Le grain de sable

Lettre ouverte à des femmes normales (s’il en reste encore!)

Chères Amies et Compagnes de souffrance,

Vous arrive-t-il aussi parfois de vous demander si nous sommes des être humains ou des bêtes curieuses ? Depuis des mois, on nous assomme de considérations de tout genre sur notre âge, notre libido, notre souffrance de chaque jour à cause des hommes (mâles, s’il en reste encore!), de la maltraitance dont nous supportons les injustices comme l’agneau pascal (c’est de saison), etc… Des syndicalistes de fortune nous préparent une « grève des femmes », qui sera « joyeuse » (HA ! Ha !) à propos de laquelle elles se sont bien gardées de nous consulter. Des villes débaptisent des rues en notre honneur ; en cette année électorale, les partis politiques se demandent tous comment ils pourraient grappiller nos suffrages : un peu de flatterie, un peu de fausse modestie masculine, un peu de sensualité « prosaïque » censée rendre hommage à notre émancipation !

Nous prend-on réellement pour des idiotes ? Quand nous épargnera-t-on enfin ces innombrables pages – y compris dans Le Temps qui devient bougrement casse-pied sur ce point – qui ne parlent que de nous, mais d’un « nous » qui ne nous concerne pas, nous rabaisse, nous réduit à des statistiques et nous rend aussi fatigantes qu’antipathiques ?

Chères Amies et Compagnes de souffrance,

J’ai envie de vous dire mon amitié et mon admiration, à vous qui êtes capables, chaque jour, de réaliser votre tâche dans la bonne humeur, même quand vous avez une migraine, qui savez rire de vous-mêmes, qui faites sans cesse avancer ce que d’aucuns appellent la « cause des femmes » parce que vous savez prendre de la distance par rapport aux événements, et vous montrer à la hauteur de l’honneur qui est le vôtre d’être des êtres normaux avec lesquels on peut avancer dans la vie. C’est de vous et de votre ténacité, de votre capacité d’organisation, de votre sens de l’humour et de l’honneur que dépend réellement l’avenir des femmes. Merci !

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