C’est l’an nouveau et pourtant je vais encore vous parler du Covid. Vous en avez marre et moi aussi. Mais les semaines qui viennent seront cruciales au niveau sanitaire et économique.
Les limites du fédéralisme en temps de crise
Sur le plan épidémiologique la situation n’est toujours pas sous contrôle et les demi-mesures prises jusqu’ici n’ont pas été efficaces, en tout cas pas autant que souhaité. Loin de moi l’idée de lancer la pierre sur les responsables politiques car la situation est nouvelle, compliquée et la dynamique du virus évolutive comme le montre la nouvelle souche anglaise. Mais une chose me paraît claire et je l’avais déjà signalé dans mon dernier billet : dans cette crise, les vertus du fédéralisme ont vite laissé la place à ses limites.
Le printemps dernier, le Conseil fédéral a géré seul la crise sanitaire. Avec un certain succès puisque la courbe de l’épidémie a pu être infléchie en quelques semaines. Cet automne, autre scénario: chaque canton y est allé de ses mesures en fonction de sa situation sanitaire et de sa pesée d’intérêts entre santé et économie. Mais le virus ne connaît pas les frontières cantonales. Et les mesures différentes d’un canton à l’autre, en plus d’être vite incompréhensibles, incitent à se déplacer dans le canton d’à côté où on peut encore aller au marché et où les restaurants sont ouverts! C’est sympa, mais c’est aussi comme ça que le virus circule…
Inutile de refaire l’histoire maintenant (mais ce sera utile une fois la crise passée). Le Conseil fédéral vient de décider de reprendre la main et d’imposer dès aujourd’hui des mesures plus strictes à toute la Suisse jusqu’à fin février, ce que certains médias ont appelé un “confinement light”. La vaccination a elle commencé. Cela prend du temps, mais on peut raisonnablement espérer que d’ici l’été la situation sanitaire soit en bonne partie sous contrôle et que les restrictions liées au Covid soient levées pour la plupart. La vie socio-économique pourra ainsi reprendre son cours, en se recentrant néanmoins, je l’espère, sur des valeurs plus écologiques et sociales.
Situation dramatique pour de nombreux secteurs
Mais dans l’immédiat, la situation est dramatique pour nombre de PME et d’indépendant·e·s. Tout comme pour l’hôtellerie et la restauration où la saison d’hiver sera mauvaise. Les vacances de Noël se sont soldées par une diminution importante des nuitées et des chiffres d’affaires dans les stations et les vacances de février s’annoncent difficiles avec des restaurants encore fermés. L’interdiction du ski lui aussi est à l’ordre du jour en fonction de l’évolution sur le front de l’épidémie. Dans le domaine de la culture et de l’événementiel, c’est encore pire: presque aucune activité n’a pu être menée en 2020! Et bien sûr il y a aussi d’autres secteurs où les faillites vont bientôt s’enchaîner.
Les Vert·e·s ont proposé l’été dernier de puiser dans l’énorme réserve de la Banque nationale suisse, sans succès. Mais les réactions à l’annonce récente d’un nouvel exercice record de la BNS laissent espérer que l’idée n’est pas enterrée.
Lors de la session du Parlement de décembre nous avons défini les modalités et la hauteur du soutien financier de la Confédération. Depuis le printemps, les Vert·e·s ont toujours plaidé pour un soutien aussi complet, fiable et prévisible que possible. Il est clair que si des entreprises saines doivent réduire leurs activités pour des raisons de santé publique, elles doivent être équitablement dédommagées pour cela. Pour financer ce soutien, les Vert·e·s ont proposé l’été dernier de puiser dans l’énorme réserve de la Banque nationale suisse (84 milliards avant résultat 2020), sans succès. Mais les réactions à l’annonce récente d’un nouvel exercice record de la BNS (21 milliards de bénéfice pour 2020) laissent espérer que l’idée n’est pas enterrée.
Aider aujourd’hui coûtera moins cher que de réparer les pots cassés demain
Quoi qu’il en soit, la Suisse a les moyens de soutenir, y compris par de conséquentes aides à fonds perdus, les entreprises mises en difficulté par les restrictions sanitaires imposées par la gestion de la COVID-19. Et cela coûtera au final beaucoup moins cher que de voir des milliers d’entreprises déposer leur bilan, des compétences et du know-how disparaître et des dizaines de milliers de personnes au chômage ou à l’aide sociale. Sans parler des tensions familiales et détresses psychologiques que vivent incontestablement les personnes confrontées à cette situation de difficulté et d’incertitude financières indépendante de leur volonté.
Le soutien actuel est à la fois insuffisant et sa mise en œuvre trop lente
Le dispositif d’aide est aujourd’hui encore, malgré les annonces récentes du Conseil fédéral qui vont dans la bonne direction, à la fois trop faible et trop lent dans sa mise en œuvre. Trop faible, car il faut aujourd’hui que la Confédération réactive les prêts Covid 19 et qu’une solution soit trouvée pour les loyers commerciaux malgré le refus par la droite du projet soumis au parlement en décembre. Et il faut aussi que l’ensemble des coûts fixes (assurances, leasings, charges sociales, etc.) soient pris en charge pour les cas de rigueur. Le dispositif est aussi trop lent dans nombre de cantons pour le versement du chômage partiel (RHT) et des aides financières pour les cas de rigueur, mettant en péril la survie de nombreuses entreprises. La Confédération et les cantons doivent agir plus rapidement, de manière coordonnée, et sans bureaucratie. Quitte à engager à court terme du personnel supplémentaire. A ces conditions, oui, on peut espérer que l’année 2021 soit meilleure que celle de 2020…
Apprendre de cette crise pour favoriser la proximité et la sobriété
Cela peut paraître un peu étonnant de souhaiter un « retour à la normale » alors que la transformation de nos modes de production et de consommation est plus que jamais nécessaire pour répondre aux défis écologiques et climatiques, renforcer les droits des travailleurs et lutter contre les inégalités sociales. Pour moi, il ne s’agit pas de revenir simplement à la situation « d’avant », mais d’apprendre de cette crise pour favoriser la proximité et la sobriété et de poursuivre inlassablement le travail de conviction et d’explication que je mène depuis 15 ans. Or, je suis convaincu qu’un tel apprentissage est difficilement envisageable et qu’un tel discours sur la sobriété est difficilement audible si la Suisse s’enfonce durablement dans une crise économique et sociale marquée par une hausse massive du chômage et la pauvreté.
