Demain le commun

Et si c’était à refaire?

Le premier mai 2015 à Lausanne

S’il fallait mettre en place un système de retraites aujourd’hui, aurions-nous la capacité et le courage de créer l’AVS? Saurions-nous encore préférer un ambitieux contrat entre générations, assis sur des cotisations prélevées sur tous les revenus sans barre supérieure, à l’épargne individualisée sur le modèle des deuxième et troisième pilier, ce modèle que chérit la majorité de droite du Parlement fédéral en Suisse?

S’il s’agissait de créer une protection contre le risque du chômage, l’idée d’une assurance sociale, comprenant des contributions de solidarité de la part des hauts revenus parviendrait-elle encore à s’imposer? Le droit de refuser un emploi moins qualifié ou trop mal payé, ce droit qu’Emmanuel Macron veut restreindre, prévaudrait-il encore?

Si l’impôt sur le revenu n’existait pas, le concept même de progressivité aurait-il encore une chance? Le principe que les mieux lotis contribuent davantage résisterait-il face à la flat tax de laquelle se réclament ouvertement de plus en plus d’acteurs de la droite libérale?

Si la semaine de travail ne connaissait pas de durée maximale, la fixerions-nous encore dans la loi? Cette limitation aurait-elle encore la moindre chance dans le nouveau monde de la guerre de tous contre tous, alors que les demandes de suppression des durées légales fleurissent en Suisse comme dans les pays voisins au nom de cette fameuse et incontournable compétitivité?

S’il n’existait pas de service public de l’eau, de l’électricité, du gaz ou du courrier postal, pourrions-nous les construire avec pour fondements la desserte obligatoire de tous les territoires, la gratuité ou le prix coûtant des prestations, la planification publique et collective des développements? Ou notre modernité préférerait-elle laisser le marché organiser seul la fourniture des biens de consommation même les plus essentiels?

Un peu simplificatrices, pour certaines excessives, parfois caricaturales, ces questions n’ont qu’un but:  nous faire mesurer l’importance et l’ampleur des règles sociales que nous avons hérité du passé, qui forment le cadre de notre vie quotidienne et nous octroient quelques sécurités vitales dans les domaines fondamentaux. Alors qu’il est devenu de bon ton de parler de “conservatisme social” ou de “gauche passéiste”, et de taxer de rétrogrades les opposants à la modernité du libre-échange et de la concurrence de tous contre tous, le Premier mai nous offre l’occasion de nous rappeler que le passé, parfois, a du bon, que l’atmosphère ambiante n’a pas toujours été à la dérégulation généralisée, et que défendre les acquis est parfois une tâche plus noble que de s’adapter à un hypothétique futur toujours empreint d’idéologie.

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