Des changements durables

Au revoir le Comptoir

Vue sur l'entrée du Comptoir suisse 1920 avec la foule qui passe. Aut: Messaz & Garraux. Date: 1920. Tech. gén: photographie; positif noir-blanc. Tech. spéc: impression photomécanique. Mots clés: Lausanne; Comptoir suisse; entrée; personnage; homme; grande halle; poussette; chapeau; canne; avenue des Bergières. Image: C_MHL144046; haute définition (1). © Musée historique de Lausanne

L’annonce faite ce matin de non reconduction du Comptoir Suisse pour une 100ème édition à de quoi réveiller une certaine nostalgie.

Le Comptoir a quelque chose de presque mythique pour toute une partie de la population vaudoise, voire romande, et fait partie du patrimoine immatériel cantonal, au même titre que les Abbayes, les Brandons ou encore le papet aux porreaux.

Doit-on se résigner à sa fin, et plus généralement à la disparition de ce type de grandes manifestations populaires ? Certainement pas, mais il faut que pouvoirs publics et société civile retroussent leurs manches pour réinventer un grand événement qui n’a pour l’heure pas réussi à s’adapter à l’air du temps !

Évoquer le Comptoir avec une bonne partie de la population vaudoise, c’est faire remonter des souvenirs, des anecdotes, des petites histoires plus ou moins drôles qui ont façonné au fil des décennies le rapport entre un événement et la population locale.

Pour moi par exemple il évoque les premières rencontres avec le monde du vin, quand à 18 ans j’ai voulu faire croire au vigneron qui me servait un verre à son stand que je m’y connaissais, mais que j’ai confondu gamay et chasselas… Ou les fondues mangées avec les amis avant de vite monter à la Pontaise voir le match du LS…

Plus généralement le Comptoir était historiquement un lieu d’échange entre population rurale et citadine, à une époque où le canton comptait encore plus d’exploitations agricoles que de bénéficiaires de forfaits fiscaux… Le lieu où on allait acheter sa veste pour l’hiver, ses nouveaux meubles du salon ou le vin pour les Fêtes de fin d’année. Lieu également où les Jeunesses Campagnardes avaient pris l’habitude de se retrouver le dimanche du Jeûne, avec certes quelques débordements, mais toujours dans une ambiance bon enfant !

L’histoire est ensuite connue: le changement des modes de consommation et quelques choix stratégiques peu heureux ont fini par couper le Comptoir de la population, et il n’était pas rare d’entendre dans les discussions des personnes dire “Ah, le Comptoir ? Je n’y vais plus depuis longtemps, ça a trop changé…”

Les chiffres sont à ce propos implacables : 61’000 visiteurs en 2018, contre plus d’un million encore dans les années 1980…

Dans ces conditions, la décision prise par le groupe MCH est malheureusement compréhensible.

Alors on laisse tomber ? Non, car ailleurs, que ce soit au niveau régional dans le canton de Vaud ou cantonal ailleurs, comme avec la Foire du Valais à Martigny, le concept fonctionne, avec des ingrédients cependant un peu différents.

Plus grande proximité entre acheteurs et vendeurs, plus grande présence d’exposants locaux, mettant en avant les produits du terroir, convivialité accrue etc.

Il y a donc  encore une place pour une grande manifestation comme le Comptoir Suisse. Il faut cependant sans doute mettre davantage en avant le terroir, la nature, une agriculture respectueuse de l’environnement et proche de la population : recréer ce lien entre la ville et la campagne, mais aussi entre producteurs et consommateurs, car désormais bien des habitants des villages jadis ruraux sont tout aussi déconnectés du monde agricole que les habitants de Lausanne ou d’Yverdon.

Personne n’attendra plus le mois de septembre pour acheter un canapé ou une doudoune, mais je suis convaincu que nous sommes encore très nombreux à avoir envie d’aller discuter avec un vigneron, manger une fondue ou acheter des pruneaux  pour la tarte du Jeûne. L’occasion pourrait être belle aussi de mettre en avant l’incroyable vivacité du monde associatif vaudois, des traditionnelles fanfares ou sociétés de Jeunesse jusqu’ aux nouvelles formes de sociabilité qui ont émergé ces dernières années, répondant à un besoin croissant de la population.

Des discussions sont semblerait-il déjà en cours pour “l’après Comptoir”. Espérons qu’elles aboutissent rapidement et qu’elles permettent de sauver ce petit bout de patrimoine vaudois que nous sommes nombreux à ne pas vouloir voir disparaître !

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