Le grain de sable

Pourquoi la peur du débat?

Le Conseil national va se saisir très prochainement de la question du mariage pour tous. C’est incontestablement un sujet de société qui n’a aucune base scientifique au sens étroit, mais qui représente au contraire un intérêt sociologique, politique, sociétal important avec des conséquences en matière de filiation, de PMA, sans oublier les très délicates questions financières liées aux rentes AVS, aux problèmes fiscaux etc… Qu’il y ait des avis très divergents dans tous ces domaines est parfaitement légitime.

Or que constatons-nous ? Ainsi que nous l’avons déjà relevé dans un précédent billet (les entourloupes parlementaires, novembre 2019), selon la Commission juridique du Conseil national qui en est l’auteur, le projet mis en délibération n’est qu’un « projet central » (sic) qui renvoie à « des révisions ultérieures » (c’est nous qui avons mis en gras). Cela signifie qu’on étudiera plus tard et séparément « la question de l’élargissement du champ d’application des normes existantes dans les domaines dans lesquels le droit en vigueur opère une distinction en fonction du sexe des époux ou exige …..  l’hétérosexualité des époux (par exemple pour l’accès à la PMA) » (citation du condensé du rapport de la Commission).

 

La peur du débat constitutionnel

Comme nous l’avons aussi déjà relevé dans le billet “l’entourloupe parlementaire”, l’Office fédéral de la justice a recommandé à la Commission de ne pas prévoir une discussion préalable de niveau constitutionnel et d’opter parmi les courants de doctrine (il en cite 4 différents dans son avis de droit, voir ch. 1.2.2.2) celui qui considère que la Constitution actuelle a déjà confié au législateur le soin de décider de la définition du mariage. On oblige ainsi les citoyens à réclamer un éventuel référendum s’ils souhaitent se prononcer au sujet d’un changement sociétal qui bouleverse la notion de mariage telle qu’elle a été vécue depuis plusieurs centaines d’années, avec des conséquences lourdes en ce qui concerne les enfants et leur filiation.

 La peur des débats parlementaires

Selon Heidi.News du 30 janvier, le Conseil fédéral lui-même souhaite qu’on ne parle pas trop du sujet. En effet, je cite Heidi.News, «  pour que la réforme ne s’enlise pas dans de longs débats parlementaires, il propose de régler dans un second temps les aspects plus controversés comme l’accès à la procréation médicalement assistée » (c’est nous qui avons mis un passage en gras).

On rappelle à ce propos qu’en Suisse, le don de sperme n’est autorisé que pour un couple marié au sens du droit actuel et que sont interdits les dons d’ovules et les mères porteuses.

Le Conseil fédéral omet de relever qu’une minorité de la commission recommande déjà que l’on introduise dans le code civil, une disposition nouvelle précisant :

« art 259a nouveau

Si la mère est mariée à une femme au moment de la naissance, son épouse est l’autre parent de l’enfant.

Les dispositions concernant le statut juridique du père sont applicables par analogie à l’autre parent ».

 

La situation est parfaitement claire, sitôt le mariage pour tous accepté, le principe du droit à l’enfant pour les couples de même sexe sera entériné et ce d’autant plus que l’on a déjà mis en vigueur le principe de l’adoption de l’enfant de l’autre partenaire.

Un large débat est nécessaire

Si l’on souhaite encore pouvoir discuter de ces différentes questions touchant en fait plus au droit de l’enfant qu’à celui des adultes, il est indispensable d’ouvrir un très large débat en relation avec le mariage pour tous avant que cette nouveauté soit votée. Le refus d’une minorité de la Commission d’entrer en matière est la seule solution qui permette de reprendre la réflexion au niveau constitutionnel et d’envisager honnêtement les droits des enfants futurs. Y aura-t-il un parti politique capable de les défendre ?

En page 20 de la brochure du Conseil fédéral relative à la votation du 9 février, il est bien précisé « qu’on pourra mener des débats d’opinion, comme actuellement sur le <<mariage pour tous>> par exemple ». On se demande bien pourquoi dès lors, ce débat devrait être rendu aussi court et difficile que possible par les autorités mêmes qui devraient le garantir.

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