Demain le commun

Ce qu’Uber fait à votre ville

Article paru dans l’édition 2018-13 du journal du Syndicat du personnel des transports

Ecoutez le discours d’Uber, l’entreprise californienne qui prétend révolutionner le marché des taxis. Vous entendrez parler d’un avenir radieux pour la mobilité durable. Que chacun puisse accéder, partout et à bon marché, à un déplacement en voiture serait la meilleure chose qui soit arrivée aux transports publics depuis longtemps.

L’idée est la suivante : sachant qu’ils peuvent bénéficier de la flexibilité du taxi (mais moins cher) avant ou après leur déplacement en bus ou en train, plus de passagers laisseraient leurs véhicules au garage, voire en achèteraient moins. En plus, les voitures seraient mieux utilisées en moyenne. Dans le merveilleux monde dépeint par les géants de l’Internet, il n’y a toujours que des gagnants.

Passons sur le fait que la méthode consiste à conquérir des marchés en méprisant les lois et les autorités. Pour le dire avec la très libérale revue The Economist: « Uber fait comme si les règles n’étaient que pour les losers ». Quant aux prix bas, ils reposent évidemment sur des rémunérations misérables. « En travaillant neuf heures par jour, écrivait L’Hebdo en 2016, on ne peut guère espérer gagner plus de 4000 francs par mois » – et ceci, avant déduction du carburant, des assurances et autres frais.

Alors, faudrait-il tolérer ces pratiques scandaleuses parce qu’elles sont favorables à une mobilité plus durable, avec moins de circulation et plus de transports publics ? Non.

En effet une recherche américaine vient de montrer que la conséquence de l’arrivée d’Uber et de ses avatars est une hausse massive du trafic. Premièrement, parce que 60% des trajets auraient, en l’absence d’une telle offre, été faits avec un autre moyen de transport que la voiture, ou n’auraient pas été effectués. Deuxièmement, parce que les chauffeurs Uber circulent en permanence, donc y compris à vide – l’algorithme récompense les plus mobiles. En clair : ces services remplacent le vélo, la marche, les bus et les trams bien plus que les voitures, et créent du trafic dans des centres déjà engorgés… tout en diminuant les recettes des transports publics.

Le succès de la politique suisse des transports repose sur une approche coordonnée et rationnelle fondée sur des services publics. Si la disruption est le nouveau nom de la destruction d’un système parmi les meilleurs du monde, alors nous pouvons nous en passer !

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