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Loi sur le CO2 : et maintenant ?

Le peuple suisse a refusé le 13 juin dernier la révision de la Loi sur le CO2. Cette décision nous laisse démunis face à la crise climatique et privés de dispositif de mise en œuvre pour l’accord de Paris. L’urgence climatique demeure cependant, ainsi que les engagements internationaux que nous avons pris. Comment pouvons-nous y répondre désormais ?

Le peuple a refusé d’appliquer le principe du pollueur-payeur

Les taxes incitatives et le coût de la transition climatique pour les consommateurs finaux ont été au cœur du débat populaire et furent indiscutablement décisifs pour le résultat négatif du scrutin. Les citoyennes et les citoyens ont refusé la révision de la loi, car ils ont considéré qu’ils allaient être injustement contraints de passer à la caisse. Cette perception est en partie le résultat d’une mauvaise compréhension du fonctionnement des taxes incitatives. En effet, l’objectif des taxes incitatives n’est précisément pas que les gens soient contraints de les payer. Au contraire, leur but est, paradoxalement, que les particuliers et les entreprises puissent éviter d’y être soumis, en adoptant de nouvelles technologies ou en changeant de comportement.

Évidemment, pour que ce système fonctionne, il faut, d’une part, que des alternatives en termes de technologies ou de comportement soient disponibles sur le marché et, d’autre part, qu’elles soient financièrement accessibles. C’est pourquoi la loi prévoyait qu’une partie des recettes des taxes incitatives soient utilisée pour promouvoir le développement des alternatives durables et les rendre plus abordables. Le reste des recettes devait être redistribué à la population, permettant aux personnes qui ont changé de technologies ou de comportement non seulement d’échapper à la taxe, mais de faire encore un bénéfice.

Ainsi, dans le système qui était prévu, cela devait être les pollueurs, c’est-à-dire ceux qui refusent de changer de comportement ou de technologie, qui financent la transition climatique. Ils devaient permettre à ceux qui le souhaitent, mais qui n’en ont pas forcément les moyens, d’accéder aux technologies et aux comportements plus durables.

Le fait que la population ait refusé ce mécanisme de financement, dit du pollueur-payeur, est très problématique. En effet, nous n’avons désormais plus de financement pour soutenir l’accessibilité des solutions climatiquement responsables. Or, si ce ne sont pas les pollueurs, qui donc va payer ?

Les technologies et les comportements durables doivent être soutenus

Trouver un nouveau financement est aujourd’hui nécessaire, car tant les particuliers que les entreprises ne pourront réaliser la transition climatique sans être aidés.

Nous devons cesser d’utiliser des énergies fossiles, tout en étant capables de continuer à nous chauffer, à nous déplacer et à faire fonctionner nos entreprises. Les alternatives aux énergies fossiles qui le permettent sont dans la plupart des cas d’ores et déjà disponibles sur le marché. Plutôt que de nous chauffer au mazout, nous pouvons isoler les bâtiments et nous chauffer avec des énergies renouvelables (pompes à chaleur, solaire, bois). Plutôt que d’utiliser des voitures à essence ou au diesel, nous pouvons prendre les transports publics, ou nous déplacer à pied ou à vélo. Dans les cas où la voiture est nécessaire, nous pouvons utiliser des véhicules consommant moins de carburant ou des voitures électriques.

Néanmoins, ces changements de technologies ou de comportement requièrent dans certains cas, en particulier dans le domaine du chauffage, des investissements importants, qui peuvent les rendre inaccessibles. Un soutien financier est dès lors indispensable, pour permettre aux personnes et aux entreprises concernées de réaliser la transition.

Dans d’autres cas, les alternatives durables manquent tout simplement. On trouve certes de plus en plus de véhicules électriques à un prix raisonnable, mais le réseau de recharge n’est pas optimal, ce qui pose problème aux locataires qui ne peuvent pas installer une borne de recharge devant leur logement. Développer un réseau de recharge adapté va exiger des investissements importants, qu’ils soient publics ou privés. En matière de transports sur de longues distances, la marge de manœuvre des voyageurs est aussi restreinte. L’offre en trains de nuit vers les destinations européennes est maigre et les prix sont élevés par rapport aux offres des compagnies d’aviation low-cost. Il s’agit d’un cas typique de dysfonctionnement du marché : les coûts environnementaux ne sont pas internalisés dans les prix et le marché favorise clairement l’option la plus défavorable au climat, au point que pour de nombreuses destinations, les voyageurs n’ont même plus le choix de prendre le train de nuit. Il est très difficile, voire impossible, pour eux, de ne pas céder à la tentation des vols à bas prix, tant que nous n’investissons pas dans de nouvelles offres abordables de trains de nuit ou de trains rapides. Enfin, pour les déplacements intercontinentaux, il n’y a pas d’alternative à l’avion. Là, des solutions techniques doivent être développées pour réduire l’impact climatique des long-courriers. Cela aussi, cela exige de gros investissements.

Bref, sans un financement adéquat pour soutenir le développement et l’accessibilité des alternatives durables, on ne peut pas attendre des entreprises et des particuliers qu’ils réalisent d’eux-mêmes la transition climatique. Et si ce ne sont pas les pollueurs, quelqu’un d’autre doit payer.

Il faut financer la transition climatique par le budget, plutôt que par les pollueurs

Nous pourrions très bien financer les investissements nécessaires à la transition climatique via le budget fédéral, comme on le fait dans tant d’autres domaines, de la sécurité à l’agriculture, en passant par la formation. Cette solution aurait l’avantage d’être socialement équitable, puisque les caisses fédérales sont largement alimentées par l’impôt, qui est progressif. Les ménages défavorisés sont ainsi moins mis à contribution. La difficulté est de trouver une majorité au parlement pour de tels investissements. Alors que les deux chambres viennent de libérer des dizaines de milliards de francs pour financer des avions de guerre, elles ne se montrent pas toujours aussi ouvertes lorsqu’il s’agit de lignes budgétaires liées à l’environnement. Le contexte d’endettement de la Confédération, suite aux soutiens à l’économie débloqués dans le cadre de la crise sanitaire, ne va pas rendre les choses plus faciles, même si notre pays reste dans une situation financière tout à fait favorable en comparaison internationale.

Un financement par le budget permettrait d’assurer la pérennité de mesures clé qui étaient prévues dans la révision de la loi et qui n’ont pas été contestées pendant la campagne. Il s’agit de renforcer les soutiens pour celles et ceux qui souhaitent isoler leur logement ou passer d’un chauffage à mazout à un chauffage basé sur les énergies renouvelables, d’investir dans le développement d’une offre attractive et abordable de trains transfrontaliers rapides et de trains de nuit, de soutenir la recherche de carburants alternatifs plus durables pour les avions long-courriers, ou encore de développer l’infrastructure de recharge pour les voitures électriques.

La révision de la loi sur le CO2 refusée par le peuple prévoyait en outre de financer, avec une partie des recettes des taxes incitatives, des mesures d’adaptation et de protection contre les impacts du changement climatique dans les zones de montagne. Nous ne pouvons en aucun cas renoncer à ces de soutiens. Il faudra dès lors les financer, eux aussi, par le budget.

Mieux vaut une contrainte à l’innovation plutôt qu’une pression sur le porte-monnaie

La révision de la loi sur le CO2 refusée en votation contenait plusieurs types de prescriptions, qui n’ont pas fait l’objet des mêmes attaques que les taxes incitatives durant la campagne. Il serait certainement possible de les reprendre, voire même de les renforcer. Un tel renforcement aurait probablement un impact similaire sur la réduction des émissions de CO2, voir plus important, que l’instauration de taxes incitatives.

De facto, les taxes incitatives ciblent les consommateurs finaux, plus précisément leur porte-monnaie. C’est ce qui a provoqué une réaction de rejet au sein de la population. Avec des prescriptions, on cible au contraire les producteurs, en régulant l’accès au marché pour leurs technologies ou produits. D’une certaine manière, on leur impose, via des réglementations techniques, une contrainte à l’innovation, en leur donnant un délai de mise en œuvre raisonnable. A eux, durant cette période, de réaliser les investissements nécessaires pour adapter leurs produits aux nouvelles conditions à venir. Ce cadre leur donne la direction à prendre, ainsi que la sécurité juridique et des investissements dont ils ont besoin pour avancer.

Plusieurs pays européens ont adopté ce type d’instrument dans le domaine de la mobilité. Ils ont ainsi annoncé que, à partir de 2030 (2025 pour les plus ambitieux), de nouveaux véhicules à moteur thermique ne pourront plus être immatriculés sur leur territoire. L’industrie automobile a dès lors le temps, d’ici là, de développer une offre diversifiée, dans toutes les gammes de prix, de véhicules adaptés à ces nouvelles conditions d’accès au marché. Le moment venu, les prescriptions s’appliquent pour les nouvelles voitures, et seuls les véhicules thermiques déjà immatriculés peuvent continuer à être utilisés. Ceci assure une transition vers un parc automobile ne dépendant plus de l’essence ou du diesel en une dizaine d’années.

En Suisse, la majorité bourgeoise est très réfractaire aux interdictions de technologies. J’avais dès lors proposé lors du traitement de la loi une version plus flexible de ce principe. Il s’agissait de limiter à 20g de CO2/km les émissions moyennes des nouveaux véhicules immatriculés dès 2030. Il ne serait ainsi pas interdit d’immatriculer encore des véhicules à essence ou au diesel en 2030, mais cela ne serait plus possible qu’à titre exceptionnel, par exemple pour des usages où d’autres type de motorisation ne seraient pas possibles, et pour des véhicules très efficients. Cette proposition n’avait à l’époque pas obtenu de majorité. Cela vaudrait cependant la peine de la reprendre aujourd’hui. En effet, ce type de mesure ménage les consommateurs finaux. La prochaine fois qu’ils changeront de voiture, celles qu’on leur offrira sur le marché émettront simplement beaucoup moins, voire plus du tout de CO2. Le poids de la transition repose sur les producteurs et en particulier sur leur capacité d’innovation. A eux de développer les modèles adéquats, et dans toutes les gammes de prix s’ils veulent pouvoir les vendre, dans le délai imparti. Une telle mesure devrait évidemment être accompagnée par des investissements dans le développement de l’infrastructure de recharge (voire plus haut), puisque les véhicules émettant moins voire plus du tout de CO2 sont, pour le moment en tous les cas, des véhicules électriques.

Des prescriptions sont également adéquates pour accélérer les changements de chauffage. Il s’agit d’exiger, selon le même modèle, qu’à partir d’une date donnée, les nouveaux systèmes de chauffages (installés dans de nouvelles constructions ou lors des changements de système de chauffage) n’émettent en moyenne plus du tout ou très peu de CO2. Les changements de système de chauffage étant très onéreux, cette mesure devrait être accompagnée de soutiens financiers, comme dit plus haut.

Outre le fait que les prescriptions ménagent les consommateurs finaux, il faut encore souligner le fait qu’elles sont équitables, dans la mesure où la même règle vaut pour toutes et tous. Elles offrent aussi une grande sécurité de planification ainsi qu’en termes d’impact, puisque ce sont des mesures simples, claires et prévisibles. L’effet des taxes incitatives, ou des instruments de marché qui jouent sur les prix, est beaucoup plus difficile à anticiper, du fait de l’élasticité de la demande. Le prix doit parfois être augmenté de beaucoup pour susciter un véritable changement de comportement, ce qui réduit d’autant le degré d’acceptabilité de la mesure. Le cas du prix de l’essence est emblématique de ce phénomène.

Nous avons réglé de nombreux problèmes environnementaux et sanitaires avec des prescriptions jusqu’ici, dont les pluies acides (obligation d’équiper les véhicules de catalyseurs, réglementations sur le plomb et le souffre dans l’essence) ou le trou dans la couche d’ozone (interdiction des CFC). La sortie du nucléaire, largement validée par le peuple il y a quelques années, repose, elle aussi, sur une prescription (interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires).

Des conventions d’objectifs ou un système de quotas seraient adaptés pour l’aviation

Avec le refus de la révision de la loi sur le CO2, la taxe sur l’aviation, dont on a tant parlé, tombe à l’eau. Des vols vont donc continuer à être offerts à extrêmement bon marché, ce qui encourage une surconsommation des trajets en avion et une croissance régulière des émissions dans ce secteur. Comment faire, si l’on ne peut plus rectifier ce dysfonctionnement du marché, ni cibler les consommateurs finaux ? Le développement d’alternatives ferroviaires abordables est bien sûr une bonne réponse, tout comme les soutiens à la recherche de carburants alternatifs. Mais cela suffira-t-il ?

Une difficulté de l’aviation est que c’est un secteur international, et que d’éventuelles prescriptions sur les émissions des avions devraient être appliquées au-delà de nos frontières. Une possibilité d’action à l’échelle suisse serait de conclure des conventions d’objectifs avec la branche aéronautique, qui la contraindraient à réduire d’elle-même ses émissions. Les compagnies d’aviation s’organiseraient ensuite pour atteindre ces objectifs via les mesures de leur choix. Les conventions d’objectifs sont des instruments éprouvés en politique environnementale, mais l’on constate toutefois qu’elles ne débouchent sur des résultats satisfaisants que si elles sont assorties de sanctions vraiment dissuasives, pour les cas où les objectifs ne seraient pas atteints.

Une autre solution, actuellement développée à différents niveaux à l’international, est la mise en place d’un système de « cap and trade ». Il s’agit de créer un marché d’échange de quotas d’émission dont on limite la quantité globale pour avoir un impact de réduction des émissions. Ces systèmes peuvent s’appliquer à des personnes ou à des entreprises. Ils peuvent être efficaces, pour autant que le « cap », à savoir le montant total des émissions initialement octroyées sous forme de quotas aux acteurs du marché, constitue un objectif climatiquement assez ambitieux, c’est-à-dire que ce montant total soit assez bas. Une trajectoire régulière de réduction de ce « cap » doit ensuite être mise en place. Un tel système permet d’octroyer à tous les acteurs, que ce soient des individus ou des entreprises (par exemple les compagnies d’aviation), un quota initial d’émissions qui leur permet de voler de manière raisonnable, sans être sanctionnés. Ceux qui veulent voler plus que ce que leur permettait leur quota d’émissions de départ, doivent par la suite acheter des droits d’émissions à ceux qui ont décidé de voler moins que le quota d’émissions qu’ils ont reçu le leur permettrait (c’est le « trade »). Le « cap » permet de limiter la quantité totale des émissions sur le marché, la flexibilité ne portant que sur leur répartition entre les acteurs.

La mise en place de tels dispositifs est cependant complexe et difficilement envisageable de manière isolée. Et, encore une fois, leur succès dépend de la quantité de quotas d’émissions initialement octroyés. Ce sont certes des instruments de marché, mais qui exigent un certain courage politique pour bien fonctionner.

Le secteur financier doit soutenir les efforts de la population et des entreprises

En refusant la révision de la loi sur le CO2, les citoyennes et les citoyens ont rejeté les seules mesures concrètes que nous avions pu intégrer de haute lutte dans la loi pour que la place financière soit prise en compte dans la politique climatique. La révision de la loi prévoyait en effet que la BNS et la FINMA intègrent les risques climatiques dans leur devoir de surveillance de la stabilité de la place financière suisse. Ce point n’a toutefois pas fait l’objet de discussions ni de critiques pendant la campagne.

Entretemps, le Conseil national a accepté une de mes motions allant dans le même sens. Elle demande que les acteurs financiers soient explicitement contraints de tenir compte des risques climatiques dans le cadre de leur devoir fiduciaire. On peut donc espérer que ce point, qui relève de l’évidence, pourra être repris par la voie parlementaire. Des mesures supplémentaires devraient toutefois encore être prises pour que le secteur financier assume sa part de responsabilité en matière climatique, conformément à l’accord de Paris. Cette branche n’est actuellement soumise à aucune contrainte en matière de réduction des émissions.

Dans ce domaine, comme dans celui de l’aviation, des conventions d’objectifs, assorties de sanctions sérieuses, pourraient constituer un bon instrument. Elles permettraient de réorienter des financements importants, actuellement consacrés au secteur des énergies fossiles, vers les acteurs économiques qui réalisent la transition climatique. Une taxonomie permettant de différencier les produits financiers durables des autres est en élaboration au niveau européen. Elle est indispensable pour instaurer une certaine transparence et lutter contre le greenwashing.

Il faut cependant rester conscient du fait que ces mesures ne contribueraient pas directement à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de la Suisse dans le cadre de l’accord de Paris. En effet, les investissements de la place financière suisse ont un impact dans le monde entier et leur réorientation, de l’économie fossile à l’économie durable, contribuerait à une réduction des émissions dans de nombreux autres pays. Ces réductions seront donc comptabilisées par ces pays-là et non par la Suisse. Ils contribueront toutefois à une amélioration de la situation climatique au niveau international et c’est ce qui est finalement le plus important.

Prendre des mesures au niveau de la place financière est aussi pertinent parce que l’on ne peut décemment pas exiger des entreprises et des particuliers suisses qu’ils fassent des efforts pour réduire leurs émissions, tout en laissant les acteurs financiers présents sur notre territoire injecter des milliards de francs dans les énergies fossiles. C’est une question de cohérence.

Une large alliance de partis et d’ONG prépare en ce moment une initiative populaire sur le sujet, qui mettra la pression sur le parlement. Nous aurons donc dans tous les cas l’occasion d’en reparler.

Les compensations et les déductions fiscales sont moins efficaces

Pour terminer ce tour d’horizon, j’aimerais encore commenter deux types de mesures qui seront certainement citées dans les discussions dans les mois à venir, principalement du côté des milieux bourgeois, et dont je pense qu’elles sont peu efficaces.

Il s’agit tout d’abord des compensations carbones à l’étranger, dont l’importance a été l’objet de débats intenses durant l’élaboration du projet de loi. Sur le fond, je trouve très contestable, en termes de responsabilité, de demander à d’autres de réaliser les réductions d’émissions que nous devrions assumer nous-mêmes. L’attrait qu’éprouvent certains pour ce type d’instrument est en outre basé sur une double erreur d’appréciation.

D’abord, on nous dit que les compensations à l’étranger coûteraient moins cher. C’était le cas jusqu’ici et, en particulier, durant le régime du protocole de Kyoto, alors que les pays en développement n’avaient pas d’objectifs de réduction propres de leurs émissions et étaient peu actifs en la matière sur leur territoire. Aujourd’hui, tous les pays ont des objectifs à atteindre et réalisent de projets de réduction des émissions dans leurs frontières. Ils effectuent évidemment d’abord des réductions des émissions dans les domaines où elles sont les moins coûteuses. Les projets de réduction des émissions que ces pays nous laisseront réaliser chez eux en guise de compensation – des réductions qui ne sont bien entendu pas comptabilisées dans leurs propres objectifs – seront inévitablement les plus chers.

Deuxième erreur de jugement : les défenseurs des compensations carbones à l’étranger considèrent que le fait de réduire les émissions de CO2 est une charge pour l’économie et qu’il vaut donc mieux le faire ailleurs. C’est évidemment faux. Réaliser la transition climatique permet de créer des emplois et de moderniser notre secteur immobilier et nos infrastructures. Nous avons donc tout avantage à investir chez nous. La Suisse fait d’ailleurs partie des très rares pays qui misent encore sur des compensations, la quasi-totalité des autres a cessé de le faire.

Favoriser la transition climatique à l’aide de déductions fiscales, voilà une autre mesure qui a été citée dans les milieux bourgeois depuis l’échec de la révision de la loi en votation. Tout d’abord, il faut dire que c’est une mesure qui existe déjà, puisqu’il est aujourd’hui possible de déduire fiscalement les montants investis dans l’assainissement énergétique des bâtiments. Bien sûr, on pourrait l’élargir à d’autres secteurs. Il faut cependant être prudent avec ce type d’instrument. En effet, il est avéré que les déductions fiscales sont une mesure coûteuse pour un impact relativement faible. Les personnes qui sont le plus soulagées par les déductions fiscales sont en effet les personnes les plus frappées par l’impôt, c’est-à-dire les plus aisées.

Une telle mesure rate donc sa cible, car ce sont à l’inverse les personnes les plus modestes qui ont besoin de soutien pour accéder aux technologies et aux comportements durables, pas les personnes à haut revenu. Ces dernières peuvent d’ores et déjà le faire, sans qu’on ait à les soutenir financièrement. Les déductions fiscales impliquent donc un fort effet d’aubaine.

Des solutions existent pour réaliser la transition climatique, il faut avancer

Pour celles et ceux qui sont arrivés au bout de ce texte : j’espère que ces perspectives vous auront rendu un peu d’espoir en l’avenir. Les taxes incitatives sont chéries par les économistes, en tant qu’instruments du marché, et par certains politologues. Elles constituent des mécanismes certes complexes, mais qui ont l’avantage de la cohérence, et de permettre une application claire du principe du pollueur-payeur, qui figure tout de même dans notre Constitution. Elles sont aussi profondément libérales dans leur esprit.

Les taxes incitatives ont certes séduit la majorité de parlement, et en particulier les représentants bourgeois, lors de l’élaboration de la révision de la loi sur le CO2. Mais elles ont fonctionné comme un véritable repoussoir pour le peuple. Heureusement, ce ne sont pas les seuls instruments permettant de faciliter la transition climatique. Il y a d’autres pistes à explorer. Il faut maintenant espérer que le Conseil fédéral et le parlement agiront rapidement dans ce sens et trouveront un nouveau compromis apte à convaincre la population. Car le temps presse : l’urgence climatique, c’est maintenant.

 

 

 

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