Les non-dits de l'économie

La responsabilité sociale des entreprises: une coquille vide?

La responsabilité sociale des entreprises est une expression que beaucoup trop d’entreprises (en Suisse comme ailleurs) utilisent dans leurs propres rapports annuels, sans néanmoins la traduire dans la réalité des faits, en ce qui concerne tant les relations avec le personnel que l’impact environnemental de leurs propres activités économiques.

Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer le cas de la Suisse, où un nombre croissant d’entreprises qui ont reçu ou qui reçoivent des aides publiques suite à la pandémie de la Covid-19 sont en train de licencier une partie de leur force de travail. Cette vague de licenciements, qui ira en s’amplifiant tout au long de cette année, fait doublement mal au système économique, parce que, d’un côté, elle représente un gaspillage de ressources financières que le secteur public aurait pu mieux dépenser et, d’un autre côté, elle réduira aussi bien les dépenses de consommation que le chiffre d’affaires de l’ensemble des entreprises. Cela ralentira alors davantage le circuit économique, aggravant la situation de bien des personnes qui ne réussiront plus à trouver une place de travail.

Les entreprises devraient être toutes socialement responsables, c’est-à-dire que, dans leur ensemble, elles devraient garantir des emplois correctement rémunérés et avec des contrats à durée indéterminée à toutes celles et tous ceux qui veulent et peuvent travailler, permettant de concilier la vie privée et la vie professionnelle – de surcroît pour les activités qui peuvent être menées à bien par le télétravail.

Le travail à distance, en fait, s’avère être un instrument qu’un nombre croissant d’entreprises utilisent afin d’exploiter davantage la «lutte de classe» entre différentes catégories de travailleurs précaires, élargie désormais à l’ensemble de l’économie globalisée suite à l’éclatement de la pandémie, qui a éloigné physiquement beaucoup de personnes de leur lieu de travail original. En effet, une partie des entreprises en Suisse est en train de délocaliser dans les pays en développement bien des places de travail pour profiter du grand écart salarial existant entre la Suisse et les pays les plus faibles sur le plan économique. Si ce processus va faire augmenter le niveau d’emploi dans les pays en développement, pour une nation comme la Suisse cela ne donnera pas lieu à une augmentation de ses propres exportations vers ces pays, étant donné que leur capacité d’achat sur le plan international ne va pas augmenter au vu de leurs bas niveaux de rémunération salariale.

Les entreprises en Suisse qui veulent être socialement responsables devront donc faire face à cette situation – même si leurs propres profits vont être réduits par la concurrence malsaine sur le plan global – en faisant passer le bien commun devant leurs propres intérêts: en payant des salaires qui permettent à leurs collaboratrices et collaborateurs de mener une vie digne, ces entreprises permettront de concilier l’économie et la santé humaine, qui a été mise à dure épreuve par l’irresponsabilité sociale des soi-disant «entrepreneurs» contemporains qui n’ont rien à voir avec l’entrepreneur mis en lumière par Joseph A. Schumpeter et son idée de «destruction créatrice» impliquant aussi les banques en tant que pourvoyeurs de fonds pour l’innovation et le progrès technique – des activités créatrices d’emplois, bien rémunérés par les entrepreneurs qui veulent ainsi récompenser les efforts de leur personnel et les motiver à faire appel à leur propre esprit critique pour améliorer sans cesse les biens et services qu’ils produisent pour satisfaire de vrais besoins.

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