Le grain de sable

Le système de santé n’est pas un marché

« Le système de santé français est au bord du précipice » titrait en première page le Temps du vendredi 6 janvier 2023. On avait envie d’ajouter une question : « Et le nôtre de système de santé, où en est-il ?»

Il ne s’agit pas de faire du catastrophisme, ni de jeter la pierre à qui que ce soit, mais d’essayer de poser calmement les données du problème : pendant toute la pandémie, le leitmotiv a été la nécessité d’éviter la surcharge des hôpitaux : une technique, pas une médecine !

On apprend depuis quelques semaines que les hôpitaux cantonaux sont actuellement surchargés à cause des bronchiolites des bébés, anormalement nombreuses, des piques de grippes (comme chaque année), de cas de covid ( ?)  et que ces hôpitaux craignent, dans les cantons alpins – et en Valais notamment – la surcharge due aux accidents de ski (cause qui se produit d’ailleurs également chaque année).

C’est un manque de personnel soignant, médecins et non-médecins, qui serait une des raisons de la surcharge hospitalière, un manque qui se fait cruellement sentir depuis des années mais a encore été accentué par la pandémie.

Ce serait notamment à cause de ce manque de personnel que des centaines de lits ont été supprimés.

Mais on doit aussi dire que, comme en France, des lits sont supprimés parce que la politique tend à favoriser la médecine ambulatoire et que les hôpitaux doivent être rentables.

Ajoutons à cette cause économico-scientifique, comme en France, un système de tarification – chez nous, Tarmed – qui non seulement déshumanise la médecine mais conduit à un sous-paiement des actes médicaux, ce qui pourrait expliquer, indépendamment des questions d’horaires et d’une nouvelle conception de l’engagement professionnel, le manque de médecins et de personnel soignant.

Il faut bien le dire, chez nous aussi, le système de santé est en crise

Une des causes réside dans l’assimilation de tout ce qui concerne la santé – il serait plus correct de parler de la maladie, donc aussi de la guérison, car la santé, elle, ne coûte rien – à un simple marché dont les règles obéissent à des principe mathématiques et économiques.

L’ennui, c’est que tout ce qui touche à la médecine, aux soins, à la maladie, physique ou psychique, concerne d’abord l’être humain, soit des millions d’êtres dont chacun est unique. Il y a bien une construction de base identique, mais chaque être humain a sa spécificité. Les règles mathématiques uniformes applicables au marché, à l’économie et à la technique de la « bonne gouvernance » ou, pour faire sérieux, en anglais, au « new public management » ne jouent pas. L’humain n’est pas numérisable, quoi qu’en pensent certains scientifiques.

Réhumaniser la politique de la santé en la soustrayant à la notion de marché

Le coût des soins et de la maladie – ce que recouvre la notion de « politique de la santé – comporte une fraction d’impondérables, cause d’un renchérissement. La prise en considération de ces impondérables assure peut-être le degré de souplesse, d’efficacité et de succès d’une politique de la santé capable de  rendre aux médecins et aux soignants de toutes catégories un enthousiasme actuellement souvent en berne. Ces impondérables, le marché les déteste, les financiers aussi. Mais le monde de la maladie (de la santé) n’est pas un marché. La guérison puis l’excellence d’un système de santé pourraient bien dépendre de cette prise de conscience.

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