Le grain de sable

Le temps de la réflexion

Le matin du 17 mars dernier, le Conseil national aurait dû, parmi d’autres objets, se pencher à nouveau sur l’initiative parlementaire des Verts libéraux concernant le « mariage pour tous ». Un minuscule petit virus en a décidé autrement. L’objet est donc renvoyé à la prochaine session. Puisse ce délai offrir à nos députés nationaux le temps de réfléchir ! Leur réflexion doit porter notamment sur la nécessité ou non de modifier la constitution fédérale pour permettre l’introduction dans la loi, du mariage pour tous.

 Selon l’office fédéral de la justice (avis du droit du 7 juillet 2016), une révision constitutionnelle n’est pas nécessaire

Cet avis s’appuie sur quelques opinions – nullement majoritaires – de juristes. Comme il s’agit d’interprétations et non pas de faits scientifiques purs, on nous pardonnera sans doute d’ouvrir le débat sur un sujet dont le moins que l’on puisse dire est qu’il concerne l’avenir de toute la société.

D’après l’Office fédéral de la justice et quelques autres juristes, quand la constitution fédérale dit, à l’article 14, « Le droit au mariage et à la famille est garanti » (principe existant d’ailleurs déjà dans la constitution de 1874 qui « plaçait le droit au mariage sous la protection de la Confédération »), cela ne ferait référence à aucun genre précis de mariage laissant au législateur, donc au Parlement, le soin de le définir.

Si l’on suit ce raisonnement, le terme de « mariage » dans la constitution actuelle signifierait donc simplement « union » de même – pourquoi pas ? – que dans les expressions courantes : « mariage de la carpe et du lapin », « mariage des couleurs » etc….

Or, au moment du vote de la constitution fédérale actuelle, en décembre 1998, la notion de mariage était celle appliquée par le code civil de 1907, soit l’union d’un homme et d’une femme ; selon l’Office fédéral de la justice toujours, cela correspondait seulement à une définition momentanément à la mode.

Certes, l’adaptation du droit du mariage au principe d’égalité, en 1984, a remplacé systématiquement dans le code civil les termes de « mari » et femme » par celui, épicène, « d’époux ». Mais toute la législation encore actuelle en relation avec le mariage, est construite sur la définition du mariage en tant qu’« union d’un homme et d’une femme ». Cela fait donc au moins 113 ans que le législateur interprète exclusivement le droit au mariage comme le droit d’union entre un homme et une femme. Il y a comme un petit air de précédent !

Même encore en 2000, quand la nouvelle constitution fédérale est entrée en vigueur, il ne serait venu à l’idée de personne que le droit au mariage qu’elle garantissait était le droit à toutes sortes d’union entre personnes, selon le bon vouloir du Parlement.

Que l’on soit bien clair

La mode actuelle est à une définition nouvelle du mariage. Quelques pays y ont déjà adapté leur droit. Certains s’en réjouissent, d’autres le déplorent. Mais on ne saurait à aucun moment soutenir que la notion de droit au mariage contenue dans notre constitution fédérale est une notion indéterminée dont le contenu peut être précisé selon le bon vouloir du Parlement. Si l’on veut donner une définition nouvelle du mariage, dans le sens de « mariage pour tous », donc autre que l’union d’un homme et d’une femme, il faut passer par une révision constitutionnelle et un vote obligatoire du peuple et des cantons. C’est d’ailleurs ce que demande l’initiative des Verts libéraux dont le Parlement devrait discuter, mais ce que l’Office fédéral de la justice déclare inutile.

Puisse le temps de pause imposé par un petit virus être favorable à la réflexion des parlementaires ! A quelque chose au moins, malheur aurait été bon !

 

 

 

Quitter la version mobile