Afroptimisation

COVID-19 : L’Afrique doit elle se déconfiner de la même manière que les autres ?

Alors que plusieurs pays européens se sont lancés en ordre dispersé depuis le 4 mai dans une procédure d’assouplissement du confinement pour relancer leurs économies, tout en essayant de limiter le nombre de leurs morts qui dépasse désormais la barre des 170 000, l’Afrique, elle aussi, a commencé à procéder à un allègement des mesures de confinement de sa population. D’autant plus qu’elle est moins durement frappée par la pandémie, avec quelques 3030 décès officiellement recensés. Mais les réalités africaines sont différentes de celles des autres continents, et les méthodes de sortie du confinement également.

Les travailleurs des pays européens ont la chance de pouvoir compter partiellement sur des mécanismes conventionnels de protection sociale et sur certains dispositifs de stabilisation des revenus, mis en place par leurs gouvernements, ce qui n’est de loin pas le cas des pays africains où la situation est beaucoup plus préoccupante à cause du grand nombre de personnes actives dans le secteur informel.

A cause de ce dernier, communément appelé marché noir en Afrique, il est donc très difficile d’évaluer avec précision l’impact économique de la pandémie de Covid-19 sur les Africains. Ce qui est certain, c’est que les mesures actuellement mises en œuvre dans un grand nombre de pays africains pour empêcher la propagation de la maladie (distanciation sociale, fermeture des marchés, confinement, interdiction des rassemblements, instauration de couvre-feux, fermeture des frontières, etc.) ont des incidences profondes sur les marchés du travail et, à travers elles, sur les conditions de vie des ménages. En général, ces travailleurs « au noir » sont des commerçants, des artisans, des couturiers, des ferrailleurs, des mécaniciens, des plombiers, des maçons, des chauffeurs de taxis, entre autres petits métiers. Sans formation précise, ces métiers représentent une véritable bouée de sauvetage pour bien des familles vivant dans la précarité.

Pour éviter de plonger leurs pays dans un chaos économique qui serait dramatique pour leurs populations, plusieurs pays africains ont déjà commencé à assouplir les interdictions. Cependant, ce qui fonctionne ailleurs, n’est pas nécessairement reproductible sur le sol africain, pour les raisons suivantes.

Premièrement, la structure démographique du continent est très singulière. Elle est bien différente de celle des autres continents dans le sens où l’âge médian du 1,3 milliard d’Africains est de 19,7 ans. En comparaison, celui de la Chine est de 38,4 ans, alors que celui de l’Europe est plus de 2 fois plus élevé que celui de l’Afrique, soit 43,1.ans. Le bilan provisoire du nombre de morts du COVID-19 a démontré que les personnes de plus de 60 ans, et celles ayant des problèmes de santé importants, sont les plus vulnérables et susceptibles de subir de graves complications. Ce constat a été fait notamment en Asie et en Europe. Cependant, la jeunesse de la population africaine ne saurait être un rempart indestructible contre la pandémie, car le virus évolue et on n’en contrôle pas encore toutes les manifestations.

Deuxièmement, la population africaine connaît toujours une forte prévalence du taux de malnutrition, d’anémie, de paludisme, de sida, de diabète, d’hypertension et de tuberculose. Ces maladies ne protègeront pas forcément les jeunes Africains du COVID-19.  

Troisièmement, de par leur histoire, les Africains ont plus facilement tendance à se regrouper en grand nombre que la plupart des ressortissants des autres régions du monde. La culture africaine d’hospitalité et de convivialité est très souvent prétexte à de des rassemblements, d’où la difficulté d’observer strictement les mesures de distanciation sociale.

Ces 3 principales raisons font que le déconfinement en Afrique se fera d’une manière très différente de l’Europe afin de préserver des vies et de permettre au secteur informel de continuer avec, très souvent, la bénédiction des pouvoirs publics. Ceux-ci d’ailleurs ont toutes les peines du monde à faire observer à leurs populations les mesures de distanciation sociale et physique, pour la simple raison que les habitudes ne se perdent pas du jour au lendemain, sans oublier les impératifs économiques évoqués plus haut.

En Afrique, le déconfinement doit se faire par étapes, comme partout ailleurs, mais en continuant à sensibiliser les populations à travers des messages très clairs et réguliers, favorisant un confinement ciblé et adapté aux réalités locales. L’approche préventive qui a permis à l’Afrique de limiter la propagation du virus jusqu’à maintenant doit continuer afin d’éviter cette fameuse 2ème vague tant redoutée, alors que l’Afrique n’a pas encore connu le pic de la pandémie.

Cette approche permettra à l’économie informelle de tourner dans un continent où la majorité de la population vit avec moins de deux dollars par jour, en sachant que selon l’OIT (Organisation internationale du travail), en Afrique, 85,8 pour cent des emplois sont informels. Avec de tels chiffres, il est très difficile de demander aux populations africaines de rester chez elles, au risque de paralyser les économies. La prévention, par la sensibilisation continue, reste le meilleur moyen de procéder à un déconfinement responsable et efficace. En attendant qu’un vaccin ou autre remède puisse être disponible sur le marché. La bonne nouvelle, dans cet océan de catastrophes humaines, est que l’Afrique continue, tant bien que mal, à être le continent le moins touché par la pandémie. Pourvu que ça dure.

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