Les non-dits de l'économie

La crise est le mot-clé de cette année (ou de ce siècle?)

Dans le système économique contemporain, les crises d’ampleur globale se succèdent désormais très rapidement. Ces crises sont endogènes à ce système, c’est-à-dire qu’elles sont toutes générées par les choix économiques des différents acteurs, parmi lesquels les entreprises, les institutions financières et le secteur public, sans oublier les individus dont les choix de consommation influencent le fonctionnement de notre système économique.

Sans remonter trop loin dans l’histoire économique, il suffit de rappeler la crise des prêts hypothécaires «subprime» qui a éclaté aux États-Unis à l’été 2006 et qui s’est rapidement transformée en une crise financière globale après la mise en faillite, le 15 septembre 2008, de la banque d’affaires Lehman Brothers. Les conséquences se sont en outre largement propagées aux économies du Vieux Continent, en particulier celles de la zone euro, après que le gouvernement nouvellement élu en Grèce en novembre 2009 eut annoncé que les comptes publics grecs avaient été truqués (avec l’aide de Goldman Sachs) pour dissimuler une part substantielle de la dette publique grecque en vue de l’adoption de l’euro au lieu de la drachme. La crise financière globale et la crise de l’Euroland sont donc des crises endogènes au système économique car elles sont nées du comportement des acteurs financiers – que les régulateurs ont négligé, voire ignoré, afin de satisfaire les intérêts de court terme des grandes institutions financières au poids politique majeur dans les pays dits «économiquement avancés». Les systèmes économiques de ces pays ont fortement souffert des conséquences négatives de ces crises et ont été affaiblis tant sur le plan structurel que conjoncturel: plusieurs petites et moyennes entreprises y ont fait faillite ou ont dû céder leurs activités par le biais de fusions et d’acquisitions. Cela a augmenté le chômage et par conséquent mis une pression à la baisse sur les salaires pour une partie importante des individus travaillant en Europe, aux États-Unis ou dans d’autres nations faisant partie de l’économie globale.

C’est précisément cette globalisation qui est à l’origine de la crise induite par la pandémie de Covid-19 qui a surgi début 2020 suite à l’annonce par la Chine de la découverte d’un premier cas d’infection au SARS-CoV-2 en novembre 2019 sur un marché d’animaux vivants et de fruits de mer dans la ville de Wuhan. En effet, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que ce nouveau coronavirus se propage dans les nations asiatiques et occidentales, ces pays étant largement interconnectés du fait de la globalisation de l’économie, qui permet de produire (à bas prix) des biens de toutes sortes (industriels et de consommation) dans les pays asiatiques, puis de les exporter dans le reste du monde. À ces flux commerciaux dans l’économie globale s’ajoutent les mouvements de personnes, qu’il s’agisse de travailleurs ou de touristes, qui ont ainsi rapidement véhiculé le virus de la Covid-19 d’une nation à l’autre. Il s’agit donc également dans ce cas d’une crise endogène due à des facteurs économiques, puisqu’elle est née de la volonté de bien des entreprises de réduire leurs coûts de production, même au détriment de la santé humaine ou de la qualité de l’environnement. Le changement climatique (pour ne pas dire le réchauffement de la planète) est en dernière analyse le résultat de ces choix économiques, qui poussent notre planète vers une crise environnementale dévastatrice pour l’ensemble des êtres humains.

Qui plus est, il ne faut pas ignorer que la crise énergétique et la crise alimentaire déclenchées par la guerre en Ukraine sont également de nature endogène au système économique: les tensions au niveau géopolitique découlent de motifs économiques, avec en trame de fond le contrôle des ressources naturelles que les entreprises utilisent pour satisfaire leurs intérêts et les besoins de tous les acteurs économiques au niveau mondial. La nécessité d’une transition écologique est aujourd’hui évidente, en Suisse comme ailleurs, ne serait-ce que pour éviter de dépendre de l’étranger (en particulier de pays problématiques) pour l’approvisionnement en énergie et éventuellement en matières premières, notamment en ce qui concerne les denrées alimentaires destinées à la population.

Comme on le dit souvent, toute crise représente une occasion d’améliorer la vie de toutes les parties qu’elle impacte, même si le nombre de victimes des crises endogènes au système économique est très inquiétant et n’a de cesse d’augmenter. L’année 2023 ne semble pas destinée à être celle du virage dont notre planète a besoin pour satisfaire l’intérêt général, mais l’espoir demeure que la concaténation des crises observées depuis le début du XXIe siècle prenne fin pour le bien commun.

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