Afroptimisation

Vaccin contre le Covid-19: non, l’Afrique n’est pas un laboratoire à tests

Didier Drogba, star ivoirienne du football

Quand deux “scientifiques” français échangent sur la possibilité d’expérimenter en Afrique un vaccin contre le COVID-19, les Africains expriment leur colère et dénoncent ce qui serait un complot contre les populations vulnérables d’Afrique. Depuis cet échange sur une chaîne de TV française le 1er avril dernier, la tension semble être légèrement tombée, mais la vigilance et la méfiance restent de rigueur sur le continent.

J’ai regardé le 3 avril dernier l’échange entre M. Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm à Lille, et M. Jean-Paul Mira, chef de service de médecine intensive et réanimation à l’hôpital Cochin. Le moins que je puisse dire est que j’en étais complètement renversé, non pas de colère, mais d’incompréhension. Je me demandais : Mais pourquoi ces « spécialistes » tiennent-ils absolument à intuber les Africains ? Leur démarche est-elle réellement scientifique ou répondait-elle à d’autres motivations ? Comment, en 2020, peut-on encore prendre les Africains pour les éternels dindons d’une farce médico-impérialiste de très mauvais goût ? En effet, je pense que tout a des limites. L’heure est grave, elle n’est pas à la plaisanterie, en tous cas pas sur le dos des Africains. Pour ceux qui n’ont pas suivi l’échange entre les 2 « experts » français, voici un condensé de leurs échanges :

Jean-Paul Mira : “Si je peux être provocateur, est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitement, pas de réanimation, un peu comme c’est fait d’ailleurs sur certaines études avec le sida, ou chez les prostituées : on essaie des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées. Qu’est-ce que vous en pensez ?”

Camille Locht : “Vous avez raison. D’ailleurs, on est en train de réfléchir en parallèle à une étude en Afrique avec le même type d’approches. 

PROVOCATION. Le mot est lâché. Et il traduit une certaine vision qu’ont certains grands penseurs Occidentaux de l’Afrique d’aujourd’hui. Celle d’hier, avec tout ce qu’elle a subi comme horreurs, n’a pas encore pansé toutes ses plaies, et voilà que ses descendants continuent de subir les rodomontades de soi-disant spécialistes en mal de reconnaissance internationale et obnubilés par les effets d’annonces. On nous fait croire que la vie d’un Africain est moins dommage que celle d’un Occidental. Ben voyons. C’est abominablement puant. L’imbécilité n’a décidément pas de limites. Les Africains l’ont heureusement compris. Pour une fois, ils se sont mis d’accord (ça n’a pas toujours été le cas, malheureusement) et ont décidé de déjouer ce complot contre leurs populations. Du Nord au Sud du continent des voix se sont élevées pour exprimer leur indignation. Le Club des avocats au Maroc a annoncé sur sa page Facebook son intention de “porter plainte pour diffamation raciale”.

Le mercredi 8 avril, le président du Sénégal Macky Sall déclarait que «L’Afrique, berceau de l’humanité et terre de vieille civilisation, n’est pas un no man’s land. Elle ne saurait, non plus, s’offrir comme terre de cobayes. » Un autre indigné : “L’Afrique n’est pas un laboratoire”, a lancé la star ivoirienne du football Didier Drogba en dénonçant des “propos graves, racistes et méprisants”. D’autres célébrités africaines ont abondé dans le même sens. Les médias africains ont également dénoncé ce mépris pour les Africains. Sentant que l’affaire risquait de ternir dangereusement son image, et donc ses intérêts, disons-le économiques, la France, à travers son ministère français des Affaires étrangères a déclaré que de tels propos “ne reflétaient pas la position des autorités françaises”. N’empêche, le mal était déjà fait. Les Africains, de l’intérieur comme de l’extérieur, ont réagi comme un seul homme.

Les propos tenus sont “à la fois injurieux et discriminatoires, et caractérisent deux délits à caractère racial”, estime M’jid El Guerrab, député (ex-LREM) des Français du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, membre du groupe Libertés et Territoires, dans un communiqué, où il a annoncé samedi 4 avril qu’il saisirait le procureur de Paris.

Venons-en au vaccin en question. Il s’agirait du bon vieux BCG, bien connu des Africains, puisqu’utilisé contre la tuberculose depuis plusieurs dizaines d’années. Cette parade du BCG, qui n’est rien d’autre qu’une supercherie, n’aura pas suffi à éteindre la colère des Africains. Ils refusent que des soi-disant “spécialistes” occidentaux  leur administrent un quelconque vaccin par les temps qui courent. Les excuses de Mira, présentées le 3 avril dernier, n’y feront rien. Comparer l’Afrique à des « prostituées sur qui il faut essayer des choses, en l’occurrence le BCG, en raison de leur forte exposition aux maladies », en dit long sur l’amoralité de M. Mira.

Les Africains de tous bords (hommes politiques, organisations de la société civile, simples citoyens et leaders d’opinion) continuent de marquer leur indignation. Pendant ce temps le COVID-19 continue de faire des ravages en Europe, avec plus de 60 000 morts. Outre Atlantique, on dénombre pas moins de 16 500 victimes. Dans le monde on en est à plus de 96 000 morts, bilan qui est appelé à évoluer inévitablement.

En Afrique, le bilan est moins catastrophique (550 décès) et les stratégies des gouvernements semblent gagnantes pour l’instant. Jusqu’à aujourd’hui, 52 des 54 pays que compte le continent sont touchés. Seuls les Comores et le Lésotho sont officiellement épargnés de toute contamination. Espérons que la situation soit contenue le plus rapidement possible et que les marchands d’illusions soient tenus loin de l’Afrique qui ne les intéresse que pour des raisons mercantilistes.

Comme je le répète dans toutes les langues depuis quelques temps, Stay safe, Soyez prudents, Cuidate, Tenha cuidado, Pass auf dich auf, كن حذرا للغاية

Rendez-vous le vendredi 24 avril prochain pour un nouvel Afroptimisation

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