Le Temps du 3 mars (p. 4) rapporte une interview de M. Nils Metzler au sujet de Julian Assange.
A la question du journaliste : « Qu’est-ce qui vous fait dire qu’il (= Julian Assange) est encore journaliste ? », la réponse, résumée et non citée, de M. Metzler aurait été la suivante : « Un journaliste est une personne qui passe des informations importantes au public. C’est le quatrième pouvoir qui a pour but de surveiller le fonctionnement des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et d’informer le public en cas de dysfonctionnements. Cela fait partie du contrôle démocratique ».
Confusion entre un pouvoir au sens démocratique et la liberté de la presse
En démocratie, les trois pouvoirs auxquels M. Metzler fait allusion sont toujours élus, parfois directement par le peuple, parfois au 2e degré, mais jamais les personnes qui l’exercent ne sont des employés de l’Etat ou d’un patron quelconque. Ils sont des magistrats, organes de l’Etat dont ils assurent l’existence même.
Un journaliste n’est pas un organe de l’Etat, il n’est jamais élu, il est parfois indépendant, parfois salarié. Il n’exerce aucun pouvoir au sens institutionnel. Il lui arrive d’être engagé par un groupe de pression, suivant le media (on devrait dire medium) pour lequel il travaille.
Parce que l’on est en démocratie, le journaliste jouit de la liberté de la presse qui lui permet de rendre compte et de rapporter objectivement ce qu’il voit, même quand ce n’est pas favorable au pouvoir en place élu. Le principe de la liberté de la presse doit, en tant que tel, assurer l’information nécessaire aux citoyens pour qu’ils puissent accomplir leur rôle politique propre d’électeurs, voire de participant aux décisions de la gestion de l’Etat en cas de démocratie directe. La liberté de la presse implique la responsabilité du journaliste dans l’exercice de sa profession, mais n’incorpore aucun mandat de surveillance des trois pouvoirs.
Confusion entre liberté de la presse et liberté d’opinion
La liberté de la presse confère aux journalistes la tâche de rendre compte aux citoyens de l’activité et de la conduite des autorités en rapport avec l’exercice de leur pouvoir. La liberté d’opinion permet d’exprimer ce que l’on pense, par exemple, d’une telle conduite ou d’une telle activité, mais cette liberté-là appartient à toute personne et n’est pas réservée aux journalistes dont la responsabilité est précisément de distinguer leur rôle d’informateurs de celui de juges. La confusion entre ces deux rôles risque toujours de favoriser un état d’esprit de grand inquisiteur et de déboucher sur des procès publics violant les droits les plus élémentaires de tout « accusé » à être entendu et présumé innocent jusqu’au jugement judiciaire. C’est alors une vraie menace pour la liberté de chacun.