Des changements durables

Ce n’est pas Noël pour les orang-outans

La période des Fêtes de fin d’année est propice à la consommation de biscuits, chocolats et autres friandises. Loin de l’image d’Épinal que leur donne la publicité, ces produits fabriqués industriellement absorbent une bonne partie des importations suisses d’huile de palme, qui se montent à 30 à 40’000 tonnes par année, en provenance majoritairement d’Asie du Sud Est.

C’est de Malaisie et d’Indonésie qu’émanent en effet plus de 85% des 70 millions de tonnes produites chaque année dans le monde. Des chiffres en forte hausse, puisque la production mondiale était d’un peu plus de 50 millions de tonnes  il y a une dizaine d’années.

 

On a toutes et tous en tête les images des forêts tropicales rasées sur des centaines d’hectares, ou des orang-outans errant dans ce qui était jadis leur lieu de vie. La culture de l’huile de palme est en effet l’une des principales causes de déforestation dans ces pays, et ce sont plusieurs millions d’hectares de zones forestières et de tourbières qui ont été détruits ces dernières années pour planter des palmiers à huile ( pour rappel, la Suisse a une superficie totale de 4 millions 100’000 hectares, ou 41’000 kilomètres carrés).

 

Les campagnes menées par les associations de protection de l’environnement  contre ce véritable écocide (on se rappellera parmi toutes celle de Greenpeace et sa publicité montrant un jeune homme croquant une barre chocolatée se transformant en doigt d’orang-outan) ont porté au moins partiellement leurs fruits,  et permis d’alerter l’opinion publique. Cela a obligé les grands groupes agro-alimentaires qui dépendent fortement de cette ressource bon marché à réagir. Ont-ils décidé de se passer d’huile de palme, et d’utiliser d’autres graisses végétales moins nuisibles pour l’environnement ? Vous pensez bien que non, et que c’est une toute autre stratégie qui a été mise en place, ce greenwashing d’un type particulier que l’on appelle la labellisation.

En résumé, on continue à utiliser de l’huile de palme comme avant, mais on certifie qu’elle a été produite de manière durable, sans recours à la déforestation par exemple. Des labels se sont ainsi développés, et mis en avant à grands coups de marketing par les entreprises. Le plus connu et répandu est celui dénommé  RSPO (Round Table for Sustainable Palm Oil), fondé à la fin des années 2000 déjà par un collectif d’entreprises, de producteurs et certaines ONG.

Sur le papier, la RSPO a tout pour bien faire, et protéger ce qui peut encore l’être des forêts indonésiennes et malaisiennes. Comme souvent malheureusement, sur le terrain le constat est beaucoup moins satisfaisant. Il est en effet extrêmement difficile de vérifier que les acteurs appliquent bien ce à quoi ils se sont engagés, et de nombreux scandales, allant de l’exploitation du travail d’enfants à la déforestation, ont été mis en exergue ces dernières années par des ONG comme “Rain Forest Action Network” ces dernières années. L’utilisation de pesticides et herbicides extrêmement dangereux et interdits dans les pays occidentaux, comme le paraquat, reste par ailleurs autorisée, et 75% des plantations certifiées RSPO se situent sur d’anciennes zones forestières. Les mécanismes de sanctions restent par ailleurs extrêmement timides, voire inexistants. Il a ainsi fallu plus de 5 ans de dénonciations de graves manquements pour que le producteur malaisien IOI soit exclu du label, avant de le réintégrer 5 mois plus tard…

Bref, l’huile de palme, même certifiée, ne saurait être durable, et derrière les certifications se cachent malheureusement beaucoup de vide et de vent.
Les grandes promesses de durabilité faites dans le cadre de l’accord de libre-échange entre la Suisse et l’Indonésie, sur lequel nous sommes appelées à voter le 7 mars prochain, sont donc de la poudre aux yeux. L’ordonnance mise en consultation le 18 décembre par le Conseil Fédéral au sujet des fameux standards de durabilité pour les importations d’huile de palme se base en effet sur ces fameux labels. Si c’est le OUI qui l’emporte, nous allons donc importer davantage d’huile de palme, en cachant le désastre écologique et social que constitue cette monoculture en Asie du Sud Est sous une fine couche de greenwashing à la sauce fédérale.
Ce n’est probablement pas ce que les orang-outans auraient demandé au Père Noël…

 

Quitter la version mobile