Le grain de sable

Mise au point après un article mal compris

Certaines personnes auraient reproché au Temps d’avoir admis sur un blog mon texte intitulé « Y a-t-il un droit à l’avortement ? » où auraient été écrites des choses fausses par rapport au droit suisse  (qui n’était au demeurant pas l’objet de cette réflexion concentrée sur l’aspect éthique du problème) ; je tiens donc à apporter quelques précisions au sujet du droit suisse afin d’éviter tout malentendu.

Le code pénal suisse actuel

A aucun moment le code pénal suisse actuel n’utilise le terme « avortement ». Il ne traite, aux art. 118, 119, 120, que de “l’interruption de grossesse” et met en titre marginal des articles 118 et 119, sièges de la matière, les termes suivants :                  « Interruption de grossesse punissable » et « interruption de grossesse non punissable».

Liberté de la femme “d’interrompre ou de faire interrompre sa grossesse pendant les 12 semaines suivant les dernières règles”

C’est à l’art.  118 al. 3, intitulé « Interruption de grossesse punissable », que l’on trouve le passage suivant : « La femme qui interrompt sa grossesse, la fait interrompre ou participe à l’interruption d’une quelconque façon après la douzième semaine suivant le début des dernières règles, sans que les conditions fixées à l’art. 119, al.  1er soient remplies, sera punie etc… ». C’est ce passage qui consacre la pleine liberté de la femme d’interrompre une grossesse pendant les 12 semaines suivant le début des dernières règles.

La formulation du code recourt à une tournure sémantique qui tient compte de la charge éthique de la notion d’avortement.

Du 1er janvier 1942, date de l’entrée en vigueur du premier code pénal suisse, au 1er octobre 2002, date de l’entrée en vigueur des articles actuels susmentionnés concernant l’interruption de grossesse, le code pénal suisse distinguait d’une part     « l’avortement » (non défini) « commis par la mère », puni de l’emprisonnement (art. 118)  et “l’avortement” (non défini) “commis par un tiers” , puni de la réclusion (art. 119), et d’autre part « l’interruption non punissable de la grossesse », soumise à des conditions très strictes (art. 120), avec, d’ailleurs, la précision  que, dans ce cas, « il n’y a pas avortement au sens du présent code ».

On mesure bien dans la terminologie choisie, la charge éthique de la notion d’avortement.

La charge éthique du mot « avortement » est également respectée dans le droit actuel où le terme “avortement” a totalement disparu du code et où le législateur ne parle plus que “d’interruption de grossesse”, montrant par là d’ailleurs que sa vraie préoccupation est l’aide à  la détresse éventuelle de la mère.

On peut reprocher au législateur d’avoir atténué la réalité médico-juridique de l’avortement en évitant le terme même et en recourant à une formulation concentrée sur la grossesse, soit sur la mère. Mais on peut affirmer aussi qu’en laissant toute liberté à la mère d’interrompre sa grossesse pendant les douze semaines qui suivent les dernières règles puis en posant certaines conditions à cette interruption après ce délai, le législateur a évité de reconnaître un pur et simple « droit à l’avortement ».

La question éthique du « droit à l’avortement » vaut donc d’être posée avant qu’elle soit peut-être ignorée.

 

 

 

 

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