes d’armes révolutionnaires allaient s’avérer justifiées, en partie du moins, quelques années plus tard.

À quoi devons-nous nous attendre aujourd’hui ?


[1][1] Gazette de Lausanne, 08.08.1928, p. 4.

 

Passé simple, il fallait le faire

Il est des aventures qui ne sont ni intérieures, ni guerrières, ni amoureuses, ni financières et dont les défis semblent insurmontables.

La presse écrite aujourd’hui se réduit au profit du numérique, nul ne peut nier l’évidence, et les livres « internetisés » se multiplient, obligeant les éditeurs à se réinventer. Se réinventer en partie seulement puisque, d’un autre côté, la production de livres ne semble pas fléchir. Quoi qu’il en soit, la tendance au numérique est en expansion. Le Fonds National de la Recherche Scientifique n’échappe pas à cette évolution puisque l’année passée, décision a été prise d’encourager les publications on line en diminuant les financements d’ouvrages papiers. Une décision qu’il faut saluer en ce qui concerne de nombreuses sciences exactes comme la médecine ou la biologie pour lesquelles un vecteur d’informations informatique s’avère logique, permettant ainsi d’améliorer la diffusion du savoir et d’économiser de l’argent utile à la recherche. Pour d’autres disciplines comme l’histoire, par exemple, pour qui le livre en papier d’un demi-kilo fait encore référence dans la plupart des universités, cette option numérique pourrait s’avérer une calamité ! C’est que, pour reprendre les mots de l’écrivain Mikhaïl Boulgakov, « Le papier couvert d’écriture brûle mal », tant il est vrai que les idées une fois exprimées par l’encre demeurent plus longtemps dans les esprits puisque physiquement incarnées dans un objet.

Face à ces évolutions technologiques, faire le saut dans l’inconnu, se lancer dans un projet à contre-courant en créant un media n’ayant encore jamais existé jusqu’alors en Suisse romande, sur du papier de surcroît, semblait une gageure perdue d’avance. Et pourtant Justin Favrod a fermé les écoutilles sur les sombres échos d’oiseaux de mauvais augures et s’est jeté dans la bataille à corps perdu ! Il a ainsi inventé, organisé et diffusé une revue d’histoire, intitulée Passé simple, destinée à un grand public en tablant sur le passé des cantons romands, un passé multiple, différent, parfois en relation, souvent compliqué. Mais une histoire, ou plutôt des histoires passionnantes trop peu racontées.

Le résultat après un trimestre est, je crois, un succès indéniable. La fin inéluctable du papier n’est pas encore pour demain, et la demande « d’histoire » permettant de mieux comprendre le passé demeure plus que vivante ! Mais je ne suis en définitive, pour plagier le Canadien Albert Brie, qu’un « témoin oculaire d’événements qui se produisent sur papier » et le mieux est donc de donner la parole à Justin Favrod afin qu’il puisse s’exprimer sur son expérience.

 

"Passé simple, ce n’est pas toujours simple (de Justin Favrod)

Voilà plus de quatre mois que le numéro de lancement de Passé simple est sorti de presse. Après quatre numéros publiés, c’est peut-être le moment de tirer un premier bilan de la création de ce mensuel romand d’histoire et d’archéologie.

Cette première étape semble constituer un succès. Pour financer les charges, il me fallait entre 1200 et 1400 abonné-e-s. Pour m’accorder un salaire, le nombre de 3000 abonnements est nécessaire. Il fallait impérativement parvenir à 2000 adhésions en décembre 2015 sans quoi la viabilité économique du projet était menacée. Or à la fin du mois de mars 2015, 1950 personnes ont déjà contracté un abonnement.

Ce succès s’explique surtout par la couverture médiatique importante et spontanée accordée à Passé simple: la bienveillance des journalistes à l’égard de cette entreprise, qui met le papier en avant à un moment de profonde crise de ce support, a joué un rôle crucial. Car chaque article ou chaque émission parlant de Passé simple a permis de contracter des dizaines d’abonnements. Il reste que Passé simple doit répondre à une attente: le public ne contracterait pas d’abonnement si l’histoire, l’archéologie, le patrimoine de la Suisse romande ne l’intéressaient nullement.

Les autres soutiens ont été nombreux. La petite équipe qui accompagne chaque édition de Passé simple s’est montrée compétente et dévouée. De nombreuses personnes extérieures ont apporté leur aide. Les musées, les bibliothèques et les archives fournissent des illustrations sans rien demander en retour. Des maisons d’édition ont prodigué des aides techniques. Des sociétés savantes ont appelé leurs membres à s’abonner.

La question de la diffusion hors abonnement constituait une autre difficulté lancinante: l’envoi d’exemplaires par la poste aux divers points de vente qui en faisaient la demande s’avère coûteux et chronophage. La diffusion  est assurée depuis le mois de mars 2015 par les librairies Payot, qui à l’exception du Jura et du Jura bernois, couvrent bien la Suisse romande.

D’un point de vue personnel, la création et la gestion de Passé simple constitue une expérience palpitante, pleine de joies et de satisfactions tant humaines qu’intellectuelles. Elle n’en est pas moins semée d’embûches.

Lorsqu’en septembre 2014, j’ai lâché mon travail salarié au quotidien 24 Heures pour créer cette revue, j’ai entendu comme commentaire: «C’est courageux». Les personnes qui me disaient cela pensaient surtout au caractère aventureux sur le plan financier.

Progressivement, je me suis rendu compte que l’inconscience de la démarche ne reposait pas tant sur un possible manque de liquidités que sur les lacunes dans mes compétences. Journaliste pendant bien des années, j’étais sûr qu’il suffisait d’écrire des articles pour produire un journal. Or tel n’est pas le cas: les difficultés apparaissent le plus souvent ailleurs. Les questions de graphisme, de recherches iconographiques, de cohérence dans les normes d’écriture, de recrutement d’auteur-e-s, de relations avec les abonné-e-s, avec l’imprimerie, avec la poste et avec les rares annonceurs, la promotion, la gestion, la recherche de publicité, le réseau à mettre en place pour ne pas rater d’informations importantes et savoir ce qui se fait. L’ampleur de toutes ces activités m’a valu un premier faux pas: j’ai présenté comme inédites des photos de la fusillade de Genève de 1932. Pour la plupart, elles ont été éditées dans les années 1970 : vérification insuffisante faute de temps, faute de systématique.

Même lorsqu’on est épaulé par des professionnels, remplir tant d’exigences émiette irrémédiablement les journées, demande du temps et des compétences. Cela peut sembler une évidence. Pour ma part, elle m’est tombée dessus sans crier gare. Je me suis ainsi rendu compte que toutes les personnes qui travaillaient dans un journal sans être journalistes n’étaient pas seulement utiles, mais indispensables.

Une autre question se pose, celle de la ligne éditoriale. Peu porté sur les concepts, je l’ai réglée instinctivement. Pour peu qu’un article soit instructif, de lecture agréable et repose sur des bases scientifiques solides, il peut être publié. Ne pas imposer sa vision du passé, mais offrir des perspectives variées. Cela m’a conduit à ouvrir mes colonnes à un article sur une identité romande historique à laquelle je ne crois guère. J’ai également publié un dossier sur l’entreprise de l’EPFL visant à scanner et à valoriser toutes les archives de Venise. Le dossier était élogieux, mon éditorial très réservé. D’où le reproche d’incohérence. Je crois en l’intelligence des lectrices et des lecteurs parfaitement capables de se faire leur propre opinion. Reste que mettre côte à côte deux articles qui conduisent à des conclusions opposées n’est confortable pour personne. Jusqu’où aller?

La troisième difficulté est de trouver le juste niveau d’écriture pour une revue qui ambitionne de s’adresser au grand public. Il s’agit de ne pas brader la rigueur scientifique des disciplines historiques tout en donnant un tour plaisant aux articles. La majeure partie des contributrices et contributeurs sont issus du monde académique; une partie travaille dans des universités. Ce n’est pas là qu’on apprend à écrire pour être lu. Quoi qu’on en pense, l’écriture journalistique est un métier à part entière. Il y a un équilibre à trouver dans une réécriture qui respecte le style individuel et le contenu, mais qui permette une lecture aisée. Pour tenter de régler cette question, des recommandations aux auteur-e-s ont été rédigées. Elles ne sont pas toujours respectées…

La dernière embûche est de respecter les équilibres. Il faut que tous les cantons, toutes les périodes, les diverses disciplines du passé soient représentées pour répondre à l’éparpillement des lectrices et des lecteurs qui viennent de toute la Suisse romande et qui ont des intérêts divers. Si les sujets ne manquent pas, il n’est pas si facile de trouver dans chaque région des auteur-e-s. Cela dépend de la présence de réseau de spécialistes et d’universités, mais aussi de mon propre parcours qui m’a conduit à nouer des relations dans telle région et pas dans telle autre. Il m’est en tout bien plus facile de dénicher un spécialiste lausannois qui parle d’histoire vaudoise qu’un archéologue jurassien traitant d’un site de son canton. Autre défi que je n’attendais pas. Il y a dans le monde de la recherche une quasi parité entre femmes et hommes. Il est toutefois en général plus difficile de convaincre une femme qu’un homme d’écrire une contribution. Pour l’heure, les offres spontanées sont exclusivement venues de la gent masculine. Cela tient probablement à l’éducation reçue par les unes et par les autres et au fait que les femmes font encore souvent des doubles journées de travail. Mais ce fut pour moi une surprise et j’ai conclu avec un vrai dépit le numéro de février où il n’y avait que des auteurs.

Tous ces points soulevés montrent qu’un effort continu est nécessaire pour ne pas tomber dans le sillon de l’habitude et de la facilité. Remettre en question chaque contribution, chaque illustration, chaque choix. Le principal danger qui guette Passé simple, comme la plupart des entreprises humaines répétitives, c’est l’habitude et les certitudes."

 

 

 

Passé simple, il fallait le faire

Il est des aventures qui ne sont ni intérieures, ni guerrières, ni amoureuses, ni financières et dont les défis semblent insurmontables.

La presse écrite aujourd’hui se réduit au profit du numérique, nul ne peut nier l’évidence, et les livres « internetisés » se multiplient, obligeant les éditeurs à se réinventer. Se réinventer en partie seulement puisque, d’un autre côté, la production de livres ne semble pas fléchir. Quoi qu’il en soit, la tendance au numérique est en expansion. Le Fonds National de la Recherche Scientifique n’échappe pas à cette évolution puisque l’année passée, décision a été prise d’encourager les publications on line en diminuant les financements d’ouvrages papiers. Une décision qu’il faut saluer en ce qui concerne de nombreuses sciences exactes comme la médecine ou la biologie pour lesquelles un vecteur d’informations informatique s’avère logique, permettant ainsi d’améliorer la diffusion du savoir et d’économiser de l’argent utile à la recherche. Pour d’autres disciplines comme l’histoire, par exemple, pour qui le livre en papier d’un demi-kilo fait encore référence dans la plupart des universités, cette option numérique pourrait s’avérer une calamité ! C’est que, pour reprendre les mots de l’écrivain Mikhaïl Boulgakov, « Le papier couvert d’écriture brûle mal », tant il est vrai que les idées une fois exprimées par l’encre demeurent plus longtemps dans les esprits puisque physiquement incarnées dans un objet.

Face à ces évolutions technologiques, faire le saut dans l’inconnu, se lancer dans un projet à contre-courant en créant un media n’ayant encore jamais existé jusqu’alors en Suisse romande, sur du papier de surcroît, semblait une gageure perdue d’avance. Et pourtant Justin Favrod a fermé les écoutilles sur les sombres échos d’oiseaux de mauvais augures et s’est jeté dans la bataille à corps perdu ! Il a ainsi inventé, organisé et diffusé une revue d’histoire, intitulée Passé simple, destinée à un grand public en tablant sur le passé des cantons romands, un passé multiple, différent, parfois en relation, souvent compliqué. Mais une histoire, ou plutôt des histoires passionnantes trop peu racontées.

Le résultat après un trimestre est, je crois, un succès indéniable. La fin inéluctable du papier n’est pas encore pour demain, et la demande « d’histoire » permettant de mieux comprendre le passé demeure plus que vivante ! Mais je ne suis en définitive, pour plagier le Canadien Albert Brie, qu’un « témoin oculaire d’événements qui se produisent sur papier » et le mieux est donc de donner la parole à Justin Favrod afin qu’il puisse s’exprimer sur son expérience.

 

"Passé simple, ce n’est pas toujours simple (de Justin Favrod)

Voilà plus de quatre mois que le numéro de lancement de Passé simple est sorti de presse. Après quatre numéros publiés, c’est peut-être le moment de tirer un premier bilan de la création de ce mensuel romand d’histoire et d’archéologie.

Cette première étape semble constituer un succès. Pour financer les charges, il me fallait entre 1200 et 1400 abonné-e-s. Pour m’accorder un salaire, le nombre de 3000 abonnements est nécessaire. Il fallait impérativement parvenir à 2000 adhésions en décembre 2015 sans quoi la viabilité économique du projet était menacée. Or à la fin du mois de mars 2015, 1950 personnes ont déjà contracté un abonnement.

Ce succès s’explique surtout par la couverture médiatique importante et spontanée accordée à Passé simple: la bienveillance des journalistes à l’égard de cette entreprise, qui met le papier en avant à un moment de profonde crise de ce support, a joué un rôle crucial. Car chaque article ou chaque émission parlant de Passé simple a permis de contracter des dizaines d’abonnements. Il reste que Passé simple doit répondre à une attente: le public ne contracterait pas d’abonnement si l’histoire, l’archéologie, le patrimoine de la Suisse romande ne l’intéressaient nullement.

Les autres soutiens ont été nombreux. La petite équipe qui accompagne chaque édition de Passé simple s’est montrée compétente et dévouée. De nombreuses personnes extérieures ont apporté leur aide. Les musées, les bibliothèques et les archives fournissent des illustrations sans rien demander en retour. Des maisons d’édition ont prodigué des aides techniques. Des sociétés savantes ont appelé leurs membres à s’abonner.

La question de la diffusion hors abonnement constituait une autre difficulté lancinante: l’envoi d’exemplaires par la poste aux divers points de vente qui en faisaient la demande s’avère coûteux et chronophage. La diffusion  est assurée depuis le mois de mars 2015 par les librairies Payot, qui à l’exception du Jura et du Jura bernois, couvrent bien la Suisse romande.

D’un point de vue personnel, la création et la gestion de Passé simple constitue une expérience palpitante, pleine de joies et de satisfactions tant humaines qu’intellectuelles. Elle n’en est pas moins semée d’embûches.

Lorsqu’en septembre 2014, j’ai lâché mon travail salarié au quotidien 24 Heures pour créer cette revue, j’ai entendu comme commentaire: «C’est courageux». Les personnes qui me disaient cela pensaient surtout au caractère aventureux sur le plan financier.

Progressivement, je me suis rendu compte que l’inconscience de la démarche ne reposait pas tant sur un possible manque de liquidités que sur les lacunes dans mes compétences. Journaliste pendant bien des années, j’étais sûr qu’il suffisait d’écrire des articles pour produire un journal. Or tel n’est pas le cas: les difficultés apparaissent le plus souvent ailleurs. Les questions de graphisme, de recherches iconographiques, de cohérence dans les normes d’écriture, de recrutement d’auteur-e-s, de relations avec les abonné-e-s, avec l’imprimerie, avec la poste et avec les rares annonceurs, la promotion, la gestion, la recherche de publicité, le réseau à mettre en place pour ne pas rater d’informations importantes et savoir ce qui se fait. L’ampleur de toutes ces activités m’a valu un premier faux pas: j’ai présenté comme inédites des photos de la fusillade de Genève de 1932. Pour la plupart, elles ont été éditées dans les années 1970 : vérification insuffisante faute de temps, faute de systématique.

Même lorsqu’on est épaulé par des professionnels, remplir tant d’exigences émiette irrémédiablement les journées, demande du temps et des compétences. Cela peut sembler une évidence. Pour ma part, elle m’est tombée dessus sans crier gare. Je me suis ainsi rendu compte que toutes les personnes qui travaillaient dans un journal sans être journalistes n’étaient pas seulement utiles, mais indispensables.

Une autre question se pose, celle de la ligne éditoriale. Peu porté sur les concepts, je l’ai réglée instinctivement. Pour peu qu’un article soit instructif, de lecture agréable et repose sur des bases scientifiques solides, il peut être publié. Ne pas imposer sa vision du passé, mais offrir des perspectives variées. Cela m’a conduit à ouvrir mes colonnes à un article sur une identité romande historique à laquelle je ne crois guère. J’ai également publié un dossier sur l’entreprise de l’EPFL visant à scanner et à valoriser toutes les archives de Venise. Le dossier était élogieux, mon éditorial très réservé. D’où le reproche d’incohérence. Je crois en l’intelligence des lectrices et des lecteurs parfaitement capables de se faire leur propre opinion. Reste que mettre côte à côte deux articles qui conduisent à des conclusions opposées n’est confortable pour personne. Jusqu’où aller?

La troisième difficulté est de trouver le juste niveau d’écriture pour une revue qui ambitionne de s’adresser au grand public. Il s’agit de ne pas brader la rigueur scientifique des disciplines historiques tout en donnant un tour plaisant aux articles. La majeure partie des contributrices et contributeurs sont issus du monde académique; une partie travaille dans des universités. Ce n’est pas là qu’on apprend à écrire pour être lu. Quoi qu’on en pense, l’écriture journalistique est un métier à part entière. Il y a un équilibre à trouver dans une réécriture qui respecte le style individuel et le contenu, mais qui permette une lecture aisée. Pour tenter de régler cette question, des recommandations aux auteur-e-s ont été rédigées. Elles ne sont pas toujours respectées…

La dernière embûche est de respecter les équilibres. Il faut que tous les cantons, toutes les périodes, les diverses disciplines du passé soient représentées pour répondre à l’éparpillement des lectrices et des lecteurs qui viennent de toute la Suisse romande et qui ont des intérêts divers. Si les sujets ne manquent pas, il n’est pas si facile de trouver dans chaque région des auteur-e-s. Cela dépend de la présence de réseau de spécialistes et d’universités, mais aussi de mon propre parcours qui m’a conduit à nouer des relations dans telle région et pas dans telle autre. Il m’est en tout bien plus facile de dénicher un spécialiste lausannois qui parle d’histoire vaudoise qu’un archéologue jurassien traitant d’un site de son canton. Autre défi que je n’attendais pas. Il y a dans le monde de la recherche une quasi parité entre femmes et hommes. Il est toutefois en général plus difficile de convaincre une femme qu’un homme d’écrire une contribution. Pour l’heure, les offres spontanées sont exclusivement venues de la gent masculine. Cela tient probablement à l’éducation reçue par les unes et par les autres et au fait que les femmes font encore souvent des doubles journées de travail. Mais ce fut pour moi une surprise et j’ai conclu avec un vrai dépit le numéro de février où il n’y avait que des auteurs.

Tous ces points soulevés montrent qu’un effort continu est nécessaire pour ne pas tomber dans le sillon de l’habitude et de la facilité. Remettre en question chaque contribution, chaque illustration, chaque choix. Le principal danger qui guette Passé simple, comme la plupart des entreprises humaines répétitives, c’est l’habitude et les certitudes."

 

 

 

Passé simple, il fallait le faire

Il est des aventures qui ne sont ni intérieures, ni guerrières, ni amoureuses, ni financières et dont les défis semblent insurmontables.

La presse écrite aujourd’hui se réduit au profit du numérique, nul ne peut nier l’évidence, et les livres « internetisés » se multiplient, obligeant les éditeurs à se réinventer. Se réinventer en partie seulement puisque, d’un autre côté, la production de livres ne semble pas fléchir. Quoi qu’il en soit, la tendance au numérique est en expansion. Le Fonds National de la Recherche Scientifique n’échappe pas à cette évolution puisque l’année passée, décision a été prise d’encourager les publications on line en diminuant les financements d’ouvrages papiers. Une décision qu’il faut saluer en ce qui concerne de nombreuses sciences exactes comme la médecine ou la biologie pour lesquelles un vecteur d’informations informatique s’avère logique, permettant ainsi d’améliorer la diffusion du savoir et d’économiser de l’argent utile à la recherche. Pour d’autres disciplines comme l’histoire, par exemple, pour qui le livre en papier d’un demi-kilo fait encore référence dans la plupart des universités, cette option numérique pourrait s’avérer une calamité ! C’est que, pour reprendre les mots de l’écrivain Mikhaïl Boulgakov, « Le papier couvert d’écriture brûle mal », tant il est vrai que les idées une fois exprimées par l’encre demeurent plus longtemps dans les esprits puisque physiquement incarnées dans un objet.

Face à ces évolutions technologiques, faire le saut dans l’inconnu, se lancer dans un projet à contre-courant en créant un media n’ayant encore jamais existé jusqu’alors en Suisse romande, sur du papier de surcroît, semblait une gageure perdue d’avance. Et pourtant Justin Favrod a fermé les écoutilles sur les sombres échos d’oiseaux de mauvais augures et s’est jeté dans la bataille à corps perdu ! Il a ainsi inventé, organisé et diffusé une revue d’histoire, intitulée Passé simple, destinée à un grand public en tablant sur le passé des cantons romands, un passé multiple, différent, parfois en relation, souvent compliqué. Mais une histoire, ou plutôt des histoires passionnantes trop peu racontées.

Le résultat après un trimestre est, je crois, un succès indéniable. La fin inéluctable du papier n’est pas encore pour demain, et la demande « d’histoire » permettant de mieux comprendre le passé demeure plus que vivante ! Mais je ne suis en définitive, pour plagier le Canadien Albert Brie, qu’un « témoin oculaire d’événements qui se produisent sur papier » et le mieux est donc de donner la parole à Justin Favrod afin qu’il puisse s’exprimer sur son expérience.

 

"Passé simple, ce n’est pas toujours simple (de Justin Favrod)

Voilà plus de quatre mois que le numéro de lancement de Passé simple est sorti de presse. Après quatre numéros publiés, c’est peut-être le moment de tirer un premier bilan de la création de ce mensuel romand d’histoire et d’archéologie.

Cette première étape semble constituer un succès. Pour financer les charges, il me fallait entre 1200 et 1400 abonné-e-s. Pour m’accorder un salaire, le nombre de 3000 abonnements est nécessaire. Il fallait impérativement parvenir à 2000 adhésions en décembre 2015 sans quoi la viabilité économique du projet était menacée. Or à la fin du mois de mars 2015, 1950 personnes ont déjà contracté un abonnement.

Ce succès s’explique surtout par la couverture médiatique importante et spontanée accordée à Passé simple: la bienveillance des journalistes à l’égard de cette entreprise, qui met le papier en avant à un moment de profonde crise de ce support, a joué un rôle crucial. Car chaque article ou chaque émission parlant de Passé simple a permis de contracter des dizaines d’abonnements. Il reste que Passé simple doit répondre à une attente: le public ne contracterait pas d’abonnement si l’histoire, l’archéologie, le patrimoine de la Suisse romande ne l’intéressaient nullement.

Les autres soutiens ont été nombreux. La petite équipe qui accompagne chaque édition de Passé simple s’est montrée compétente et dévouée. De nombreuses personnes extérieures ont apporté leur aide. Les musées, les bibliothèques et les archives fournissent des illustrations sans rien demander en retour. Des maisons d’édition ont prodigué des aides techniques. Des sociétés savantes ont appelé leurs membres à s’abonner.

La question de la diffusion hors abonnement constituait une autre difficulté lancinante: l’envoi d’exemplaires par la poste aux divers points de vente qui en faisaient la demande s’avère coûteux et chronophage. La diffusion  est assurée depuis le mois de mars 2015 par les librairies Payot, qui à l’exception du Jura et du Jura bernois, couvrent bien la Suisse romande.

D’un point de vue personnel, la création et la gestion de Passé simple constitue une expérience palpitante, pleine de joies et de satisfactions tant humaines qu’intellectuelles. Elle n’en est pas moins semée d’embûches.

Lorsqu’en septembre 2014, j’ai lâché mon travail salarié au quotidien 24 Heures pour créer cette revue, j’ai entendu comme commentaire: «C’est courageux». Les personnes qui me disaient cela pensaient surtout au caractère aventureux sur le plan financier.

Progressivement, je me suis rendu compte que l’inconscience de la démarche ne reposait pas tant sur un possible manque de liquidités que sur les lacunes dans mes compétences. Journaliste pendant bien des années, j’étais sûr qu’il suffisait d’écrire des articles pour produire un journal. Or tel n’est pas le cas: les difficultés apparaissent le plus souvent ailleurs. Les questions de graphisme, de recherches iconographiques, de cohérence dans les normes d’écriture, de recrutement d’auteur-e-s, de relations avec les abonné-e-s, avec l’imprimerie, avec la poste et avec les rares annonceurs, la promotion, la gestion, la recherche de publicité, le réseau à mettre en place pour ne pas rater d’informations importantes et savoir ce qui se fait. L’ampleur de toutes ces activités m’a valu un premier faux pas: j’ai présenté comme inédites des photos de la fusillade de Genève de 1932. Pour la plupart, elles ont été éditées dans les années 1970 : vérification insuffisante faute de temps, faute de systématique.

Même lorsqu’on est épaulé par des professionnels, remplir tant d’exigences émiette irrémédiablement les journées, demande du temps et des compétences. Cela peut sembler une évidence. Pour ma part, elle m’est tombée dessus sans crier gare. Je me suis ainsi rendu compte que toutes les personnes qui travaillaient dans un journal sans être journalistes n’étaient pas seulement utiles, mais indispensables.

Une autre question se pose, celle de la ligne éditoriale. Peu porté sur les concepts, je l’ai réglée instinctivement. Pour peu qu’un article soit instructif, de lecture agréable et repose sur des bases scientifiques solides, il peut être publié. Ne pas imposer sa vision du passé, mais offrir des perspectives variées. Cela m’a conduit à ouvrir mes colonnes à un article sur une identité romande historique à laquelle je ne crois guère. J’ai également publié un dossier sur l’entreprise de l’EPFL visant à scanner et à valoriser toutes les archives de Venise. Le dossier était élogieux, mon éditorial très réservé. D’où le reproche d’incohérence. Je crois en l’intelligence des lectrices et des lecteurs parfaitement capables de se faire leur propre opinion. Reste que mettre côte à côte deux articles qui conduisent à des conclusions opposées n’est confortable pour personne. Jusqu’où aller?

La troisième difficulté est de trouver le juste niveau d’écriture pour une revue qui ambitionne de s’adresser au grand public. Il s’agit de ne pas brader la rigueur scientifique des disciplines historiques tout en donnant un tour plaisant aux articles. La majeure partie des contributrices et contributeurs sont issus du monde académique; une partie travaille dans des universités. Ce n’est pas là qu’on apprend à écrire pour être lu. Quoi qu’on en pense, l’écriture journalistique est un métier à part entière. Il y a un équilibre à trouver dans une réécriture qui respecte le style individuel et le contenu, mais qui permette une lecture aisée. Pour tenter de régler cette question, des recommandations aux auteur-e-s ont été rédigées. Elles ne sont pas toujours respectées…

La dernière embûche est de respecter les équilibres. Il faut que tous les cantons, toutes les périodes, les diverses disciplines du passé soient représentées pour répondre à l’éparpillement des lectrices et des lecteurs qui viennent de toute la Suisse romande et qui ont des intérêts divers. Si les sujets ne manquent pas, il n’est pas si facile de trouver dans chaque région des auteur-e-s. Cela dépend de la présence de réseau de spécialistes et d’universités, mais aussi de mon propre parcours qui m’a conduit à nouer des relations dans telle région et pas dans telle autre. Il m’est en tout bien plus facile de dénicher un spécialiste lausannois qui parle d’histoire vaudoise qu’un archéologue jurassien traitant d’un site de son canton. Autre défi que je n’attendais pas. Il y a dans le monde de la recherche une quasi parité entre femmes et hommes. Il est toutefois en général plus difficile de convaincre une femme qu’un homme d’écrire une contribution. Pour l’heure, les offres spontanées sont exclusivement venues de la gent masculine. Cela tient probablement à l’éducation reçue par les unes et par les autres et au fait que les femmes font encore souvent des doubles journées de travail. Mais ce fut pour moi une surprise et j’ai conclu avec un vrai dépit le numéro de février où il n’y avait que des auteurs.

Tous ces points soulevés montrent qu’un effort continu est nécessaire pour ne pas tomber dans le sillon de l’habitude et de la facilité. Remettre en question chaque contribution, chaque illustration, chaque choix. Le principal danger qui guette Passé simple, comme la plupart des entreprises humaines répétitives, c’est l’habitude et les certitudes."