Des changements durables

Chlorothalonil : à la Confédération d’assumer ses responsabilités

On a beaucoup parlé ces dernières semaines d’un fongicide au nom quelque peu abscons : le chlorothalonil. Employé dans l’agriculture depuis les années 1970, il a été déclaré potentiellement dangereux pour la santé humaine par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), et donc interdit à partir de la fin de l’année 2019. L’Office Fédéral de l’Agriculture a emboîté le pas, et interdit l’utilisation de chlorothalonil également sur le territoire suisse à partir du 1er janvier 2020.

Par ricochet, cette interdiction a eu des répercussions sur l’eau que nous buvons. Les résidus de produits phytosanitaires et de métabolites sont en effet soumis à une réglementation, et leur teneur dans les eaux ne peut dépasser en théorie le dixième de microgramme par litre (0,1 µg/l).

Jusque là tout va bien, avec des autorités qui ont pris leurs responsabilités pour protéger la population d’un danger possible, celui d’un produit chimique potentiellement cancérigène, et ont interdit l’utilisation de ce dernier, tout en fixant des règles strictes quant à sa présence dans l’eau. Or on s’est très vite rendus compte que de trop nombreuses sources du Plateau suisse contenaient des quantités supérieures, parfois jusqu’à plus de 10 fois plus que les normes autorisées.

Dans notre pays, la gestion des réseaux d’eau est de compétence des communes. C’est donc à elles que revient la tâche de veiller à ce que l’eau qui coule de nos robinets soit exempte de produits potentiellement dangereux. Concrètement, cela signifie que ce sont nos villes et villages qui vont devoir trouver des solutions pour supprimer toute trace supérieure à ce fameux dixième de microgramme par litre de chlorothalonil dans l’eau distribuée via leur réseau. Dans certains cas de figure cela est très simple, car les communes puisent l’eau à plusieurs endroits, et peuvent se permettre de diluer l’eau “polluée” d’une source avec celle plus pure d’une autre source ou d’un lac. C’est par exemple le cas de la ville de Lausanne, qui a pu fermer plusieurs de ses captages sans mettre en péril l’approvisionnement en eau de l’agglomération.

Ailleurs, les choses s’annoncent beaucoup plus compliquées, et des investissements de centaines de milliers, voire de millions de francs vont être nécessaires pour raccorder le réseau à celui d’autres communes moins touchées par le problème, ou encore pour mettre en place des systèmes – par ailleurs plutôt aléatoires – de traitement des eaux permettant d’en supprimer les métabolites incriminés.

S’il est essentiel que ces mesures soient mises en œuvre rapidement, pour garantir la sécurité de la population, il semble peu admissible que les communes aient à supporter seules ces coûts importants. La Confédération a en effet permis pendant des dizaines d’années la vente et l’utilisation du chlorothalonil, avant de faire marche arrière. C’est donc elle la responsable de la présence de cette substance dans les eaux de captage de très nombreuses communes. Des aides financières conséquentes sont donc nécessaires de sa part, afin de remédier à un problème qu’elle a en quelques sortes engendré. Mais l’argent n’est pas tout, et c’est aussi et surtout d’appuis et conseils techniques dont ont besoin besoin les communes, et tout particulièrement les plus petites d’entre elles, qui ne disposent pas de services techniques importants et bien outillés.

Sans une prise de responsabilités rapide de la Confédération, il y a fort à parier que même avec toute la bonne volonté du monde, de nombreuses communes auront de la peine à souscrire aux exigences légales qu’on leur demande d’appliquer sans leur en donner les moyens…

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