Le grain de sable

les Églises et la confusion entre principe et moyens

La Conférence des Évêques de Suisse, L’Église évangélique réformée de Suisse (autrefois Fédération des Églises protestantes de Suisse) recommandent de voter OUI à « l’initiative pour des entreprises responsables » (titre officiel de l’initiative) qu’elles débaptisent et appellent, on ne sait pour quelle raison, « initiative pour des multinationales responsables ». Pourquoi les milieux religieux ne souhaitent-ils pas, comme le dit l’initiative, que toutes les entreprises soient responsables et non pas seulement les multinationales, je ne le comprends pas.

Comme le disent les milieux ecclésiastiques cités ci-dessus, le but de l’initiative est d’assurer que des multinationales respectent les droits de l’homme et l’environnement, y compris à l’étranger. C’est un but auquel chacun se rallie, y compris, de leur propre aveu, le Conseil fédéral et le Parlement.

Seulement voilà, il y a divergence quant au moyen d’atteindre ce but.

L’initiative pose des principes qui devront, si elle est votée, être concrétisés dans une loi que le Conseil fédéral et le Parlement devront élaborer puis voter et qui sera naturellement soumise au délai référendaire, comme toute loi. Délai probable 2 ou 3 ans avant qu’une loi soit applicable, donc l’initiative concrétisée.

Le Conseil fédéral et le Parlement, eux, proposent à ceux qui ne voudraient pas de l’initiative un contre-projet indirect. Il s’agit d’une loi déjà prête qui va dans le sens de l’initiative mais moins loin que cette dernière, certes. Si l’initiative est rejetée, cette loi devra naturellement être soumise au délai référendaire comme toutes les lois votées par le Parlement, ainsi que le dit clairement le fascicule de vote en p. 12. Comme on ne voit guère l’intérêt d’un référendum contre la loi si l’initiative est refusée, la solution, déjà prête, pourrait entrer en vigueur dans 4 ou 5 mois.

Un même but, deux moyens différents

Comme cela résulte autant des propos du Conseil fédéral que des débats parlementaires, initiative et contre-projet indirect poursuivent le même but, mais proposent des moyens différents de l’atteindre. Que la Conférence des Évêques de Suisse et l’Église évangélique protestante de Suisse invitent les fidèles à réfléchir au but poursuivi, c’est éminemment légitime, car le respect de tous les êtres humains et de la nature est de la responsabilité de chacun dans tous les domaines de la vie y compris en économie: c’est un principe chrétien que les Églises sont pleinement compétentes à prêcher. Mais quant à choisir pour y parvenir, plutôt le moyen contenu dans l’initiative que celui du contre-projet, c’est une option exclusivement politique où la compétence ecclésiastique est banalement égale à celle de n’importe quel citoyen. Les milieux ecclésiastiques n’ont aucune autorité particulière sur ce point.

Parce que l’essentiel, la responsabilité personnelle à l’égard des autres et de la nature, est difficile à rappeler et à vivre individuellement chaque jour ces milieux se concentrent sur un accessoire abstrait et lointain qui plait a priori à beaucoup de monde car il s’impose d’abord « aux autres » ?

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