Les non-dits de l'économie

La prochaine crise de la zone euro lui sera fatale

À la fin du mois d’octobre, Mario Draghi laissera la présidence de la Banque centrale européenne (BCE) à Christine Lagarde, qui vient de quitter ses fonctions de directrice du Fonds monétaire international (FMI) à Washington pour rentrer en Europe.

Ce changement de présidence à la BCE, qui intervient à une période problématique pour l’ensemble de l’Union européenne (pas seulement pour la zone euro), ne laisse rien présager de bon à long terme pour cette Union (et dès lors pour l’économie suisse). Si Mario Draghi a été celui qui a sauvé la zone euro de sa propre autodestruction, lorsqu’il affirma (en juillet 2012) que la BCE aurait fait «tout ce qu’il faut pour préserver l’euro», afin que le secteur bancaire de la zone euro n’implose pas suite à sa propre crise systémique, il est vraisemblable que Christine Lagarde aura une approche de politique monétaire plus dogmatique et conservatrice.

En effet, même s’il est erroné de considérer que Draghi est un économiste keynésien, vu qu’il n’a rien de tel en tant que banquier central ignorant l’impact de ses propres choix sur le niveau d’emploi ainsi que sur la répartition du revenu et de la richesse à travers la zone euro, il a au moins essayé de sauver le «grand malade» de l’économie mondiale, à savoir la zone euro – qui est loin de représenter une «zone monétaire optimale» comme l’avait théorisée Robert Mundell au début des années 1960, où les personnes au chômage dans une partie de cette zone se déplacent et trouvent du travail dans une autre région de celle-ci. Les interventions non-conventionnelles de la BCE de Draghi, en effet, ont permis à la zone euro de survivre, injectant des volumes exorbitants de liquidités dans le circuit financier à des taux d’intérêt proches de zéro, sans jamais induire les États-membres de la zone euro à en tirer profit par des mesures de relance keynésienne – à savoir, à travers une forte augmentation des dépenses publiques dont l’ensemble de la zone euro a grandement besoin et qui pourrait être mise en œuvre «à coût zéro» en ce qui concerne les intérêts à payer sur la nouvelle dette publique de plusieurs nations – parmi lesquelles l’Allemagne figure en tête du peloton car le rendement de ses obligations publiques est désormais négatif (à l’instar des obligations de la Confédération suisse).

Christine Lagarde – qui n’est pas économiste, vu qu’elle a étudié le droit pour devenir avocate, avant d’arriver au FMI – a déjà montré d’être un «faucon» en politique économique depuis qu’elle dirige le FMI. Par son adhésion absolue au «consensus de Washington», en effet, Lagarde a fait table rase de toute empreinte keynésienne qui encore pouvait exister au sein du FMI, pour imposer de manière autoritaire des mesures d’austérité aux pays – parmi lesquels on se souviendra de la Grèce au début de cette décennie – se trouvant dans une situation de crise économique aiguë et dramatique.

Le premier novembre, lorsque Draghi laissera sa place à Lagarde, c’est la fête de la Toussaint. Le jour suivant, par contre, ce sera la fête des morts et cela ne laisse augurer rien de bon pour la zone euro…

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