Les non-dits de l'économie

La BCE pourrait entamer le virage

À la fin du mois passé, la Banque Centrale Européenne (BCE) a annoncé qu’elle allait évaluer sa propre stratégie de politique monétaire, à la lumière des événements observés depuis l’éclatement de la crise financière globale en 2008. Jusque là, la BCE (à l’instar de presque toutes les autres banques centrales au monde) avait focalisé son attention et utilisé les instruments à sa disposition pour assurer la stabilité des prix à la consommation, ignorant la stabilité financière et a fortiori les questions climatiques. Cette attention exclusive à la stabilité des prix à la consommation (erronément assimilée à l’absence d’inflation) a largement contribué à faire enfler des bulles du crédit qui ont fini par éclater suite à la crise des subprime aux États-Unis, donnant lieu à la pire crise financière de l’histoire mondiale.

Douze ans après l’éclatement de la crise financière globale, la BCE reconnaît qu’il est temps de repenser complètement la stratégie de politique monétaire, de telle sorte que les choix de politique monétaire soient adaptés à la situation économique. Dans ce cadre, la BCE entend examiner la définition quantitative de la stabilité des prix, les instruments de politique monétaire, l’analyse économique et monétaire, ainsi que sa stratégie de communication. Dans ces domaines, la BCE intégrera aussi les questions concernant la stabilité financière, l’emploi et le développement durable – à savoir, les trois questions cruciales pour l’intérêt général que la BCE a ignoré jusqu’à présent.

L’évaluation de la stratégie de politique monétaire de la BCE devrait être achevée avant la fin de 2020 et ce processus devrait être guidé par deux principes (selon les propres mots de la BCE), à savoir, «analyse approfondie et ouverture d’esprit». Il sera intéressant de voir si cela s’avère, étant donné que beaucoup d’économistes et de banquiers centraux ne respectent pas ces deux principes en l’état.

Pour s’en rendre compte, il suffit de considérer la conception erronée de la monnaie que bien des économistes et des banquiers centraux ont encore de nos jours, étant donné qu’ils imaginent que seule la banque centrale est à l’origine de l’émission monétaire, tandis que ce sont surtout les banques commerciales qui émettent de la monnaie lorsqu’elles ouvrent des lignes de crédit à partir de rien. Par ailleurs, même la définition de l’inflation en tant qu’augmentation d’un indice des prix quelconque est erronée, car les prix peuvent rester stables (voire baisser) même lorsqu’il y a de l’inflation, qui est essentiellement la perte du pouvoir d’achat de la monnaie.

L’évaluation de la stratégie de politique monétaire de la BCE représente un bon point de départ. Nous saurons seulement dans une année s’il s’agit simplement d’un exercice de style, visant à calmer les esprits avant la prochaine tempête sur les marchés financiers.

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