Carthago delenda est

Assurnazirpal, le roi assyrien avait donné à Nimrud (Kalkhu) sa dimension cosmopolite, en y installant des populations différentes venant de ses conquêtes. Autant d’ethnies, autant de dieux ! Les anciens ne voyaient pas là matière à s’émouvoir, les panthéons étaient vastes et la place suffisante pour chaque divinité.

Les temps ont changé, la tolérance religieuse propre au polythéisme a été débordée par les délires fanatiques d’analphabètes facilement manipulables.

Nimrud, un nom de plus à ajouter à la liste trop longue des exactions commises par le totalitarisme. Les pitoyables néo-fascistes de l’EI démontrent une fois de plus l’épouvantable imbécillité dont font preuve les tenants d’une pensée unique !

Ces criminels s’abreuvent du sang de leurs victimes, les offrant en spectacle à un monde dans lequel les budgets militaires ont atteints en 2013 quelque 1'547 milliards de dollars[1] et qui, pourtant, reste incapable de réagir face à l’indicible.

Après le massacre des innocents et la mise en scène de tortures inspirées par l’inquisition ou les camps d’extermination plutôt que par les sourates du Coran, c’est au tour des vestiges de l’humanité de disparaître, voués à la damnatio memoriae par ces phalanges de l’immonde qui ont juré la ruine du genre humain.

Bientôt, les taureaux androcéphales gardant l'entrée des palais assyriens seront réduits à un tas de gravats comme les collections du musée de Mossoul ou les Bouddhas de Bâmiyân, détruits en 2001 par d’autres crapules dépourvues de tout honneur et de la moindre notion éthique.

Quel héritage laisseront ces iconoclastes fondant leur vision du monde sur une immanence stérile et bornée par le recours primitif à la force alors même que la religion dont ils se réclament se veut transcendante et universelle ?

Comble de l’ironie, c’est dans ce que l’on a coutume d’appeler le Berceau de la civilisation, entre le Tigre et l’Euphrate, que l’homme, cet ouroboros anthropophage, consume le plus sûrement sa chair et son histoire.


[1] http://www.lapresse.ca/international/201402/04/01-4735474-les-depenses-militaires-mondiales-a-la-hausse-en-2014.php

 

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.