Peut-être vous en souvenez-vous, c’était au millénaire précédent : interpellé sur l’activité judiciaire des membres du Tribunal fédéral, un juge suisse- allemand avait répondu, avec un savoureux accent : « c’est une loterie ».
Voilà l’idée accréditée par l’initiative populaire intitulée « Désignation des juges fédéraux par tirage au sort (initiative pour la justice) » soumise au vote le 28 novembre prochain.
Comme beaucoup de bonnes intentions, celles à la base de cette initiative qui cherche à libérer les juges fédéraux de leurs attaches partisanes, pavent l’enfer. En effet, l’initiative conduit à une politisation intense de l’activité judiciaire, avec, en plus, une atteinte éventuelle à la personnalité des juges. Quatre éléments en sont la preuve :
- Le tirage au sort devrait être effectué par une commission dont les membres seraient nommés par le Conseil fédéral. Cette commission serait donc constituée par la plus haute autorité politique du pays, composée de 7 membres seulement dont les appartenances politiques sont limitées aux plus grands partis. En outre, cela signifierait que le pouvoir judiciaire serait en main de l’exécutif, soit de 7 personnes et non plus d’une élection par le législatif de 246 parlementaires.
- Les membres de cette commission de choix des candidats seraient nommés pour 12 ans, donc leurs couleurs politiques seraient figées pendant ce laps de temps, quand bien même la configuration politique du Conseil fédéral aurait pu changer deux fois.
- L’Assemblée fédérale pourrait révoquer un juge qui « a violé gravement ses devoirs de fonction », ce qui signifie qu’un débat politique public pourrait étudier si des jugements sont rendus en « violation d’un devoir de fonction ». Côté indépendance de la justice, c’est un contrôle qui serait institutionnalisé.
- La même Assemblée fédérale pourrait « révoquer un juge qui a durablement perdu la capacité d’exercer sa fonction ». Merci pour ce débat public concernant l’éventuelle santé psychique ou physique d’une personne ! Côté protection des données, c’est réussi !
Je ne doute pas un instant des bonnes intentions des auteurs de l’initiative et leur démarche pourrait conduire à réfléchir peut-être à la question de la durée des mandats des juges. Mais au stade actuel, l’initiative proposée conduirait à une situation bien pire que le mal qu’elle veut combattre et je ne peux, personnellement, que voter NON