Devenue omniprésente dans notre société, la violence est banalisée. Cela n’est pas nouveau, cela a été dit à plusieurs reprises au sujet de jeux vidéo ou de films. Mais ne faut-il pas le répéter à l’heure des décapitations médiatisées via Internet, des massacres dans la Syrie de Bachard el-Assad, des bombardements d’enfants à Gaza, laissés désarticulés sur des plages à la vue d’un public horrifié mais, ô combien, demandeur, de places publiques en proie à la haine et à la destruction à Kiev ou au Caire, et des nettoyages ethniques en Centrafrique ?
Des actes de guerre considérés dans une majorité de cas comme crimes de guerre ou crimes contre l’humanité. Cela également n’est pas nouveau. Pour les trente dernières années, plusieurs noms reviennent en mémoire, le massacre de Sabra et Chatila au Liban en 1982, le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, le massacre de Srebrenica en Bosnie-Herzégovine en 1995.
Un flot de violences intégrant nos champs de référence, soutenus encore par les images fictives de films d’action aux scénarios trop souvent ineptes.
Internet et la télévision ont remplacé avantageusement le cirque Maxime, nous ne souffrons plus de la chaleur pour assister à la boucherie.
Et nous frémissons à l’idée de voir la barbarie surgir au sein de nos sociétés démocratiques et humanistes, lorsqu’un désaxé psychopathe comme Behring Breivik lève le poing à l’issue de son procès pour meurtre de près de 80 personnes, ou lorsqu’au cœur de nos cités quelque fils de satrape, très éloigné de cette sensualité orientale qui avait fasciné Pierre Loti, joue du fouet de l’arbitraire.
Démocratie et humanisme, deux mots que l’histoire n’a pas rendus vains et qui forment un idéal, une référence qui semble n’être pas la moins bonne des idées. Nos pères ne s’y sont pas trompés lorsqu’ils ont aboli la peine de mort alors que l’Europe sombrait dans la folie hitlérienne. Le dernier civil à subir une exécution capitale en Suisse fut Hans Vollenweider, guillotiné dans la cour de la prison de Sarnen dans le Canton d’Obwald, le 18 octobre 1940 !
L’ombre de l’échafaud a disparu. Elle ne rassurait pas l’opinion publique et rappelait sans doute la Terreur parisienne, n’en déplaise aux Robespierre de notre temps qui l’invoquent non pas comme mesure répressive mais comme acte politique. Une démagogie scabreuse qui n’est pas sans rappeler la loi du Talion, un usage situé aux confins de la vendetta et du recours à un juge, un usage largement décrié jadis par Beccaria ou Victor Hugo.
Une violence que Denis de Rougemont aurait sans doute reconnue comme telle, une barbarie issue de cette part du Diable qui engendre de nouvelles croyances faisant de la mort un remède à l’assassinat.