Les non-dits de l'économie

Surchauffe immobilière et taux d’intérêt négatif

Ce mois-ci, le Fonds monétaire international a fait remarquer à la Suisse que les risques sur le marché hypothécaire helvétique représentent un problème d’ordre macroéconomique. Cet avertissement, tout de suite relancé par la FINMA (l’autorité fédérale de surveillance des marchés financiers), jusqu’à présent n’a pas amené le Conseil fédéral à intervenir afin d’éviter l’implosion du marché immobilier, suite au prochain écroulement des prix sur ce marché. Le gouvernement suisse croit aveuglement que le marché peut s’autoréguler, laissant aux banques le soin de s’autoréglementer pour l’octroi des crédits hypothécaires pour les immeubles de rendement.

La position du Conseil fédéral n’est pas surprenante, vu l’orientation néo-libérale de celui-ci. Ce qui préoccupe davantage à cet égard, c’est la politique des taux d’intérêt négatifs mise en œuvre par la Banque nationale suisse (BNS), qui s’avère aussi bien inefficiente pour affaiblir le taux de change du franc suisse que dangereuse pour la stabilité financière de l’économie nationale dans son ensemble. La BNS continue à ignorer dangereusement que parmi ses propres tâches, inscrites à l’article 5 de la Loi fédérale sur la Banque nationale, on trouve l’obligation de contribuer à la stabilité du système financier suisse. Cela signifie que la BNS devrait éviter d’augmenter la fragilité financière des banques par sa propre politique monétaire. Les taux d’intérêt négatifs sont en réalité une incitation pour les banques à augmenter le volume des crédits hypothécaires, étant donné que sur ce marché il est possible de gagner des rendements permettant de compenser les intérêts négatifs sur les dépôts que les banques ont auprès de la BNS. Or, lorsque le marché immobilier va changer sa trajectoire, la chute des prix sur ce marché, induite par une offre excédentaire d’immeubles résidentiels, amènera les banques à exiger le remboursement d’une partie importante des hypothèques qu’elles ont octroyées, créant les conditions pour l’éclatement d’une crise immobilière qui pourrait mettre en danger la stabilité financière de toute l’économie nationale. Les débiteurs et les créanciers sur le marché hypothécaire seront alors frappés par cette crise, comme cela fut le cas à la fin des années 1980. À cette époque, l’économie suisse fut secouée par une crise telle qu’il lui a fallu une décennie entière pour s’en sortir, grâce aussi à la signature du premier paquet d’accords bilatéraux avec l’Union européenne.

Or, vu la situation très tendue et problématique sur le plan européen, il est impensable et illusoire de croire que l’économie suisse puisse retrouver un nouvel élan lors d’une nouvelle crise immobilière, a fortiori parce que la BNS ne veut ni ne peut contribuer à la relance économique, étant donné qu’elle est liée aux portefeuilles des banques – qu’elle ne peut pas laisser partir en faillite.

La BNS devrait donc changer de stratégie, abandonnant les taux d’intérêt négatifs, qui représentent un facteur majeur de la prochaine crise financière.

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