Afroptimisation

Élections américaines et dérapages verbaux sur l’Afrique : Un peu de retenue please, Mister Donald Trump et Monsieur Charles Juillard

Dans l’attente des résultats définitifs des élections américaines, quelques voix s’élèvent deci delà pour fustiger l’attitude de Donald Trump qui a déclaré sa victoire avant même la proclamation des résultats. Suffisant pour s’attirer les foudres des partisans de Joe Biden et plus largement de la démocratie. Connu pour son langage très peu fleuri et son arrogance vis-à-vis des « petites » nations, africaines notamment, Donald Trump semble avoir fait des émules, y compris en Suisse.

En janvier 2018, Donald Trump entamait une discussion avec des sénateurs républicains et démocrates afin de limiter l’immigration aux USA, notamment en activant des mécanismes de limitation du regroupement familial et d’accès à la loterie pour la fameuse Green Card (carte de résident permanent).

On se souvient que lors de la campagne électorale de 2016, il avait promis d’ériger un mur entre les États-Unis et le Mexique pour juguler le flux d’immigrants illégaux vers les États-Unis. Pour convaincre les sénateurs de sa bonne foi, il n’a pas hésité à promettre de mettre fin à l’expulsion de plusieurs dizaines de milliers de jeunes immigrants, toutes origines confondues, vivant depuis leur tendre enfance aux États-Unis. Cette manœuvre machiavélique n’était que la première d’une longue série de provocations, d’insultes et de déclarations grossières visant certains pays, africains notamment, qu’il a qualifié de « pays de merde ». Dans sa rencontre avec les sénateurs dont Donald Trump voulait obtenir le soutien pour mettre un frein à l’immigration, il leur posait cette question : « Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de ces pays de merde viennent ici ? »

Selon plusieurs sources anonymes du Washington Post, Donald Trump aurait dit en anglais « Why are we having all these people from shithole countries come here ? ». Puants comme propos.

Les Africains étaient particulièrement visés par ces déclarations irrespectueuses de Donald Trump, même si d’autres pays caribéens étaient également ciblés. Ce langage ordurier et indigne d’un chef d’état n’est que le reflet de la condescendance de Donald Trump à l’égard de pays qu’il considère comme arriérés, selon sa lecture biaisée des situations, démontrant ainsi au monde entier sa très grande ignorance pour ne pas dire sa malhonnêteté intellectuelle. D’ailleurs, l’Union africaine (UA) a fermement condamné ses propos. Après ses sulfureuses sorties en 2018, Donald Trump récidive en 2020. En effet, son ancien avocat, Michael Cohen a, dans ses mémoires publiées le 8 septembre dernier, fait des révélations fracassantes en accusant Donald Trump de propos racistes à l’égard de plusieurs dirigeants noirs, et non des moindres, puisqu’il s’agit de Barack Obama et surtout de Nelson Mandela. Si l’on sait ce que représente ce dernier aux yeux des Africains, Donald Trump a franchi ce que beaucoup d’Africains qualifient de ligne rouge. Dans ses mémoires, l’ancien avocat, cité par Le Washington Post, raconte comment Donald Trump raille l’icône africaine en disant qu’il “n’est pas un vrai leader”.

Si les dérapages verbaux de Donald Trump sont désormais connus et condamnés de presque tous, il n’est pas cependant pas la seule personnalité occidentale à s’en prendre injustement aux Africains.

Dans le sillage des élections américaines, j’ai été assez choqué par les propos de M. Charles Juillard, vice-président du parti démocrate chrétien suisse qui déclarait avant-hier (mercredi 4 novembre 2020) à Keystone ATS que l’attitude de Donald Trump consistant à se déclarer vainqueur de l’élection présidentielle avant la proclamation des résultats « ressemble à des attitudes autocratiques dans certains pays d’Afrique.» M. Charles Juillard affirmait également que «Crier victoire avant les résultats est symptomatique et révélateur de la personnalité de M. Donald Trump ».

Si je partage cette dernière déclaration de M. Charles Juillard, je reste néanmoins pantois face à l’association entre la personnalité de Donald Trump et certains pays d’Afrique.

C’est insultant à double titre pour les Afro-descendants et pour les défenseurs des droits humains en général.

  1. S’il existe bien des autocraties en Afrique, je crois qu’il en existe également sur les autres continents. L’Asie est-elle plus respectueuse de la démocratie que l’Afrique ? Que dire de l’Amérique latine ? L’Europe elle-même, est elle exempte de tout reproche dans ce domaine ? Et les États-Unis sous Donald Trump ? C’est injuste de stigmatiser l’Afrique de la sorte
  2. Autant les États-Unis que la Suisse ont été fortement critiqués dans des rapports onusiens à cause de leurs violations des droits de leurs minorités d’origine africaine. Les manifestations du mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis sont là pour nous le rappeler. Quant à la Suisse, de l’aveu même d’un rapport, réalisé en 2018 par la Commission fédérale contre le racisme (CFR), le racisme anti-noir est bien une réalité dans le pays.

Partant de ces constats, était-ce nécessaire d’avoir cette attitude méprisante vis-à-vis des Africains ?

Cette déclaration, venant de la part du vice-président d’un parti qui siège au gouvernement suisse, est pour le moins maladroite et n’honore pas la Suisse. J’ose espérer que M. Charles Juillard, sinon le parti qu’il représente, en l’occurrence le PDC, clarifiera sa position en retirant ces propos qui portent à polémique. Quant au pronostic de M. Charles Juillard, à savoir que Donald Trump remportera l’élection, l’évolution des votes semble indiquer que M. Charles Juillard se trompe d’analyse. Encore une autre maladresse.

Dans son ensemble, l’Afrique de 2020 est en nette progression dans tous les domaines, y compris dans celui de la consolidation de ses systèmes démocratiques. Sans nier les manquements qu’il peut y avoir dans certains pays, il serait plus sage d’accompagner la jeunesse africaine dans son apprentissage de la démocratie pour le bien du continent et de ses partenaires internationaux, dont les USA et même la Suisse. Les États africains sont pour la plupart très jeunes et ne sont confrontés aux processus démocratiques que depuis le début des années 1990. Au contraire des Etats-Unis dont, nous dit-on, la démocratie est vieille de 240 ans et celle de la Suisse de plus de 700 ans. Donc, MESSIEURS, un peu d’indulgence, de retenue et surtout de RESPECT envers l’Afrique. PLEASE.

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