Des changements durables

Une initiative pour sauver le Mormont ?

Notre système politique a cela d’exceptionnel qu’il permet à la population de se prononcer sur toute une série de questions de société, des plus fondamentales jusqu’à certaines pouvant être jugées triviales, comme les cornes des vaches. Dans le canton de Vaud le droit d’initiative populaire a été utilisé à plusieurs reprises dans le passé pour tenter – avec plus ou moins de succès – de protéger des zones au patrimoine naturel ou paysager méritant selon d’aucuns d’être sauvegardé. Le moment semble venu de porter le débat qui occupe depuis quelques mois l’opinion publique quant à l’avenir du Mormont, colline du Pied-du-Jura aux valeurs naturelle, archéologique et paysagère indéniables, dans l’arène de la démocratie directe.

Souvenez-vous, en 1977 un bâlois au tempérament pour le moins fougueux arrivait à convaincre une majorité des vaudois-es d’inscrire dans leur Constitution cantonale la protection de Lavaux. Le résultat de cette première “initiative Weber” sera ensuite confirmé en 2005 par plus de 81% de votes positifs. En 2014 la population refusera par contre une 3ème initiative, lui préférant le contre-projet du Conseil d’Etat.

En 1988 une alliance de partis et associations de protection de l’environnement déposait avec plus de 21’000 signatures valables une initiative pour “Sauver la Venoge”, jugeant que la rivière chère à Gilles subissait par trop les affres d’activités humaines qui en réduisaient le caractère bucolique. Le 10 juin 1990, ce sont 57% des vaudois-es qui leur donnent raison.

En 2004, l’initiative “Sauver le Pied-du-Jura”, qui visait à empêcher l’implantation de carrières dans certaines communes de l’ancien district de Cossonay, n’arriva quant à elle pas à convaincre la population.

Vous l’aurez compris, la protection de l’environnement et de sites emblématiques s’invite régulièrement dans les votations cantonales, et c’est à mon avis tant mieux !

Quoi de plus sain en effet que de débattre collectivement d’une question, et de permettre à l’ensemble du corps électoral, après avoir entendu les arguments des un-e-s et des autres, de trancher ?

L’avenir de ce qu’il reste de la colline du Mormont, creusée depuis 1953 pour fabriquer du ciment, a fait couler beaucoup d’encre et de salive ces dernières années, et tout particulièrement depuis que la première “Zone à Défendre” (ZAD) de Suisse s’y soit installée l’automne dernier. Ces jeunes activistes ont réussi à remettre sous les feux de la rampe la question de la protection de ce site, et plus généralement de la dépendance de nos sociétés au ciment, dont nous consommons annuellement des millions de tonnes, générant au passage près de 10% du total de nos émissions de CO2.

Une initiative “Sauver le Mormont”, demandant d’une part l’arrêt de l’exploitation de cette colline en tant que gravière, et d’autre part aux pouvoirs publics de mettre en œuvre des politiques visant à réduire notre consommation de ciment, semble être la suite logique de cet engagement. Elle aurait le mérite de laisser à l’ensemble de la population le soin de trancher sur cette question, donnant une indication claire au politique quant à la voie qu’elle souhaite suivre.

Emplois, modèle de développement économique, alternatives au ciment ou encore cohabitation entre nature et activités humaines. Les questions sous-jacentes sont nombreuses, et promettent des débats aussi passionnants que nécessaires. C’est dans ce but qu’une coalition de partis et associations de protection de l’environnement est en train de se créer, et qu’il se pourrait bien qu’une récolte de signatures soit lancée ces prochains mois.

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