Afroptimisation

Drame de Morges. Entre incompréhension et indignation.

Un Zurichois de 37 ans, de couleur noire (il est bon de le signaler d’emblée) a été abattu par un policier à Morges le lundi 30 août dernier, sous le regard de ses collègues. Un de plus. Les Morgiens, avaient déjà connu un autre meurtre il y a environ une année, non loin de l’endroit où le Zurichois (noir) a trouvé la mort. Les habitants de cette tranquille ville suisse, située à quelques kilomètres de Lausanne, se posent bien des questions. Je me les pose aussi. Que se passe t-il dans notre chère Suisse (romande) pour que des citoyens noirs y soient souvent abattus par des forces de l’ordre qui, semble -t-il, agissent en légitime défense ?

Commençons par comprendre ce qu’est la légitime défense. Selon une définition généralement admise, « La légitime défense permet de se défendre, de protéger quelqu’un ou un bien, lors d’une attaque immédiate par une personne. Les moyens utilisés lors de cette défense sont interdits dans une autre situation. C’est la justice qui vérifie si la riposte, utilisée pour se défendre, est un cas de légitime défense. »

Sans attendre la décision de notre justice, en laquelle j’ai totale confiance, sur cette affaire dont les tenants et aboutissants sont loin d’être connus, j’ai été particulièrement frappé par la propension et la rapidité avec lesquelles plusieurs personnes se sont positionnées d’office, condamnant par avance le défunt, au prétexte qu’il détenait une arme blanche en se dirigeant vers l’agent de police, sans obtempérer aux ordres de ce dernier qui aurait fait usage d’un tir de sommation avant finalement de l’abattre.

J’ai même entendu quelques autorités plaider déjà pour la légitime défense, alors que l’enquête n’est pas encore terminée. Dans quel pays vit-on ? Sommes-nous en train de perdre nos bonnes vielles valeurs qui ont fait notre réputation à l’étranger ? Je pense notamment à notre légendaire neutralité que nous envient bien des pays. Où alors, celle-ci serait-elle sélective ? À la tête du client ? Les communiqués contradictoires de la police qui ont accompagné cette affaire ne devraient-elles pas nous inciter à la prudence ? Ou tout au moins à la retenue ? au recul ? à la distance ?

Serions-nous en train de perdre la raison au point de rendre justice avant la justice ?

En admettant que la justice conclut à la légitime défense, ce qui est de l’ordre du possible, pour ne pas dire plus, notre société s’en porterait-elle mieux ? Je ne le crois pas. Il existe un malheureux problème d’égalité de traitement entre les citoyens de ce pays. On peut être blanc et suisse, jaune et suisse, noir et suisse, mais notre dénominateur commun est le fait d’appartenir, tous, à ce pays. Qu’on le veuille ou non, à l’ère de la mondialisation et des libertés de toutes sortes, notre pays ne trouvera son salut que s’il est uni. Il ne sera plus fort que s’il est représenté par tous ses citoyens.

Je rappelle souvent à ceux qui veulent bien l’entendre que la seule victoire de la Suisse à l’échelle mondiale dans un sport collectif est celle de ses enfants issus de toutes les origines. Vous vous en souvenez ? C’était en Afrique, au Nigéria, en 2009. La Suisse sur le toit du monde, dignement représentée par des athlètes originaires de Lausanne, de Bâle, des Balkans, d’Italie, et même d’Afrique. Quelle belle image. C’est cette image gagnante que certains extrémistes essaient de bafouer. Un parti comme l’UDC, par exemple, fait honte à la Suisse. Ses positions dogmatiques, teintées de haine et de mépris n’honorent pas notre pays. Tenez, en parlant de mépris, j’ai lu avec beaucoup d’amusement l’article de son vice-président vaudois, paru sur son blog. À mes yeux, son torchon est pour le moins insultant pour les citoyens de ce pays et pour le militant des droits humains que je suis. En effet, le VP de l’UDC Vaud y manifeste sans détour son mépris profond à l’égard :

  1. Des manifestants de Morges
  2. De la conseillère communale verte Mathilde Marendaz
  3. De la juriste d’Unia et ancienne conseillère communale socialiste (qu’il ne nomme pas «en l’absence de fonction politique actuelle») l
  4. Des personnalités publiques (politiques et médiatiques), lorsque « celles-ci exploitent les drames qui ont eu lieu aux Etats-Unis pour justifier leurs actions politiques »

Puant. Nauséabond. No comment. Mon parti, (le PSV), n’a pas besoin de surfer sur le malheur des autres pour exister. Jusqu’à preuve du contraire, la liberté de manifester est un droit fondamental que la constitution suisse accorde à ses citoyens.

Pour en revenir à l’affaire proprement dite, les obsèques du défunt ont eu lieu ce weekend dans la plus grande dignité. Paix à son âme. Sa famille n’a pas souhaité s’exprimer pour l’instant. Plusieurs proches de la famille ainsi que des militants associatifs étaient présents. La colère et l’incompréhension étaient lisibles sur les visages des uns et des autres. À la justice de faire son travail et de situer les responsabilités. Selon le procureur général chargé de l’enquête, « l’impartialité de l’enquête sera garantie, malgré le fait que des policiers enquêtent sur des policiers ». On attend de voir.

De ma position de Président de la Commission sociale du Parti socialiste vaudois, je milite en faveur de plus de justice sociale dans ce pays, et dans mon canton plus particulièrement. Je ne méprise pas mes opposants, et encore moins mes contradicteurs. J’ai du respect pour eux. Je suis prêt à les entendre et à respecter leurs droits, y compris celui de manifester.

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