Le grain de sable

Après la défaite

« 7000 bénévoles, 450 comités locaux, les centaines d’ONG, des personnalités de tous bords »

Heidi.news de dimanche dernier nous informe en ces termes de l’importance des forces réunies pour soutenir l’initiative  “pour des entreprises responsables” rejetée par les cantons et acceptée de justesse par le peuple. On relèvera avec un sourire voilé que la Conférence des évêques et l’Eglise protestante de Suisse qui ne sont ni des ONG, ni des comités locaux, ni même des bénévoles, ne sont pas mentionnées par Heidi.news. Peut-être sont-elles incluses dans « des personnalités de tous bords», ce qui serait d’ailleurs assez exact car, lorsque ces institutions prennent des positions, c’est rarement après un débat démocratique de leur base. Elles ne représentent donc pas grand monde mais quelques personnalités. C’est probablement aussi le cas des ONG.

« Pour Karin Keller-Suter, c’est une victoire personnelle »

C’est encore Heidi.news qui l’écrit dimanche, tombant ainsi dans l’erreur classique qui veut que l’on attribue à un membre du Conseil fédéral un succès ou une défaite alors qu’il défend la position du Conseil fédéral et non pas la sienne propre exclusivement. En l’occurrence, la victoire est probablement celle du contre-projet indirect, texte parlementaire qui ne pouvait pas légalement être soumis au vote en même temps que l’initiative constitutionnelle populaire, mais reste soumis au délai référendaire. Le talent de Mme Keller-Suter est d’avoir présenté ce contre-projet très clairement et honnêtement, alors que les adversaires le passaient sous silence ou le vomissaient, notamment en affirmant qu’il ne contient pas de sanction. Une amende de 100’000 frs n’en est-elle pas une ?

« Si le texte avait été adopté, les ONG se préparaient déjà à lancer des procès symboliques »

C’est toujours Heidi-news de dimanche qui nous en informe. Que faut-il comprendre par « des procès symboliques » ? La formule laisse songeur !

La participation a été de 46 %

Il est étonnant que l’engagement de tellement de comités et d’ONG selon ce qui a été relevé plus haut (en fait non pas « les centaines » d’ONG comme l’écrit Heidi.news mais 130, selon le Temps du 30 nov., p. 2) n’ait pas entraîné un raz de marée participatif. Serait-ce la vérification de ce que nous affirmions, à savoir que des ONG et autres ne s’engagent pas en consultant leur base donc représentent plus de poids que de cœurs ou faut-il voir dans cette participation ordinaire l’expression de la saturation liée à un vrai matraquage ? Jamais je n’avais reçu pendant une campagne de vote autant de propagande (in casu pour le OUI) que pour cette votation et le fait que même dans certaines églises on ne pouvait plus penser à autre chose a peut-être incité à l’abstention voire à voter NON.

Haro sur l’exigence de la double majorité du peuple et des cantons

On s’attend aux critiques des perdants à l’égard de cette règle fédéraliste, car il est bien connu que des perdants souhaitent changer une règle chaque fois qu’elle semble leur avoir nui (ex. : suggestion de porter à 9 le nombre des conseillers fédéraux dès qu’un parti estime que le nombre de 7 l’empêche d’obtenir un siège !). Or non seulement la règle de la double majorité n’a que très rarement paralysé la volonté populaire, ainsi que le Temps le relève dans son éditorial de ce 30 novembre, mais elle est une protection de la tyrannie que pourraient exercer les quelques cantons très peuplés. Or les cantons sont, comme tels, chacun dans son ensemble, les éléments constitutifs de la Confédération. Ignorer, en fonction de leur taille, au nom d’une arithmétique égalitariste, les variations de mentalité entre ces entités dont l’histoire, la culture, la vie sociale et économique sont différentes pourrait conduire à de graves tensions nuisibles au  pays. Contrairement à ce qu’écrivait Mme Lisa Mazzone dans un article du Temps, en septembre dernier, intitulé « Modernisons le fédéralisme pour mieux le conserver », nos Confédérés ont réfléchi à deux fois avant d’introduire la règle de la double majorité au sortir de la guerre du Sonderbund. Cette règle invite à persuader plutôt qu’à matraquer. C’est une règle pacifique.

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