Des changements durables

Non, décroissance et récession ne sont pas des synonymes !

Alors que la crise sanitaire semble – en tout cas temporairement – laisser la place à une crise économique, on commence à entendre les voix des opposants habituels à toute politique environnementale narguant les écologistes par un “là voilà la décroissance que vous avez appelée de vos voeux” aussi bête que méchant.

Ce n’est pas la première fois qu’un amalgame est créé à dessin entre décroissance et récession ( je pense par exemple à un ministre vaudois de l’économie qui lors d’un débat télévisé en 2017 avait houspillé un autre candidat par un “allez voir dans certaines régions de France qui vivent cette décroissance, et qui dépérissent”), mais là ce message se fait particulièrement insidieux et par trop audible.

Pourtant, il ne faut pas un doctorat en économie pour comprendre que récession et décroissance sont deux phénomènes fort différents.

Cela à commencer par les définitions de ces deux termes. Selon le Larousse 2009, une récession est une “phase de contraction économique qui s’étend sur plus de 6 mois“. Il s’agit d’un phénomène linéaire ou presque, et surtout subi, en ce sens qu’il n’est ni piloté ni maîtrisé par les acteurs économiques.

La décroissance est quant à elle un concept politique, économique et social qui prend en considération les limites planétaires en matière de ressources et remet en cause l’idée selon laquelle l’augmentation des richesses produites conduit forcément et indéfiniment à l’augmentation du bien-être social. Il s’agit du choix d’une personne ou d’une société toute entière, et touche le cas échéant certains domaines économiques définis. On pourrait ainsi par exemple voir une croissance du chiffre d’affaires d’une brasserie bio ou d’un fabriquant de médicaments dans une société décroissante, en même temps que les producteurs de pétrole ou de ciment verraient leurs revenus diminuer. Ce qui est essentiel dans le décroissance, c’est sortir de cette volonté de produire et consommer toujours plus, sans penser aux limites  qui sont celles de notre planète et de ses matières premières.

La faillite de restaurants et de petits commerces de quartiers alors que le chiffre d’affaire des géants de la vente en ligne explose, telle qu’on l’observe malheureusement en ces temps de crise du COVID-19 n’a ainsi pas grand chose à voir avec la décroissance telle que théorisée par Georgescu-Roegen ou Serge Latouche.

Associer récession et décroissance n’est donc pas sérieux, tant ces deux phénomènes sont différents tant dans leurs causes que dans leurs conséquences.

La récession que va connaître notre pays, à l’image de la plupart des régions du monde, doit être combattue. Il semble pourtant indispensable de se poser rapidement les questions relatives à quelle relance nous souhaitons, et surtout quelle relance est à même d’éviter de continuer à foncer vers le mur que le réchauffement climatique et l’épuisement des ressources naturelles construisent devant nous.

“Choisir la décroissance aujourd’hui ou subir une récession demain” est un slogan connu des “objecteurs de croissance”. Ce pourrait être le départ pour les réflexions qui nous attendent quant au monde de demain.

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