Les non-dits de l'économie

Le printemps russe sera long et très froid

Ce printemps a plutôt bien commencé sur le plan météorologique en Suisse, à en juger par le nombre de jours ensoleillés et les températures mesurées dans tout le pays. En attendant les vacances d’été, bien des familles puisent dans leur propre épargne pour prendre quelques jours de congé et se détendre après les souffrances psychologiques endurées depuis plusieurs mois en raison de la pandémie de Covid-19.

Toutefois, ce printemps pourrait également être très froid et durer plus longtemps que d’habitude en raison de la situation créée par l’invasion russe en Ukraine. Outre les souffrances et les problèmes humanitaires de la population ukrainienne, l’Europe dans son ensemble pourrait souffrir en termes économiques en raison de la flambée des prix des matières premières et, par conséquent, de la forte augmentation du niveau des prix à la consommation.

La Suisse sera également touchée par cette hausse importante des prix, bien que dans une moindre mesure en raison de la force du franc suisse sur les marchés des changes et, d’autre part, en raison d’une meilleure situation des finances publiques que dans les autres pays européens. Beaucoup dépendra toutefois de la volonté de l’État d’intervenir pour soutenir, d’une part, les petites et moyennes entreprises et, d’autre part, les consommateurs (qu’ils soient travailleurs ou retraités) dont le revenu ne leur permet pas de mener une vie digne dans leur propre pays.

L’empreinte néolibérale de la Suisse aura du mal à faire augmenter les dépenses publiques comme facteur de soutien et de relance économique. Tant la Confédération que de nombreux Cantons ont déjà exprimé la volonté de rééquilibrer leurs finances publiques au cours des prochaines années, après avoir dû enregistrer d’importants déficits en raison des interventions étatiques nécessaires pour contrer les conséquences de la pandémie.

Pourtant, la pandémie de Covid-19 aurait dû montrer l’importance de l’État et des dépenses publiques pour faire face correctement à une telle pandémie, tant sur le plan sanitaire que sur le plan économique et social. Malheureusement, comme ce fut le cas lors de la crise financière globale éclatée en 2008, la plupart des forces politiques sont incapables de tirer les leçons de l’évidence empirique.

En fait, l’évidence empirique montre clairement qu’une augmentation bien calibrée des dépenses publiques, lorsque l’économie privée se porte mal, peut stimuler et soutenir l’économie dans son ensemble, d’autant plus lorsque l’État met en œuvre des mesures axées sur la demande sur le marché des produits. Comme l’expliquait déjà l’économiste polonais Michał Kalecki en 1971, les entreprises peuvent augmenter leurs profits lorsque le secteur public accroît son déficit, c’est-à-dire lorsque l’État s’endette – soit pour relancer l’économie privée, soit pour contribuer au bien commun dans l’intérêt général.

Si ce printemps est froid en termes socio-économiques, la faute n’en revient donc pas à la météo mais aux gouvernements qui ne veulent pas augmenter les dépenses publiques pour des raisons électorales ou idéologiques.

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