Des changements durables

Et maintenant, qu’allons nous faire ?

Gilbert Becaud se serait sans doute posé cette question en contemplant les résultats des votations du jour. Quelle analyse faire ? Quelles leçons tirer ?

Il faut tout d’abord avouer que le score est sans appel : les votant-e-s ont clairement refusé les deux initiatives “agricoles”, avec cependant un Röstigraben assez marqué.

Qu’est-ce qui différencie tant vaudois et obwaldiens, pour que dans le premier canton l’initiative “Pour des aliments équitables”  frôle les 65% de OUI, alors que dans le second on arrive à quasiment 80% de NON ?

Il y a tout d’abord le très large front politique et associatif qui a porté l’initiative en terres vaudoises ou genevoises, qu’on ne retrouvait pas de l’autre côté de la Sarine. Ainsi, si seul le PLR s’opposait à l’initiative dans le canton de Vaud, au niveau national tous les partis bourgeois faisaient front contre ce qu’ils appelaient en toute mauvaise foi l’ “étatisation” de l’agriculture. Ensuite, la question des conditions de productions des aliments que nous consommons a sans doute été davantage thématisée en Suisse Romande ces dernières années. Robert Cramer rappelait ainsi ce soir au journal télévisé les initiatives parlementaires romandes qui il y a quelques années visaient à interdire l’importation de denrées alimentaires produites dans des conditions sociales inacceptables. Enfin, la campagne pour le NON a sans doute été moins virulente dans nos régions, peut-être car il était moins évident de s’afficher contre une idée qui semblait séduire de larges pans de l’électorat.

La campagne pour le NON, si elle a débuté relativement tard, a été très efficace, montrant une fois encore comment Economiesuisse et ses alliés politiques du PLR arrivent à tuer tout débat en l’écrasant sous deux ou trois arguments simplistes et réducteurs. Qu’importe si le texte de l’initiative ne demande pas d’imposer les normes suisses aux produits importés. On va se baser sur un brouillon d’argumentaire des initiants paru en 2014 pour affirmer cela, tout en spéculant sur une augmentation des prix et une baisse du choix, en saupoudrant le tout de l’argument ultime : celui de la main mise de l’Etat sur l’économie privée. Exit donc toute discussion sérieuse sur quel type d’agriculture nous voulons pour demain, sur les conditions de travail de certains ouvriers agricoles à l’étranger ou sur les conséquences de certains agissements de notre industrie agro-alimentaire sur l’environnement et les sociétés d’autres régions du monde.

Au delà des explications ( qui ont leur côté par ailleurs bien aléatoire : expliquer clairement un comportement électoral est tout sauf facile, et on a vite fait de prendre son avis ou le “sens commun” pour la réalité…) reste la question de l’après 23 septembre 2018. Que faire de ces plus de 60% de OUI en terres vaudoises ? Il semble en tout cas essentiel de ne pas les ranger dans un tiroir, en se disant que de toute manière tout est perdu. La politique agricole a aussi un pan cantonal, voire même communal pour ce qui est d’initiatives mettant en lien producteurs et consommateurs. C’est donc à ce niveau là qu’il faut agir aujourd’hui, forts d’une légitimité populaire régionale forte, et d’un signal que les romands ont donné en faveur de leur agriculture et des producteurs d’ici comme d’ailleurs.

Nul doute dès lors que ce scrutin ne signe pas la fin des actions politiques et associatives pour une alimentation équitable et la sauvegarde d’une agriculture paysanne. Remettons donc l’ouvrage sur le métier au niveau politique, et continuons à nous comporter en consommateurs conscients de l’impact de nos choix alimentaires sur la vie et la survie des producteurs d’ici comme d’ailleurs.

 

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