Une lecture verte de l'actualité politique

Pourquoi notre politique climatique est un échec en matière de mobilité

Les transports sont responsables de plus du tiers de nos émissions de CO2, et deux tiers de cette part correspondent au trafic individuel motorisé. Or, dans ce domaine si important, les mesures de politique climatique échouent de longue date. Voyez plutôt : alors que les émissions de CO2 liées à notre mobilité auraient dû, dans le cadre du Protocole de Kyoto, être réduites de 8 % d’ici à 2012[1], elles ont au contraire augmenté de 13 % ! Et cela ne s’améliore pas depuis. Pourquoi ? Peut-être parce que les décisions prises jusqu’ici ont omis un point important : les technologies ne font pas tout, il faut aussi considérer l’usage qu’on en fait. Derrière toute technologie se cachent… des êtres humains, dont on ne peut négliger ni les choix, ni les comportements.

Des prescriptions techniques à la rescousse

A partir de 2012 et en réponse à l’initiative des Jeunes Verts dite « anti 4×4 », la Suisse a fixé des prescriptions pour les émissions de CO2 des voitures nouvellement admises sur le marché. Il s’agit depuis lors de notre principale mesure de politique climatique pour le trafic individuel motorisé. L’objectif était de réduire les émissions moyennes des nouveaux véhicules à 130 g de CO2/km[2], comme cela se fait aussi dans l’Union européenne. La Suisse avait du chemin à faire, puisqu’elle possédait déjà l’un des parcs automobiles les plus polluants d’Europe, avec une moyenne de 149 g de CO2/km pour les nouvelles voitures immatriculées en 2012[3].

A l’issue de la première phase de mise en œuvre, les résultats de cette mesure sont doublement un échec, comme le montre un rapport récemment publié par l’OFEN[4]. Tout d’abord, les importateurs n’ont pas atteint les objectifs qui leur ont été fixés. En 2015, les voitures nouvellement immatriculées ont certes vu leurs émissions réduites, mais à 135 g de CO2/km seulement, 5 g au dessus de la cible[5]. Par ailleurs, et c’est bien plus grave, les émissions de CO2 globalement liées aux transports continuent à excéder les exigences fixées par la loi sur le CO2 : en 2014, les émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation de carburants en Suisse étaient encore à 8 % de plus qu’en 1990, alors que l’objectif pour 2015 était de les stabiliser au niveau de 1990. Les derniers chiffres sortis depuis la publication de l’étude montrent que l’objectif n’a effectivement pas été atteint.

Les raisons d’un échec

Comment expliquer de si mauvais résultats ? La réalité est que les prescriptions techniques ne font pas tout. Il ne sert pas à grand-chose d’avoir des véhicules plus efficients, si leurs gains en matière d’efficience sont annulés par la croissance de leur nombre et du nombre des kilomètres parcourus. La moyenne de CO2 émis par les nouveaux véhicules importés en Suisse a certes quelque peu baissé entre 2012 et 2015. Mais comme, durant la même période, le nombre de véhicules et celui des kilomètres parcourus ont augmenté de 7 % chacun, il n’est pas étonnant que nous échouions, une fois de plus, à tenir nos engagements.

D’autres mesures sont nécessaires

Contre l’augmentation du nombre de véhicules et des kilomètres parcourus, les prescriptions sur l’efficience sont impuissantes. Il ne s’agit en effet pas d’un problème technique, mais d’un enjeu de comportement. Pour agir à ce niveau, d’autres instruments existent. Ils sont bien connus et d’autres pays, en particulier au Nord de l’Europe, disposent déjà d’expériences probantes en la matière. On peut ainsi :

Un véritable projet de société

La plupart de ces mesures ne bénéficie pour le moment de majorité ni au Conseil fédéral, ni au parlement. Et il faut admettre que leur mise en œuvre, qui devrait être coordonnée et crédible, constitue un défi autrement plus complexe que l’imposition de simples prescriptions techniques. Cependant, il faudra bien affronter ce défi, si nous voulons un jour remplir nos engagements internes et internationaux en matière climatique et, en particulier, appliquer correctement l’accord de Paris sur le climat. La transition vers une mobilité durable ne constitue pas seulement un changement technique. Elle doit s’inscrire dans un nouveau projet, transversal et commun, de société.

[1] Toujours par rapport à la référence de 1990.

[2] Il faut savoir que ces objectifs sont des valeurs normalisées, mesurées en banc d’essai, qui ne reflètent pas les émissions réelles, lors de l’usage du véhicule. Or l’écart entre les estimations d’émissions normalisées et celles en usage peut être considérable, de l’ordre de 40 %…

[3] La même année, la moyenne des émissions des nouvelles voitures immatriculées en Europe était de 132 g de CO2/km.

[4] https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-65066.html

[5] Manifestement, les sanctions financières prévues lors du non-respect de ces objectifs ne sont pas assez élevées pour que les importateurs fassent plus d’efforts. Par ailleurs, il faut savoir que les améliorations en termes d’efficience des moteurs sont en partie annulées par le poids croissant des véhicules vendus.

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