Les pieds sur Terre

Imaginations vagabondes et échappées belles

Xavier de Maistre, alors jeune officier, rédigea Voyage autour de ma chambre en 1794 lors d’un confinement de 42 jours dans sa chambre de la citadelle de Turin, puni et assigné à résidence pour s’être battu en duel.

Ce fut un bestseller. (Publié à Lausanne à l’initiative de son frère).

Il avait voulu se distraire -et distraire les autres – en laissant libre cours à son imagination:

« Toutes les fois qu’une pensée agréable, gaie et même un peu folle se présente, je lui ouvre à deux battants toutes les portes de mon imagination, (…), je me jette à corps perdu dans ses bras et je m’en trouve bien. N’est-ce pas elle en effet, qui fait disparaître le temps et la distance, qui réalise le passé et l’avenir pour cacher le présent, ce présent qui nous obsède sans cesse comme un mauvais coucheur ? »*

 Nous aussi, à l’étroit dans nos chambres et dans nos inquiétudes, nous rêvons… pour ne pas cauchemarder. Nous rêvons éveillés, nous redonnons de la place à nos imaginations, nous rappelons nos souvenirs à notre mémoire, nous contemplons chaque fois que nous le pouvons ce qui pourrait nous réconforter. Le chant des merles à lui seul, si printanier, déroule dans nos oreilles ses mélodies inventives et joyeuses. Il contient des visions de jours meilleurs.

Arts et cultures à la rescousse

Depuis le début du confinement qui, selon les pays et les situations peut être plus ou moins difficile ou tragiquement cruel, nous cherchons à repousser les murs, à élargir nos perspectives, et à nous projeter dans le temps et dans l’espace.

Tout ce qui nous vient en aide est bienvenu. Et pour celles et ceux qui ont l’immense chance d’y avoir accès, les arts et les cultures sont là pour nous rassurer et pour nous émerveiller.

Arts et cultures au pluriel, loin des classements et sans frontières, passés et présents, toutes les oeuvres humaines parlent à notre imaginaire et ainsi, accroissent nos univers intérieurs.

Nous devenons créateurs à notre tour, nous partageons nos visions et nos joyeux délires car, selon Nancy Huston, nous appartenons à L’espèce fabulatrice **.

 La création partout, l’humour toujours

Je suis émerveillée ces jours par l’inventivité, la drôlerie, la beauté de toutes les créations qui circulent sur les réseaux sociaux, créations éphémères parfois et si généreusement offertes et partagées.

L’humour est délicieusement subversif, il nous fait reprendre pied, il crée des communautés de rigolade, il se déploie à tout instant, et tel Figaro dans Le Barbier de Séville  se « presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer ».

Ainsi, comme me l’a écrit une amie sous une photo de la Victoire de Samothrace, « la culture ne baisse pas les bras ! »

On se demande avec admiration où les gens vont chercher tout ça, et on reçoit leurs créations avec reconnaissance.

On partage des lectures, des comédiens lisent des textes sur Instagram, des peintres organisent des concours, Le Théâtre de la Ville à Paris offre des « consultations poétiques, les orchestres, quoique disloqués par la distance, nous jouent des airs, ou nous redonnent leurs spectacles.

On admire des machines infernales construites avec des bouts de ficelle, qui ne servent à rien et qui sont de la poésie mécanique en chambre, on relit des récits d’aventures,on récrit des chansons.

Echappons-nous!

Partons au théâtre pour Berlin voir les pièces de la Schaubühne (sous-titrées en français), à l’Opéra de Paris voir des ballets, visitons Versailles, suivons des humoristes, des DJ, bref, échappons-nous!

La bonne nouvelle, c’est que, heureusement, notre imagination est sans limites! Il suffit de la nourrir un peu …

Parfois, avoir la tête dans les nuages, ça permet de garder les Pieds sur Terre , non?

 

https://www.theatredelaville-paris.com/fr

https://pad.philharmoniedeparis.fr/?_ga=2.166323254.928046181.1586696699-97878625.1586696699

https://www.schaubuehne.de/en/seiten/online-spielplan.html ,

https://www.operadeparis.fr/actualites/spectacles-de-lopera-de-paris-a-redecouvrir-en-ligne ,

http://www.chateauversailles.fr/

 

*Saint Pétersbourg, 25 décembre 1840, correspondance

** L’espèce fabulatrice, Nancy Huston, éd. Actes Sud, 2008

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