Le grain de sable

Y a-t-il peine de mort et peine de mort?

Le tueur de Strasbourg a été appréhendé et tué par la police hier soir, 13 décembre 2018, et la foule a applaudi la police.

Cette situation, parfaitement dans l’ordre des choses puisqu’ on nous dit que le terroriste tenait aussi les policiers en joue (il y avait donc légitime défense), pose cependant la question de la peine de mort. En applaudissant, la foule approuve-t-elle le principe de la peine de mort?

Il est impensable, à tête reposée, dans la quiétude d’un tribunal, de condamner un être humain à mort, quel que soit son forfait. D’abord, on ne peut jamais garantir qu’il ne s’agisse pas d‘une erreur judiciaire. Ensuite, on ne peut jamais exclure qu’un être humain puisse avoir des circonstances atténuantes, ni qu’il s’améliore. Enfin, savoir qu’on est condamné à mort et ignorer quand l’exécution aura lieu, c’est subir un supplice supplémentaire (et je résume très grossièrement quelques arguments contre la peine de mort, arguments que je fais miens). Peut-on d’ailleurs exercer le métier de bourreau, à froid, en toute tranquillité d’âme ?

J’ajoute que, quand la police tue un malfrat quelconque qui la menace ou qui veut lui échapper, elle se fait souvent traiter d’assassin et punir.

Mais quand il s’agit d’un terroriste, la musique est toute différente. Combien d’attentats se soldent ou se sont soldés par la mort des auteurs, tués par la police (quand ils ne se sont pas fait sauter eux-mêmes) ? Et là, aucun chœur des indignés. Et pourtant, peut-être que l’auteur « présumé » n’était pas vraiment libre de ses actes, peut-être qu’il avait été trompé sur les conséquences de l’acte accompli, peut-être aurait-il pu plaider la menace pesant sur lui, bref, invoquer des circonstances atténuantes permettant d’éviter une « condamnation à mort », voire une condamnation tout court, l’acte étant celui d’une personne devant être traitée peut-être, plutôt que punie.

On pourrait certes objecter qu’un terroriste (présumé, car le fait que Daech revendique l’acte ne signifie pas encore que l’auteur soit un terroriste : il jouit aussi de la présomption d’innocence, en théorie du moins) est dangereux même en prison et c’est exact. Le tuer c’est probablement une bonne protection contre d’autres actes dont le but serait, pour ses comparses, de le libérer ou le venger. On pourrait aussi rappeler que, pour un terroriste, mourir est une récompense alors que rester en vie est une sorte d’échec punitif. Mais ce n’est pas à nous de décider de récompenser un terroriste.

En fait, par les lignes ci-dessus, j’aimerais seulement montrer que le débat sur la peine de mort – que d’aucuns voudraient remettre sur le tapis – exige une très grande retenue de ceux qui y participeraient et qu’il est en fait insoluble parce que c’est le pendant de la légitime défense. Pourtant, à froid, hors de tout contexte de guerre, la peine de mort est philosophiquement insupportable. En pleine crise, peut-elle devenir légitime ?

 

Quitter la version mobile