Le grain de sable

Mariage pour tous: les sempiternelles confusions

Le Parlement se penche sur le mariage civil pour tous. Une majorité nette se dessine en faveur de l’acceptation de cette « avancée » sociale, mais un léger flottement subsiste encore au sujet de la procréation médicalement assistée pour les couples de même sexe. Il importe donc d’endormir les bourgeois et notamment les bourgeois PDC qui pourraient avoir encore quelques scrupules. Il s’agit donc de sortir la grosse artillerie des confusions. Le conseiller national PDC Maître, de Genève, s’en charge dans un article du Temps du 3 juin en page « Débats ».

1ère confusion : « Le droit au mariage ne peut… être délié de celui de fonder un famille”

Faux ! Le droit de fonder une famille appartient à tout individu, indépendamment du mariage ; il n’est en effet nullement obligatoire d’être marié pour vivre en ménage commun et avoir des enfants donc constituer une famille. Le mariage est seulement le moyen – de moins en moins efficace peut-être – par lequel le législateur essaye d’assurer à l’enfant la sécurité de la présence durable de son père et de sa mère. C’est parfois la raison pour laquelle des concubins se marient – éventuellement après des années de vie commune – quand la concubine est enceinte.

2e confusion : « Ouvrir le droit au mariage civil amène de facto à l’ouverture des droits qui en découlent, notamment celui d’adopter »

Faux. L’adoption n’est pas un droit des adultes mariés ou non, c’est une protection juridique de l’enfant déjà né. Le mariage ne confère pas plus de “droit à l’adoption » que de « droit à l’enfant ». Si la protection juridique que l’adoption représente pour l’enfant peut lui être accordée par un couple marié, c’est parce que le législateur a jugé que l’enfant adopté – qui a déjà souvent subi un traumatisme du fait de sa famille naturelle – doit au moins retrouver une famille présumée stable à cause du mariage (ce qui n’est d’ailleurs plus le cas avec le nouveau droit de l’adoption). En outre, comme l’adoption que nous pratiquons en Suisse doit faire croire à l’enfant, dans les actes de l’état civil, qu’il est bien né de l’homme et de la femme qui l’ont adopté, il est clair que nulle personne honnête – et l’Etat moins que tout autre – n’a le droit de faire croire à un enfant qu’il est né de deux femmes ou de deux hommes. Ce mensonge est trop grave. (Il pourrait être corrigé très facilement en modifiant un peu le droit de l’adoption, sans nuire le moins du monde à l’enfant, mais c’est un autre chapitre qui exigerait moins d’égoïsme de la part des adultes).

3e confusion : La procréation par don de sperme pour un couple de lesbiennes exige mariage et intervention médicale

Faux ! Ainsi que le dit très clairement le couple de lesbiennes interviewées en p. 6 du Temps du 3 juin. « Nous sommes allées chez un ami qui habite proche (sic) de la gare de Genève ». [Le donneur de sperme] les y rejoint, <<fait son affaire>> dans une autre pièce et remet aux deux femmes une pipette remplie de sperme.…Le service est gratuit. « Ensuite, c’est artisanal »… « j’ai inséminé ma compagne comme je pouvais. Elle a gardé trente minutes les jambes en l’air, et voilà. ». Il a fallu refaire la même expérience quatre fois, puis la grossesse a pris… « Le bébé est sain. [Le père] respecte l’accord de rester à distance. ».

Conclusion : le bébé est privé de père. La compagne de sa mère n’est pas sa seconde mère «à l’état civil». Elle pourra l’adopter. Seulement – et c’est là que le bât blesse -, si – comme ce fut le cas pour le couple de lesbiennes interrogées par Le Temps – il y a brouille du couple avant l’adoption, seule la vraie mère ayant accouché a un lien officiel avec l’enfant et peut donc le garder en toute légitimité. Elle est même, dans le cas d’espèce, partie à l’étranger avec “son” enfant! 

4e confusion : Seul le mariage permettrait à la compagne de la mère inséminée d’être la 2e mère « officielle », de l’enfant.

Faux ! Il faudrait que le Parlement accepte pour cela d’introduire dans le code civil la disposition suivante, qui est une proposition de minorité : « Si la mère est mariée à une femme au moment de la naissance, son épouse est l’autre parent de l’enfant. »

« Les dispositions concernant le statut juridique du père sont applicables par analogie à l’autre parent ».

Conclusion : On ne saurait dire plus clairement à un enfant qu’on veut être sûre qu’il ne puisse pas avoir de père ! Belle preuve d’amour !

 

 

 

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