Politique, écologie et société

La désobéissance civile est-elle légitime pour sauver le climat?

Les « procès climatiques » en cours questionnent les formes de l’engagement politique.

Menées par des jeunes activistes, personnalités publiques ou citoyen·ne·s engagé·e·s, de nombreuses actions militantes pour le climat ou l’environnement finissent devant les tribunaux. Si le phénomène n’est pas nouveau, il prend une ampleur considérable depuis quelques années. Blocage de la circulation automobile, match de tennis dans une banque, occupation d’une carrière (ZAD du Mormont) ou de la place fédérale à Berne, de telles actions visant à sensibiliser à la question climatique divisent l’opinion publique.

 

Criminels ou éveilleurs de conscience?

Tandis que certain·e·s défendent avec ferveur les activistes du climat, considérés comme des éveilleurs de conscience qui bousculent un monde politique trop attentiste face à l’urgence climatique, d’autres les condamnent sans réserve pour leur violation des lois et règlements, en particulier l’occupation non autorisée d’espaces publics ou privés.

L’acte citoyen dans une démocratie ne consiste pas seulement à glisser un bulletin de vote dans une urne ou à défendre son avis comme élu·e au sein d’un parlement.

 

A cet égard, la vision que nous avons de la démocratie ne doit pas être trop étroite. L’acte citoyen dans une démocratie ne consiste pas seulement à glisser un bulletin de vote dans une urne ou à défendre son avis comme élu·e au sein d’un parlement. Manifester dans la rue, partager son opinion sur un réseau social, revendiquer un changement dans une discussion entre ami·e·s ou encore récolter des signatures pour une initiative populaire sont aussi des moyens de participer à la vie démocratique.

La désobéissance civile constitue un pas supplémentaire. Elle ne peut pas être uniquement considérée comme l’exercice d’une activité illicite nuisant à l’ordre public. Il s’agit avant tout d’une manière – qui doit rester non-violente – d’interpeller l’opinion publique sur une situation existante jugée profondément préoccupante, tout en exprimant souvent un projet commun alternatif pour l’avenir.

 

La désobéissance civile au service de la collectivité

Il ne faut pas oublier que les activistes du climat qui pratiquent la désobéissance civile investissent leur temps, leur énergie, et parfois leur argent pour interpeller la collectivité, les entreprises, ainsi que les institutions dirigeantes de notre pays. En exprimant leur inquiétude quant à l’état de notre planète, en réclamant des actes plus conséquents en matière de lutte contre le réchauffement climatique ou en matière de protection de la biodiversité, les activistes participent aux débats qui animent notre société.

Les actions qui poursuivent ces objectifs – qu’elles soient licites ou non – s’inscrivent dans le cadre d’un engagement civique au sens large, et ce même lorsque une partie de leurs auteur·e·s se revendiquent «anti-système» et appellent de leurs vœux une réforme de nos institutions politiques.

 

Les actions des activistes sont complémentaires à celles prises dans le cadre des processus politiques ou des manifestations autorisées qui cherchent elles aussi à trouver des réponses à la crise climatique.

La frontière entre un acte licite et un acte illicite peut s’avérer ténue. Les libertés d’expression et de réunion, garanties fondamentales de nos ordres juridiques, ne se limitent pas à couvrir des actions ou prises de position autorisées, mais s’étendent au-delà, tant que lesdites actions font preuve d’une certaine mesure. Ainsi, la limite de la désobéissance, parfois nécessaire pour questionner le droit et susciter des réflexions sur des thématiques d’intérêt public, reste naturellement la mesure. Au lieu de réprimer certaines actions du fait de leur nature-même, il s’agit d’analyser si elles ont été effectuées de façon proportionnée, permettant ainsi l’émergence de débats bienvenus dans toute démocratie.

 

Au regard des connaissances scientifiques actuelles sur les effets du réchauffement climatique, les juges pourront de moins en moins contester l’état de nécessité revendiqué par les activistes du climat.

 

Le dernier rapport du GIEC sur la vulnérabilité des systèmes socio-économiques et naturels face au changement climatique, qui vient d’être publié[1], apporte à ce titre une preuve supplémentaire qu’il faut impérativement et rapidement agir pour la protection du climat et du vivant. Et ce constat est particulièrement vrai pour la Suisse où le réchauffement climatique, deux fois plus rapide qu’à l’échelle mondiale, se traduit notamment par une augmentation de la fréquence et de l’intensité des dangers naturels qui pourrait rendre impossible la vie dans certaines régions alpines. Il va devenir en effet de plus en plus difficile, techniquement et financièrement, d’assurer la sécurité des personnes et des infrastructures.

 

[1] https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/resources/press/press-release-french/

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