Les pieds sur Terre

Smartphones dernière génération: nos photos «transnormées» ?

Parmi les dernières innovations sur le marché des smartphones, on peut s’intéresser à l’appareil de photo embarqué. Ce sujet m’interpelle en effet: les caméras de nos téléphones, devenues incroyablement performantes, ont peut-être atteint leur limite en matière de miniaturisation. Pourtant la qualité de nos photos semble ne cesser de s’affiner.

Contrastes, luminosité, colorimétrie et netteté (HDR) étaient déjà automatiquement optimisés par ce que l’on appelle communément le Machine Learning et l’apprentissage par les algorithmes. Jusqu’ici rien de nouveau.

Les innovations

On en est maintenant au stade suivant, celui du Deep Learning (ou apprentissage approfondi) qui permet des hiérarchisations dans cet apprentissage, et s’apparente à l’activité neuronale humaine.

C’est le domaine de l’intelligence artificielle et de ce que l’on appelle la photo computationelle (photo numérique de pointe) qui reconnaît le type d’images prises, c’est l’image processing.

La réalité codifiée: le problème des normes

Ainsi, non seulement nos photos prises depuis nos téléphones continuent-elles d’être  automatiquement modifiées pour une meilleure précision, ce qui est très  appréciable j’en conviens, mais elles seront – dans les derniers modèles- modifiées sur le plan esthétique, et c’est là que cela devient moins plaisant à mes yeux, si c’est automatique.

Par exemple, si le paysage que vous prenez en photo est « atypique » parce que ce jour-là il faisait un peu gris, le processeur se charge de la modifier et la transforme en ce que le Deep Learning aura déterminé comme « idéal » (ciel bleu azur, mer turquoise, etc.) selon un standard de généralisation déterminé par les avis ou les sélections du plus grand nombre des utilisateurs pour ce type de sujet.

Nos photos transnormées ?

Vous obtiendrez la « Photo Parfaite » de plage, ou de montagne, ou bientôt le portrait « amélioré » de votre grand-mère qui ressemblera à une vraie pub pour les grands-mères. Mais sera-t-elle VOTRE grand-mère, ce fameux après-midi –là, avec ses rides du sourire et ses cernes assorties à l’ombre mauve de son pommier sur la terrasse… ?

J’avoue, ça me perturbe et j’en suis arrivée à créer ce néologisme, photos transnormées pour: transformées selon des normes.

Car ces normes sont en quelque sorte le lieu le plus commun, le mainstream (ou courant général) le plus consensuel qui soit en matière de représentation de la réalité visuelle.

Le syndrome « Cartes postales »

Je n’ai aucune envie que mes photos aient toutes ce côté léché , kitsch –parce que redondant- du «beau» des cartes postales. Je les veux aussi proches que possible de ce que j’ai essayé de rendre par ma photo de la plage un peu triste , un peu grise sous le ciel brumeux et si évocatrice pour moi, peut-être ratée pour les autres.

Je ne souhaite pas vivre dans un catalogue de vacances, où l’on va me montrer sans cesse des clichés d’une réalité aseptisée et formatée. Ou en d’autres termes, je ne veux pas être leurrée en permanence.

Une question se pose: à terme, n’allons-nous pas  être en quelque sorte conditionnés à ne plus accepter autre chose de la réalité elle-même que ces «clichés» ?

Ne serons-nous pas déçus si ce que nous voyons « en vrai » ne correspond  pas à cette représentation factice?

La réalité est mutiple, variable, inattendue, perturbante parfois, voire alarmante, ou à l’inverse rassurante, bref, elle ne cesse de nous surprendre. En modifier drastiquement la restitution en fonction de standards, c’est la réduire et l’appauvrir.

Pour la liberté de perception!

On peut donc espérer que ces réglages ne nous seront pas imposés systématiquement et automatiquement et que nous pourrons choisir ou non cette option dans nos smartphones, au gré de notre fantaisie.

Car il y a aussi de la beauté dans ce qui est laid, flou, inattendu, différent, imparfait. Et je réclame le droit imprescriptible à décider moi-même ce que je veux restituer esthétiquement par mes photos.

L’imperfection est souvent bien plus parlante que la perfection, plus évocatrice, plus proche de nos sens. Elle raconte plus d’histoires …

Je garde les pieds sur Terre: les appareils de photos à réglage manuel et les réflex ont encore de beaux jours devant eux pour les passionnés. Bref, gardons l’œil ouvert!

 

 

 

Quitter la version mobile