Des changements durables

Pic pétrolier, un mirage qui s’estompe, et c’est tant mieux !

Il y a bientôt quinze ans, alors que je venais d’adhérer aux Verts vaudois, je découvrais dans le cadre d’une conférence donnée par un ancien conseiller national écologiste l’existence du concept de “pic pétrolier“. Pendant plus d’une heure l’orateur s’est ce jour là attelé à expliquer aux quelques jeunes vert-e-s présents dans la pièce que les réserves en pétrole n’étaient pas illimitées, et que dans cinq à dix ans commencerait une inévitable décrue de la production de brut, voyant les prix augmenter à mesure que les gisements se tariraient.

Quinze ans plus tard, alors qu’on devrait être en plein dedans, le prix du baril de pétrole est au plus bas, et a même touché des prix négatifs ces derniers jours.

À priori, il y aurait de quoi inquiéter les écologistes de tout poil, car avoir à disposition une ressource abondante et bon marché n’est pas vraiment de nature à pousser les acteurs économiques à se tourner vers des énergies moins polluantes. Les fameuses courbes de l’offre et de la demande que l’on présente à toutes les sauces aux étudiant-e-s novices en sciences économiques sont formelles : lorsque les prix diminuent, la quantité demandée augmente.

Cet effondrement du prix du brut peut pourtant être vu comme une bonne nouvelle pour l’environnement, ou en tout cas nous pousser à être moins pessimistes quant à ce fameux “pic de la production” qui semble s’éloigner d’année en année.

En règle générale, lorsque le prix du pétrole augmente, sa consommation ne diminue pas forcément de manière substantielle, et les producteurs sont tentés d’aller chercher cette ressource dans des lieux plus difficiles d’accès ou d’exploitation. L’augmentation du prix du pétrole à la fin des années 2000 ( avant le crash économique de 2008-2009) avait par exemple rendu économiquement viable l’exploitation de gisements jusque là jugés inintéressants, comme ceux de sables bitumeux aux Etats Unis ou au Canada, avec à la clef un véritable désastre écologique. La grande erreur des théoriciens du “pic pétrolier” aura ainsi été de sous-estimer la capacité des grands groupes énergétiques à trouver de nouvelles sources d’approvisionnement en hydrocarbures.

La baisse spectaculaire actuelle du cours du brut est le fruit d’une conjonction entre le ralentissement de l’activité économique généré par la pandémie de COVID-19 et des tensions géopolitiques entre les pays producteurs. Elle ne semble pas portée à durer, et ne risque en tout cas pas d’être brisée par une diminution de l’offre liée à un épuisement des gisements.

Le pic pétrolier n’est pas pour demain, mais ce n’est pas forcément dramatique. Si l’on veut suivre les recommandations de la communauté scientifique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous devons commencer à laisser le pétrole dans le sous-sol bien avant qu’on n’en trouve plus. En cela, c’est un autre mécanisme de la loi de l’offre et de la demande qui peut s’activer : celui relatif à cette dernière justement. Lorsqu’un bien a un prix bas, c’est soit parce que l’offre est abondante, soit parce que la demande est faible. Ainsi, si après Pâques les lapins en chocolat sont vendus à prix cassés ce n’est pas parce que les confiseurs ont pu profiter du long weekend pour en produire massivement, mais bien parce que l’attrait des consommateurs diminue drastiquement une fois les festivités passées.

C’est donc vers cela qu’il faut tendre pour ce qui est du pétrole. Plutôt que d’espérer qu’il vienne à se tarir, faire en sorte de le remplacer par des alternatives moins polluantes, afin que d’objet de toutes les convoitises comme il le fut au XXème, il devienne une relique du passé sans valeur.

 

 

 

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