Les non-dits de l'économie

Les limites de la croissance économique sont désormais évidentes

La croissance économique, mesurée par rapport à l’évolution du Produit intérieur brut (Pib), est devenue une obsession pour la plupart des économistes, des institutions financières et des politiciens. Dans le régime économique actuel, basé sur les acteurs financiers et les marchés financiers, la croissance économique est nécessaire pour permettre à ces acteurs de gagner des rendements financiers croissants dans une optique de court terme. Selon cette vision du système économique, l’extraction de ressources naturelles non-renouvelables est efficiente lorsque les profits gagnés par l’utilisation de ces ressources sont entièrement investis dans la production de machines et d’équipements pouvant remplacer ces ressources. De cette manière, l’on prétend assurer aux générations futures la possibilité de satisfaire leurs propres besoins sans aucune contrainte matérielle, permettant ainsi au Pib de continuer à croître sans aucune limite et confondant la croissance économique avec le développement (durable) des activités dans l’ensemble de l’économie.

En réalité, il y a une vision alternative du développement durable sur le plan économique. Celle-ci est basée sur une conception systémique de l’économie, selon laquelle le capital naturel (entendez l’environnement) n’est pas simplement un «input» pour la production de biens et services. Ce capital joue un rôle essentiel pour l’ensemble de la société. Dans cette optique, croissance et développement ne sont pas synonymes au niveau économique: la première concerne la quantité de biens et services produits (et mesurés par le Pib), tandis que le second porte sur la qualité de vie sur le plan économique, considérant donc aussi la société et l’environnement dans leur ensemble (au sein duquel s’insèrent toutes les activités économiques).

Il faut dès lors considérer l’impact de ces activités et des choix publics sur toute sorte de capital utilisé dans le système économique, à savoir le capital naturel, le capital humain et le capital social, au-delà du capital fixe (formé par les machines et les équipements des entreprises). Il faut ainsi reconnaître que le capital naturel joue un rôle incontournable et irremplaçable dans l’économie et la société, a fortiori en ce qui concerne le capital naturel qui a déjà été détruit ou endommagé de manière irréparable par le système économique. L’ensemble des sujets économiques doit être conscient qu’il existe des relations (tantôt positives, tantôt négatives) entre les différents types de capital, évitant de compter sur la «loi» du libre marché pour protéger les ressources naturelles disponibles sur notre planète.

Reconnaître les limites naturelles de la croissance économique amènera l’ensemble des parties prenantes à éviter de continuer à croire que «empoisonner sa femme est un péché mortel, alors qu’empoisonner des milliers de personnes en vendant des aliments ou des médicaments empoisonnés est une banale erreur stratégique des entreprises concernées» (Clarence E. Ayres, Toward a Reasonable Society: The Values of Industrial Civilization, Austin University of Texas Press, Austin, 1961, p. 265, nous traduisons).

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