Les non-dits de l'économie

La prochaine crise financière pourrait naître de Facebook

Facebook n’est plus seulement une plate-forme de partage de matériel audio-visuel et de messages de toute sorte pour ses 2,6 milliards d’utilisateurs à travers le monde entier. À partir de l’année prochaine, les paiements des agents économiques pourront être effectués en libra, une cryptomonnaie globale que l’association Libra (établie à Genève) gérera sans devoir faire appel à un compte bancaire pour payer ou recevoir une quelconque somme d’argent d’un bout à l’autre du monde.

L’entrée de Facebook sur le marché des systèmes de paiement ne surprend aucunement, au vu des milliers de cryptomonnaies existant actuellement dont la plus fameuse est le bitcoin. Or, contrairement au bitcoin (qui ne dispose d’aucune garantie financière sous-jacente), libra est censée avoir une couverture financière dans la mesure où elle sera établie à partir d’un panier de monnaies nationales et d’obligations gouvernementales émises par des pays considérés comme étant «fiables» par celles et ceux qui devront gérer «l’émission» de libra.

Si ce panier d’actifs financiers peut être suffisant pour réduire la volatilité des taux de change de libra (évitant ainsi les énormes fluctuations de change observées pour le bitcoin), cela ne suffira pas lors d’une ruée bancaire pour convertir les libra en monnaies nationales et rentrer de cette manière dans le système des paiements au sommet duquel l’on trouve une banque centrale.

L’association Libra (qui exige le versement de 10 millions de dollars pour en faire partie) ou n’importe quel autre acteur dans l’économie privée ne pourra jamais avoir la liquidité nécessaire pour satisfaire la demande de conversion en monnaies nationales de toutes les libra dont les sujets économiques voudront se débarasser en cas de craintes (fondées ou infondées) sur l’acceptabilité de cette cryptomonnaie globale.

Dans ce cas, les banques centrales sollicitées à intervenir pour éviter une crise financière systémique seront encore plus impuissantes qu’elles l’ont été ces dernières années, suite à l’éclatement de la crise financière globale en 2008. Étant donné que la création de libra aura lieu au-delà du système bancaire, le mécanisme de transmission des choix de politique monétaire atteindra très difficilement l’association Libra – entendez l’épicentre de la crise d’illiquidité qui se répandrait très rapidement dans l’ensemble de l’économie globale.

Les politiques d’«assouplissement monétaire» que les principales banques centrales ont mises en œuvre durant cette décennie (avec des résultats très modestes) ne pourront rien faire pour pallier les problèmes engendrés d’une crise de la libra. Il en ira de même pour les taux d’intérêt négatifs que quelques banques centrales ont introduits avec le vain espoir de relancer l’activité économique. Ces instruments «non-conventionnels» de la politique monétaire seront absolument inutiles pour limiter les dommages d’ordre macroéconomique provoqués par une crise d’illiquidité de la libra.

Les banques ont certainement été à l’origine de la crise financière globale éclatée il y a onze années, mais pour éviter la prochaine crise systémique il n’est pas possible de s’en passer…

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