Les non-dits de l'économie

Le renchérissement n’est pas dû à l’inflation

La Banque centrale européenne va encore relever de 50 points de base ses taux d’intérêt directeurs lors de la réunion de son Conseil des gouverneurs le 16 mars prochain.

L’objectif de cette décision est de réduire le taux d’inflation mesuré sur le marché des produits au sein de la zone euro, qui en l’état dépasse largement l’objectif de stabilité des prix sur ce marché – fixé à 2% de renchérissement annuel.

Or, il faut bien distinguer l’inflation du renchérissement des prix à la consommation. L’inflation est un désordre macroéconomique qui s’avère lorsque le système bancaire (composé de la banque centrale et des banques secondaires) émet trop de monnaie par rapport au produit intérieur brut. En résulte alors une dilution du pouvoir d’achat de la monnaie, même si souvent le niveau des prix à la consommation n’augmente pas, étant donné qu’une grande partie de cette somme de monnaie excédentaire est injectée sur les marchés financiers, suite à l’ouverture des lignes de crédit que les banques s’octroient entre elles (sur le marché interbancaire) pour effectuer des transactions essentiellement spéculatives.

Dans l’état actuel des choses, le renchérissement des prix à la consommation n’est pas imputable à l’inflation, mais aux problèmes dont souffrent les entreprises pour satisfaire la demande sur le marché des produits, suite à la pandémie de Covid-19 et à la guerre en Ukraine. Par conséquent, ledit renchérissement n’est pas dû à des perturbations du côté de la demande mais bien de l’offre. Il est, dès lors, aisé de comprendre que le durcissement de la politique monétaire ne saurait réellement réduire l’augmentation des prix à la consommation, mais risque plutôt de l’aggraver dans la mesure où les entreprises qui vont devoir payer des taux d’intérêt plus élevés sur les crédits bancaires dont elles ont besoin pour financer leurs coûts de production en répercuteront la charge sur leurs prix de vente des biens et services.

En réalité, l’augmentation des taux d’intérêt profite uniquement au secteur bancaire, dans la mesure où les banques font payer des taux d’intérêt plus élevés à leurs débiteurs (tandis qu’elles n’augmentent pas de manière proportionnelle les taux d’intérêt qu’elles versent aux déposants). Cela expose toutefois la société à un risque de crise bancaire si un nombre important de débiteurs venait à ne plus parvenir à rembourser leurs dettes – sur le marché hypothécaire comme sur celui des prêts aux petites ou moyennes entreprises.

Lors de la crise financière globale éclatée en 2008, les banques centrales ont été considérées comme les sauveurs du système économique. Aujourd’hui, elles sont en train de nuire à leur propre réputation suivant une trajectoire à la hausse des taux d’intérêt qui ne peut que péjorer la situation et les perspectives sur le plan macroéconomique.

L’économiste américain Paul Samuelson – qui a reçu le «Prix Nobel» d’économie en 1970 – affirma justement que les économistes ont deux yeux: «l’un pour regarder la demande et l’autre l’offre» (sur le marché des produits). Les banquiers centraux, entre autres, devraient dès lors ouvrir leurs deux yeux afin de voir clairement l’ensemble de la réalité économique et prendre des décisions visant l’intérêt général, plutôt que de satisfaire des intérêts particuliers au détriment du bien commun.

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