Les pieds sur Terre

Numérique et tempêtes solaires, un cocktail explosif!

Parker solar probe transitting the sun.

Nos sociétés ultra connectées seraient-elles de plus en plus des colosses aux pieds d’argile? Notre dépendance à la production électrique et aux cyber-technologies est évidemment sans précédent dans l’histoire humaine, ce qui nous rend très vulnérables.* Voilà pourquoi nous avons besoin de la climatologie spatiale et des prévisons météorologiques interplanétaires.

 Eruptions solaires: un phénomène à surveiller

Mal connues du grand public, les éruptions solaires sont des éjections plus ou moins violentes de matière provenant de la couronne solaire, qui s’élèvent à des milliers de kilomètres en altitude et produisent soit des vents solaires soit des tempêtes solaires.

La Terre est entourée de la magnétosphère, sorte de bouclier magnétique, qui la protège généralement du flux des vents solaires, bien connus des astronomes. Ce sont eux qui génèrent les admirables aurores boréales et australes.

Les tempêtes solaires

Plus rares que les vents solaires heureusement mais d’une extrême puissance, elles éjectent des milliards de tonnes de particules énergétiques dans l’espace. Moins rapides, elles mettent de quelques heures à quelques jours pour atteindre la Terre, si celle-ci se trouve sur leur trajectoire au moment de l’éruption. Ce qui nous laisse peu de temps pour réagir…

Les orages magnétiques

Quand elles entrent en interaction avec la magnétosphère, elles provoquent des orages magnétiques. Ils peuvent être d’une violence telle qu’ils peuvent inverser le champ magnétique de la Terre ou perturber la ionosphère où circulent les ondes radio, pour ne citer que 2 de ces effets possibles dont les conséquences peuvent nous toucher directement.

La fameuse découverte de David Carrington en 1859

Les événements de Carrington (Carrington events), du nom de l’astronome anglais, est un risque très sous-estimé, parfois méconnu du grand public et très souvent des politiques.

Carrington est le premier en effet à avoir observé des taches très importantes, visibles même à l’œil nu, à la surface du soleil. Puis il avait assisté, le 28 août 1859 à un éclair très violent, puis, les jours suivants, d’incroyables aurores polaires avaient illuminé les cieux bien au-delà des pôles: on pouvait lire, dit-on, le journal à Cuba en pleine nuit!

Tous les réseaux de télégraphes avaient sauté, et des télégraphistes avaient été parfois électrocutés. Mais dans l’ensemble, les dommages subis par les sociétés du 19e siècle avaient été très limités et n’avaient pas paralysé les activités humaines. On était encore à l’ère du papier et des moyens mécaniques, ce qui explique pourquoi les conséquences avaient somme toutes été si peu remarquées. On avait surtout admiré la beauté du phénomène …

Technologies: la menace solaire pour nos sociétés connectées

Aujourd’hui il s’agit au contraire d’un risque majeur.

Imaginez un peu: que se passerait-il si des centaines de transformateurs électriques étaient détruits en même temps? Certaines régions très peuplées du globe pourraient être privées d’électricité et vivre une panne totale pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois…

Notre vie est entièrement régie par les technologies avancées.

Toutes nos transactions par carte de crédit, toutes les communications via satellites, les GPS, et même la radio (qui dépend de la ionosphère), tout absolument tout ce qui aujourd’hui contrôle nos données, notre mobilité, nos communications, notre sécurité, pourrait être détruit en quelques heures et cela à l’échelle planétaire.

Cela laisse songeur …

Un précédent récent qui fait réfléchir …

En mars 1989, quelques 6 millions d’habitants du Québec furent totalement privés d’électricité pendant 9 heures: l’effondrement du système se produisit en moins de …90 secondes! Et les dégâts coûtèrent 2 milliards de dollars.

Sachant que nous sommes entrés en décembre 2019 dans le 25e cycle solaire (les cycles durent en moyenne 11 ans) et que leur intensité est variable et inconnue, il est évidemment indispensable d’observer attentivement les éruptions solaires. Ajoutons que les modèles actuels prévoient un pic d’activité solaire entre 2023 et 2026.

Les prévisions de la météorologie spatiale

Aujourd’hui des satellites ont pour mission d’observer cette activité du soleil, mais ils sont encore trop peu performants puisqu’ils offrent une prévision 20 heures maximum seulement avant l’événement, ce qui n’est pas suffisant pour permettre aux Terriens de réagir à la menace.

Une nouvelle culture du cyber-risque solaire

Tous les pays devraient appliquer à ce sujet le principe de précaution car s’il n’est pas certain que nous soyons justement dans la trajectoire d’une grosse tempête solaire, cela n’est pas exclu non plus. (cf.1)

Or le tragique exemple de Fukushima nous démontre que les modèles prévisionnels des risques sont trop souvent insuffisants car ils ne tiennent pas compte des effets dominos ou d’accumulations: un séisme ET un tsunami par exemple, se produisant en même temps au même endroit.

« Gouverner, c’est prévoir; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte» Emile de Girardin. (Fondateur de la Presse et auteur de La politique universelle, 1852)

Nous sommes devenus hyper dépendants de nos production électriques, de nos cartes et puces magnétiques, et de tous nos systèmes inter-connectés. Nous devrions sérieusement réfléchir à la lumière (si j’ose dire.!) des pannes majeures les plus récentes à notre fragilité si nouvelle et si générale.

La NASA, le CNRS et L’ESA (Agence spatiale européenne) ont bien compris l’enjeu de la météorologie spatiale pour nos sociétés et ont développé des outils de calcul et des satellites d’observations pour mieux anticiper ces Carrington Events , et pour permettre de donner l’alerte à temps.

« L’enjeu est de taille pour les transformateurs électriques et le projet expérimental “Solar Shield” dirigé par le Dr Pulkkinen a pour mission d’identifier les transformateurs les plus menacés par chaque éruption solaire. “Il suffit de déconnecter pendant quelques heures tel ou tel transformateur à haut risque pour prévenir des pannes qui peuvent durer plusieurs semaines et plonger dans le noir un continent entier,” souligne le Dr Pulkkinen. » (cf.2)

En conclusion, si nous voulons garder les Pieds sur Terre, protégeons donc notre talon d’Achille car même si le risque est faible, il est bien trop grand pour nos sociétés pour être ignoré ou négligé.

 

Notes et références

1)Un rapport de la NASA datant de 2009 évalue le risque d’occurrence d’un événement Carrington comme une catastrophe planétaire susceptible de durer de plusieurs mois à plusieurs années.

En février 2014, le physicien Pete Riley publie un article intitulé :

« Sur la probabilité d’occurrence d’événements météorologiques spatiaux extrêmes » dans lequel il évoque une probabilité de 12% que la Terre soit frappée d’un Carrington Event dans les 10 prochaines années.

2) https://www.notre-planete.info/actualites/2913-consequences-tempete-solaire-Terre  Article très explicatif du site notre-planète.info (mis à jour 11 juillet 2020)

*Ces derniers mois, nous avons été victimes ou témoins de pannes géantes pendant lesquelles parfois des centaines de milliers de personnes n’ont plus pu ni téléphoner -même aux numéros d’urgence hélas- , ni se connecter, ni accéder à des données sensibles (les hôpitaux par exemple).

Je ne parle pas ici d’attaques de hackers, mais uniquement des pannes dues à des problèmes de maintenance de réseau électriques (réparations, erreurs humaines, etc.) ou d’événements dus à des phénomènes naturels et qui ont touché les infrastructures dont nous dépendons totalement.

 

 

 

 

 

 

 

 

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