Depuis l’avènement d’Instagram comme réseau social de référence, les utilisateurs ont vu apparaître une nouvelle catégorie d’individus : les sportives. On les nomme communément « fit-girls ». Cette population, rattachée à la famille des influenceuses, a pour habitude de partager quotidiennement son activité principale, le culte du corps, avec son public d’abonnés, appelés « followers ». Les objectifs de ces nouvelles venues, leurs tracas, leurs sacrifices et leurs plaisirs sont partagés avec la terre entière, que vous l’ayez demandé ou non.
« Il faut souffrir pour être beau ». L’adage n’a jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui. Les fit girls s’astreignent à des régimes et des entraînements sous la forme de cours répondant aux doux noms de « Cross-fit », « bodycombat » ou « bodypump ». Durant ces derniers, un coach leur hurle des consignes par l’intermédiaire d’un micro. Il y règne une ambiance quasi-militaire.
De prime abord, nous pourrions saluer cet effort. Après tout, maintenir un corps sain éloigne le médecin. Le conseiller fédéral Alain Berset et les assurés suisses devraient apprécier. Pourtant, le salut de ces sportives ne s’arrête pas là. Car c’est pour Instagram que celles-ci font tant efforts. Elles s’y affichent tout en distillant des conseils en développement personnel dignes d’une idéologie totalitaire.
On peut les observer, quand elles se dirigent dans des salles de gym appelées « fitness ». Elles se préparent et se comportent de la même manière que lorsqu’elles sortent en soirée. Tout dans leurs gestes et leur apparence est consciencieusement préparé. Training moulant, baskets dernier cri, maquillage – pas toujours subtil, mais heureusement très souvent waterproof – et coiffure impeccable. A quoi bon souffrir autant si on ne peut même pas l’exposer à la vue de tous, sur les réseaux sociaux ?
Les sportives nouvelle génération passent plus de temps à se recoiffer et à admirer leur reflet qu’à soulever des poids. La salle de fitness est « the place to be » ! Il n’est pas rare de voir une fit-girl sur un tapis roulant à la vitesse minimum, se prendre en selfie. Elle ne se rend même pas compte que dans la rue, elle marcherait plus vite et perdrait plus de calories. D’ailleurs, souvent, la sportive préfère ne pas marcher et se rendre en transports publics jusqu’à la salle de gym ; c’est tout de même plus élégant. Sans compter que durant son exercice physique, elle en profite régulièrement pour discuter au téléphone avec sa meilleure amie, qui est certainement sur un autre tapis de course, réglé à la même vitesse, à 1 km d’elle.
Mais tout cela ne s’arrête pas là. Pour être une vraie fit-girl, il faut aussi être capable de couper des fruits en forme de cœur et de manger du quinoa en maillot de bain, assise en tailleur au bord de la piscine d’un hôtel de luxe. Evidemment, il faut avoir l’air naturel et donner l’impression d’aimer ça, de se photographier, et de poster ledit cliché sur son réseau social. Notons également que la préparation de ce plat ou de cette photographie prend souvent trois fois plus de temps que de l’ingurgiter.
En gros, si à vingt-cinq ans tu n’es pas désirable au bord d’une piscine et que tu as moins de cent likes sur Instagram, tu as raté ta vie.
Pendant de nombreuses années, les femmes ont pourtant tenté de s’affranchir des codes de beauté qui les asservissaient à un rôle auquel elles ne voulaient plus être affiliées. Le corps de la femme doit être accepté tel qu’il est, rond ou mince, grand ou petit. En ce sens, aucun corps n’est meilleur qu’un autre. Il est fascinant d’observer la manière dont, en quelques années et dans le but de gagner des « likes sur insta », ces fit-girls ont brisé de telles revendications.
La fit-girl est intéressante à étudier, car bien qu’elle s’affiche sous couvert de bien-être, cela ne reflète en rien la réalité du genre féminin. En agissant ainsi, ce sont d’autres femmes qui gagnent des complexes. Au lieu de la sacralisation d’un modèle de corps bien précis, à quand la glorification de la culture générale ? Ah non, cela demande plus d’effort que de soulever des poids.
P.S. : Les fit-boys et leurs photos comparant la taille de leur biceps seraient tout aussi intéressants à développer.
Ce texte satirique a été rédigé dans le cadre du gymnase du soir, pour note.
Excellent. On attend la suite. Un ancien du collège du soir, mais du bout du lac.
Pas drôle, et si elles vous dérangent vous ne regardez pas leurs profils…
Si, c’est drôle et on regarde leur profil quand même.
Hola señor Lopez,
Je découvre et apprécie votre plume à l’encre vitriolée dont l’humour allège la critique sévère. Soyons compatissants avec ces “fitwomen” elles souffrent. Pour notre grand plaisir de machos.. Mais soyons attentifs, elles sont belles (à 80%) indépendantes et décidées (à 50% ?). Notre ère de machos-Achile-rambo touche à sa fin. Le muscle du biceps devient inutile face au “muscle cérébral” que ces fitwomen développent à notre insu, sournoisement. Si un traité de paix n’est pas rapidement signé, l’avenir est aux Femmes, du moins dans nos contrées civilisées et démocratiques. Les machos mécontents pourront toujours se réfugier à l’Est, au Sud… à quand la prochaine migration des mâles monocellulegrise vers l’Afrique, l’Orient ou les USA ?
Normalement, je ne m’exprime plus sur ces blogueries avant que le Temps y mette certaines règles (ce qui ne m’empêche pas de les lire).
Mais là, je ne puis m’empêcher de mettre mon gros biceps de macho pédant-chiant …
Pourquoi ne commencez-vous pas votre saison 1 par “Les fit-boys”?
Oui, ce serait élégant vis-vis des femmes et prouverait que le problème ne réside ni dans l’un ou l’autre genre, ni même transgenre (j’en oublie sûrement?), mais dans une civilisation qui n’est pas prête à sauver la planète, engoncée dans son narcissisme réseauté LMVH à face de bouc instagramée au poil près!
🙂
C’est un choix. Merci pour votre commentaire :).
Bravo Barry, je me suis bien marré!
J’attends toujours pour notre verre.
Bonne continuation