Des changements durables

Un acharnement incivil

Le Conseil fédéral a présenté il y a quelques jours par la voix de Guy Parmelin une énième série de mesures visant à briser l’attractivité du service civil.  Cette nouvelle attaque contre un système qui a fait ses preuves et qui permet à des milliers de jeunes chaque année d’accomplir des tâches à haute valeur ajoutée pour notre société a de quoi laisser perplexes. Les établissements qui accueillent des civilistes ont d’ailleurs réagi, et ont pris leur plume pour écrire aux Parlementaires fédéraux afin de les sensibiliser à l’utilité du service civil et au rôle important qu’il joue dans le fonctionnement de bon nombre d’institutions dans notre pays.

Mais pourquoi un tel acharnement contre le “zivi” ?

Si le Conseil Fédéral et une partie des élu-e-s de droite se battent depuis des années contre le service civil, le rendant plus contraignant et difficile d’accès, c’est qu’ils ont peur de le voir siphonner peu à peu les effectifs de l’armée. Outre le fait qu’il s’agit là plutôt d’un fantasme que d’une réalité ( après des années de forte croissance les effectifs de civilistes semblent s’être stabilisés), ils feraient mieux de s’interroger sur les raisons de ce succès.

Qu’est-ce qui pousse ces milliers de jeunes aptes au service à choisir de devenir civilistes plutôt que soldats ? Est-ce la facilité et le caractère « douillet » du premier, comme le prétendent les plus militaristes de nos élu-e-s ?

Rien n’est moins sûr, car à s’y pencher de plus près on voit que le quotidien d’un civiliste n’est de loin pas comparable à celui d’un touriste, et s’il est sans doute par la force des choses moins martial et contraignant, il n’en reste pas moins cadré et laborieux.

Le civiliste doit tout d’abord effectuer une fois et demi le nombre de jours qui incombent à qui choisit le service militaire. C’est la fameuse « preuve par l’acte », qui le voit servir son pays 390 jours au lieu de 260. Il doit répondre ensuite à un certain nombre de contraintes en matière de nombre de jours de service par année, de domaines dans lesquels accomplir son affectation ou encore d’heures de travail hebdomadaires.

Il effectue surtout des tâches extrêmement utiles pour la société, en travaillant dans des EMS, auprès d’associations s’occupant de migrants, de jeunes en difficulté, ou encore pour des paysans de montagne, des réserves naturelles… J’ai ainsi pour ma part effectué 8 mois de service à la Croix Rouge vaudoise, pour de l’accompagnement à des personnes âgées ou handicapées. Il s’agit de faire des courses, d’assister lors d’une promenade ou d’une sortie, ou tout simplement de tenir compagnie à des personnes esseulées. Une activité qui permet le maintien à domicile de personnes qui auraient autrement de la peine à s’en sortir seules, et qui améliore surtout considérablement la qualité de vie d’un nombre important d’ainé-e-s dans le canton de Vaud et ailleurs. Il y a en permanence au moins deux civilistes dévolus à cette tâche à la Croix Rouge vaudoise, et des centaines d’autres accomplissant des tâches similaires ailleurs.

Sans dénigrer l’armée et celles et ceux qui décident de s’y engager, et dont le choix est tout aussi respectable que celui de qui choisit le service civil, il me semble qu’au lieu de combattre ce dernier, il faudrait au contraire l’encourager et le développer. Il y a en effet bien assez de travail utile à la collectivité à accomplir, notamment pour ce qui est de la protection de l’environnement ou du soutien aux membres les plus vulnérables de notre société, pour qu’on ne voie pas de si tôt des civilistes se tourner les pouces comme certains soldats en cours de répet..

C’est très probablement une quête de sens qu’ils ne trouvent pas forcément auprès de la Grande Muette qui pousse certains jeunes à devenir civilistes. Force est en effet de constater que trop souvent la question du “pourquoi” et de l’utilité des tâches accomplies est laissée de côté lors du service militaire. Cela ne signifie pas que l’armée n’a pas d’utilité, elle la prouve régulièrement, notamment lors de catastrophes naturelles ou de grands événements sportifs ou culturels, mais plutôt qu’elle peine sans doute aujourd’hui à la transmettre à une partie de la population, qui ne se retrouve plus dans ses valeurs et dans son fonctionnement.

Alors laissons ces jeunes libre de servir leur patrie d’une autre manière, au moins tout aussi utile au pays que l’engagement de qui choisit l’école de recrues. Quand on arrêtera d’opposer service militaire et service civil pour parler plutôt en termes de complémentarité, on aura déjà fait un sacré pas en avant…

 

 

 

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